Eglise de bois typique en Roumanie |
Un voyage en Roumanie
Samedi 19 juillet
2003, fin de matinée, aéroport Charles-De-Gaulle : cinq gais
lurons font connaissance et tout de suite entre eux se crée une
amitié qui ne cessera de s’approfondir tout au long du voyage. Le
groupe se partage entre trois Français et deux Belges.
Présentons-les pour commencer. Le chef de groupe est le
Général Hubert de Quercize (5 enfants, 16 petits enfants!,
répétera-t-il moult fois à l’envi), officier général de
l’armée française, qui, il y a plusieurs années, a quitté le
service plus tôt que prévu, afin de vivre pour Dieu et pour le
monde, au sein de l’association catholique internationale Fondacio.
Il y assume présentement le travail de responsable de la
communication (www.fondacio.org).
Ensuite, vient le Père Christian Forster, prêtre catholique,
secrétaire de la Commission épiscopale française pour
l’œcuménisme. Son homologue protestant, le pasteur Gilles Daudé,
complète le trio français. La Belgique est représentée par M.
Emmanuel Van der Straten Waillet, avocat, membre permanent de
Fondacio Belgique et d’Unitas, et par le Père Simon,
l’humble narrateur de ce récit, du Monastère de Chevetogne.
Il faut ici dire un
mot de Fondacio, chrétiens pour le monde. Il s’agit d’une
association de laïcs catholiques, jouissant d’un statut canonique,
et présente dans plusieurs pays. Les membres ont comme spiritualité
fondamentale de vivre la parole de saint Jean, Dieu a tant aimé
le monde qu’il a donné son Fils unique, et de concrétiser une
des intuitions du concile, selon laquelle le rôle des laïcs est de
pénétrer les réalités temporelles des valeurs évangéliques.
Dans leurs activités propres, il y a trois domaines privilégiés :
les pauvres, les jeunes et l’œcuménisme. Dans chaque pays, un
évêque (en Belgique, Mgr Vancottem) est chargé de les suivre de
plus près.
Un pas œcuménique majeur a été franchi, il y a peu, par la création en Roumanie d’une section orthodoxe de ce mouvement. Dans ce pays, il a pris pour dénomination celle d’Association orthodoxe pour un monde
nouveau. Celle-ci rassemble pour le moment une quarantaine de
jeunes universitaires de Sibiu, des jeunes filles principalement. Le
métropolite Antoine Plamadeala, de Sibiu et de toute la
Transylvanie, lui a donné toute son approbation et a désigné comme
assistant ecclésiastique et guide spirituel de l’association le
Père Vasile Grajdian, secrétaire scientifique de l’Institut de
théologie orthodoxe de Sibiu. Ces jeunes se retrouvent tous les 15
jours, pendant l’année académique, pour une soirée
d’enseignement spirituel, dispensé par le Père Grajdian. Comme
nous aurons l’occasion de rencontrer souvent ce dernier tout au
long de ce voyage, il n’est pas inutile de le présenter tout de
suite. Après avoir vécu son enfance à Bucarest, il a d’abord
pris une orientation musicale et est devenu excellent violoniste. Il
parle couramment le français et l’allemand. Marié et père de
famille nombreuse, il était de ce fait suspecté par la Securitate
d’être néo-protestant ! On sait en effet que c’est là une
des caractéristiques les plus visibles en Roumanie des Baptistes ou
des Pentecôtistes que d’avoir beaucoup d’enfants. Ordonné
prêtre orthodoxe à un âge plus tardif que de coutume, il a étudié
notamment à Vienne. C’est un homme d’un contact très agréable,
d’une grande culture, d’un très bon jugement sur la situation de
son pays et de l’Eglise orthodoxe roumaine, et ce qui ne gâte rien
un prêtre ouvert à la modernité et à l’œcuménisme, et en même
temps bien enraciné dans la tradition liturgique et spirituelle de
son Eglise. Il a publié une étude sur le typikon et sur le chant
ecclésiastique roumains. Il habite à deux pas de l’Institut, dans
un appartement au charme désuet, au deuxième étage d’une maison
donnant sur une cour intérieure.
Sibiu, l'église catholique, sur la grand place |
Revenons aux jeunes
de l’association. Ils se sont sentis appelés à faire quelque
chose pour les jeunes en difficulté, en l’occurrence pour ceux qui
n’ont pas eu la chance d’avoir une famille normale ou pas de
famille du tout. Comme l’association est majoritairement composée
de jeunes filles, ils se sont orientés vers le Centre de placement
d’Orlat, où vivent des orphelines, des filles abandonnées ou
placées par l’office de protection de la jeunesse. Ces filles
fragilisées sont une centaine, et elles ont entre 7 et 18 ans.
L’association fait à Orlat de l’animation spirituelle et
culturelle. Elle y applique un programme éducatif qui permet aux
jeunes filles de recevoir de nouvelles connaissances (concernant la
santé, le comportement des personnes, les règles de vie, la
sexualité, la vie spirituelle), et tente ainsi de leur fournir ce
que l’école en tant que telle ne peut leur donner, c'est-à-dire
ce que tout jeune est censé recevoir au sein d’une famille. A
l’occasion de ce programme, on sélectionne quelques rares filles,
pour leur aptitude à vivre en foyer. Il s’agit alors du deuxième
programme, qui a pour nom la Casa tîneri pentru tîneri, la
maison des jeunes pour les jeunes. Pour le moment un seul foyer
existe, avec 6 filles de 15 à 18 ans. Il se trouve à Sibiu et leur
propose une vie en maison d’accueil à caractère familial, pour
les aider à commencer le chemin de l’autonomie et de
l’indépendance. Trois membres de l’association accompagnent ces
6 filles, pendant toute la durée de leurs études jusqu’à ce
qu’elles aient trouvé un travail et un logement. Le troisième
programme consistera à aider celles qui auront atteint cette
autonomie, tout au début de leur vie professionnelle. Cette aide
durera une année et concernera aussi des jeunes filles qui auront
été au centre d’Orlat, sans être néanmoins passées par l’un
des foyers gérés par l’association. Une sélection rigoureuse
sera faite là aussi. Admirons à la fois le dévouement des jeunes
de l’association (par exemple, chacune des trois volontaires pour
la Casa doit rester en permanence 24 heures avec les jeunes de la
Casa), mais aussi leur sagesse (on se limite et on sélectionne avec
rigueur).
La seconde activité
de l’association est l’organisation d’un forum œcuménique et
international pour jeunes au monastère de Sâmbata de Sus, pendant
les vacances, un véritable camp d’évangélisation sur un thème
spirituel d’actualité. Cette année, le thème sera Tinerete si
Speranta, Jeunesse et Espérance. Ainsi l’association de Sibiu
rejoint bien les trois priorités de Fondacio : les
pauvres, les jeunes et l’œcuménisme.
***
L’avion venant de
Paris se pose sur le sol roumain dans l’après-midi de ce samedi 19
juillet et nous découvrons l’aéroport international de Bucarest,
complètement rénové et tellement plus agréable que celui qu’on
a pu connaître naguère. Le contrôle des passeports nous met en
contact avec des policiers moins farouches que dans le passé, nous
faisons la connaissance au bureau de change de la valeur du leu, la
monnaie roumaine (36 000 lei pour un euro), nous voici devenus
millionnaires, et enfin à la sortie, nous tombons sur une accorte
jeune fille, Ioana Galea, qui nous attend avec un minibus pour nous
emmener à Sibiu. Ioana est l’une des volontaires du programme
éducatif de l’association. Après des études de lettres à Sibiu,
elle a fait l’Institut Foi et engagement à la Catho
d’Angers, un institut de formation pour laïcs qui veulent servir
le monde dans un esprit évangélique, dirigé par Fondacio.
Elle a ensuite été, en 2001-2002, responsable d’un foyer pour
orphelines, à Santiago, au Chili. Elle a en outre fait des stages
dans des institutions pour malades psychiques. Une jeune fille donc,
mais comme tant d’autres volontaires que nous allons rencontrer,
qui est décidée à faire quelque chose de beau dans sa vie, avec
une foi, une discrétion, une gentillesse et une persévérance qui
impressionnent.
mititei, plat typique roumain |
Dans la chaleur
étouffante de Bucarest, le minibus prend la route de Ploiesti, nous
voyons quelques puits de pétrole dans le lointain, une raffinerie,
et nous faisons une première halte pour boire… une bière bien
fraîche, à la terrasse d’un motel, où se prépare ce soir un
repas de noces. Nous repartons et abordons les montagnes, en
direction de Brasov. Nouvelle halte pour manger cette fois, dans un
routier. Là aussi, une noce se prépare, les premiers invités sont
en train d’arriver. Nous restons dehors pour manger des mititei,
ces rouleaux de viande hachée typiques de la Roumanie. L’eau
pétillante, la boisson nationale roumaine, commence à évincer la
bière, tant notre soif se fait sentir. Nous partageons avec Ioana
nos premières impressions sur la Roumanie, elle est manifestement
heureuse de nous accueillir dans son pays, elle qui connaît bien la
France. Peut-être souffre-t-elle en silence de ce que nos réactions
manifestent trop encore un certain esprit hexagonal, ou de ce que
nous parlons tellement en oubliant de regarder le paysage et la
beauté des villages ; d’autant plus que nous passons par des
coins vraiment superbes,
Sinaia, le château Peles |
La nuit tombe, nous
traversons Fagaras et redescendons vers le plateau intérieur. Cette
fois, quelques-uns somnolent de fatigue. Décidément, ici les
voyages par route sont longs, les dépassements toujours dangereux,
les sujets de conversation épuisés. Enfin, une dernière ligne
droite sur une route passée à quatre bandes et Ioana s’écrie :
Voilà Sibiu ! Nous respirons d’aise et nous entrons dans une
ville de province, qui a l’air de bien profiter des vacances et de
la fraîcheur du soir. Face à un grand hôtel, nous bifurquons à
droite. Tout près, un parc abrite une animation musicale nocturne
(pourrons-nous dormir en paix ?). Heureusement, nous passons
encore quelques rues et apparaît alors tout illuminée la cathédrale
métropolitaine, en face de laquelle se trouve l’Institut de
théologie, le lieu où nous allons être hébergés les premiers
jours.
Ce sont les
vacances, donc des chambres sont libres, une par personne, ce que
nous ne regrettons nullement. Le Père Vasile nous attend et, après
quelques minutes passées à faire connaissance, nous gagnons fourbus
et sans tarder nos lits respectifs.
***
Le matin, après
une nuit tranquille, seulement troublée par les cris de deux fêtards
nocturnes, qui passaient par la cour de l’Institut (tenez-vous
bien, il y avait un repas de noces dans un bâtiment annexe !)
et vite calmés par l’indignation du Père Forster, qui a fait pour
la cause une apparition à sa fenêtre, nous nous levons frais et
dispos. L’Institut de théologie offre une jolie cour intérieure,
avec au centre le buste du métropolite Andrei Saguna, et aussi des
arbres et des bancs, pour prendre le frais. En fait, l’Institut est
comme une grande famille. Il semble inconcevable à la mentalité
roumaine, que si les étudiants peuvent entrer dans les bâtiment ou
la cour, il ne soit pas possible par conséquent que les parents,
grands-parents, cousins, cousines etc. ne puissent faire de même.
Nous aurons l’occasion de le constater à plusieurs reprises, sans
parler de tous les anciens qui aiment y revenir.
Dans la cour, nous
attend une autre volontaire, tout aussi avenante, de l’association,
Alexandra Dragoi. Alexandra est assistante sociale (études à
Sibiu). Elle aussi a étudié à Angers, où elle a en outre fait un
stage dans un foyer de resocialisation pour jeunes, le Foyer
Tournemine. Enfin, elle a complété sa formation dans la section
psychiatrique pour adolescents de Sibiu. Elle a une sœur, Oana, que
nous verrons plus tard et qui est médecin. Les deux sœurs Dragoi
ont pour père un prêtre orthodoxe, le Père Ioan Dragoi, aumônier
de l’hôpital départemental de Sibiu, et conseiller spirituel de
la Casa.
Alexandra nous
emmène pour le petit déjeuner dans une rue voisine. Mais quel petit
( ?) déjeuner ! Un déjeuner roumain, avec omelettes,
charcuterie, fromage et même un verre d’alcool, cognac ou tuica,
que nous refusons, à cause de la liturgie qui s’approche. C’en
est trop pour nos amis français, et Alexandra nous promet pour les
autres jours un petit déjeuner à la française. On trouvera bien un
endroit disposé à nous le servir.
Ensuite, nous
partons pour la liturgie à la cathédrale, célébrée par le
Recteur de l’Institut, le Père Dumitru Abrudan, le chœur étant
dirigé par le Père Vasile Grajdian. Les concélébrants sont des
professeurs. L’assistance est nombreuse et la piété des fidèles,
notamment le geste de toucher les ornements des prêtres au moment
des entrées, voire de s’enfouir la tête sous l’épitrachile,
surprend les membres du groupe qui viennent pour la première fois en
Roumanie. Après la célébration, on nous introduit dans le
sanctuaire pour nous donner l’antidoron, et nous montrer certaines
choses comme le tabernacle ou l’antimension. Nous sommes surpris
par la chaleur de l’accueil. Les premiers contacts sont
prometteurs.
A la sortie du
sanctuaire, nous retrouvons cette fois Ioana, qui est censée nous
conduire, dans le cadre d’une promenade dominicale, dans un
quartier périphérique, chez les Soaita, les parents de Cosmin
Soaita, étudiant en économie à Paris I et président de
l’association. Nous traversons quelques beaux quartiers
résidentiels, nous passons devant ce qui fut en son temps la villa
de l’un des fils Ceausescu, nous entrons dans une église, où
s’achève la célébration d’un mariage. Nous nous faufilons à
travers les derniers sortants et nous commençons à admirer les
fresques, lorsque soudain, un second couple entre dans l’église.
mariage orthodoxe en Roumanie |
A ce sujet, il faut
dire que l’atmosphère générale que l’on ressent cette année
en Roumanie respire plutôt la confiance et l’optimisme. On note
comme une volonté de rompre avec un passé de grisaille et de
profiter de l’existence. Cela se remarque par exemple dans
certaines tenues vestimentaires féminines. Faut-il parler d’une
libération des mœurs ? Peut-être, avec cette nuance qu’elle
est plus un rejet du puritanisme socialiste, que de la tradition
chrétienne. Pour avoir une appréciation objective des phénomènes
de société qui agitent la Roumanie d’aujourd’hui et dont pas
mal de journaux parlent, ne pourrait-on pas faire un rapprochement
avec ce que nous avons connu dans nos pays à la libération en
1944: une liberté plus grande dans tous les domaines, mais aussi
l’émergence d’un laïcat chrétien qui veut s’engager
socialement et politiquement ? Libération, oui, mais aussi de
tout un potentiel humain et spirituel, qui promet de beaux fruits, si
cela ne dévie pas. La Roumanie pourrait donner alors à l’Europe
le témoignage de chrétiens et de chrétiennes, qui sans rien renier
de leur foi, osent faire quelque chose pour la société en laquelle
ils vivent. Il y a moins de passivité, en particulier chez les
filles ; au lieu d’attendre que quelque chose se passe ou
advienne de l’extérieur, on se lance dans l’aventure de la
reconstruction de la société et surtout de l’être humain.
Nous arrivons vers
deux heures chez les Soaita. Madame est professeur de français dans
un lycée, elle a voyagé en France et son fils Cosmin vient de
terminer un DEA en économie à Paris. Il va poursuivre, avec des
allées et venues entre Paris et Sibiu, un doctorat à la Sorbonne.
Il est donc président de l’Association orthodoxe pour un monde
nouveau et nous sommes heureux de le retrouver au sein de sa
famille. Après un repas pantagruélique et bien arrosé, nous
prenons deux voitures pour aller visiter le musée du village roumain
à la sortie de Sibiu, le deuxième plus grand musée de ce type en
Europe, le plus grand musée de la vie rurale se trouvant en
Slovaquie. C’est l’occasion pour le Père Forster de montrer ses
connaissances techniques, notamment au sujet des moulins à eau.
Le soir, nous
rencontrons dans un auditoire de l’Institut un certain nombre de
jeunes de l’association. Nous nous présentons les uns aux autres.
Certains parlent bien le français, comme la sémillante Anabela
Grip, étudiante en études européennes à Cluj, qui sera l’une
des animatrices des soirées festives du forum. Et aussi Daniela
Stoia, vice-présidente de l’association, qui a fait en son temps
des stages au Centre Emmaüs, en France. Poussé par le Père Vasile,
je présente le monastère de Chevetogne en roumain. On a l’air
d’apprécier cet effort et en tout cas on me pardonne mes
inévitables fautes de grammaire.
***
Le lendemain, nous allons visiter la
Casa. Nous sommes accueillis par Mihaela Popa, une orpheline, au
sourire communicatif, et qui vit depuis près d’un an dans ce
foyer. Puis nous faisons la connaissance des autres filles de la
maison. Manifestement elles sont heureuses ici, et on peut noter
l’effet bénéfique d’une telle vie, dans leur manière d’être
et de se comporter avec des visiteurs. Preuve que cette façon de
faire est la bonne. Nous visitons leur appartement, et Cosmin, le
responsable au niveau civil de l’expérience nous apprend que la
principale difficulté de l’entreprise vient des voisins, inquiets
de la présence de 6 jeunes filles, potentiellement délinquantes,
dans l’immeuble. Nous sommes de notre côté persuadés que ces
craintes sont vaines.
Enfants placés à Orlat |
Nous partons ensuite pour visiter
le petit monastère d’Orlat, récemment ouvert, où vivent 7
moniales. On nous attendait pour le lendemain. Peu importe, à 4
heures, un repas nous est servi par les sœurs, dans leur réfectoire.
La coiffure des moniales intrigue certains membres de notre
délégation. Puis, nous visitons le musée d’icônes sur verre, à
Sibiel. Le prêtre du village ne manque pas de nous rejoindre pour
nous montrer son église.
Le soir, nous dînons chez le Père
Vasile et nous écoutons ses réflexions sur l’histoire récente de
la Roumanie. Petit à petit, nous voyons qu’une histoire objective
des premières années du régime Ceausescu voit le jour dans
certains milieux intellectuels, qui n’amoindrit certes en rien le
côté mégalomane et absurde du dictateur en ses dernières années.
Le Père Vasile reconnaît que les Roumains de plus de 40 ans, y
compris les membres du clergé, sortent difficilement d’une
mentalité passive et attentiste. Beaucoup d’attitudes cultivées
sous l’ancien régime perdurent et perdureront sans doute encore
longtemps. C’est pourquoi la jeunesse universitaire actuelle lui
apporte l’espoir d’un renouveau et d’un nouveau départ pour la
Roumanie nouvelle, en train de se chercher.
***
Le lendemain, après
un déjeuner aux croissants et à la confiture, dans un des
restaurants les plus prestigieux de Sibiu, la Crama Sibiul vechi,
qui a accepté d’ouvrir ses portes pour nous chaque matin, et où
nous irons manger à l’occasion certains soirs, et y apprécier
l’orchestre tzigane et les serveurs en costume traditionnel, nous
visitons l’Institut et sa bibliothèque. L’Institut a maintenant
800 élèves, dont beaucoup de filles. La formation théologique
prépare au sacerdoce ou à l’enseignement. Un jumelage est en
train de se faire avec la Catho d’Angers. Mais surtout une
excellente collaboration existe avec l’Université Lucian Blaga de
Sibiu. Cela permet aux étudiants de faire en même temps une
spécialisation en lettres roumaine, française ou anglaise, en
histoire ou en assistance sociale, tout en étudiant la théologie.
Un certain nombre de jeunes gens en effet ne pourront être ordonnés,
du moins dans l’immédiat, du fait qu’il y a pléthore de
prêtres, malgré la multiplication récente de nouvelles paroisses.
De quoi faire pâmer de jalousie bien des évêques de chez nous.
Le métropolite
Antoine étant souffrant à cause de la chaleur, c’est l’évêque
vicaire, Visarion, que nous avons ensuite l’honneur de rencontrer à
la métropolie. Nous parlons avec lui une demi-heure sur la situation
de l’Eglise orthodoxe roumaine et sur l’œcuménisme. Nous sommes
surpris de l’entendre avouer que l’œcuménisme progressera plus
vite, à partir du moment où il sera davantage l’œuvre des laïcs
que celle des théologiens et des hiérarques.
L’après-midi,
repas chez le Père Dragoi, en compagnie de son épouse et de sa
fille Oana ; un prêtre particulièrement fier de son jardin, de
ses abricotiers et de sa vigne. Nous buvons son vin fait maison.
Comme il ne parle pas français, on me place à son côté et je puis
ainsi faire plus ample connaissance avec lui, tout en m’exerçant à
parler la langue de Caragiale.
Le soir, nous
partons pour Rasinari, le village natal de Cioran, où de jeunes
volontaires participent à la construction d’un nouveau monastère,
le monastère Saint Jean Jacob le Roumain. Nous assistons en
compagnie des villageois aux vêpres en plein air célébrées par le
Père Vasile et le Père Catalin Dumitrean, jeune prêtre orthodoxe
issu d’une famille grecque-catholique. Les enfants du village
chantent ensuite quelques chants et nous dînons au monastère. Le
Père Dumitrean présente tous les dimanches soirs, entre 20 h et 23
h, une émission sur une chaîne locale de télévision, intitulée
Les Fleurs du Patirikon, au cours de laquelle il répond aux
questions des téléspectateurs sur des thèmes spirituels. Son autre
projet est d’ouvrir un village pour enfants abandonnés dans la
ligne des Kinderdörpfer, que l’Allemagne a connus après la
guerre. Comme il est aussi le coordinateur de la construction du
monastère de Rasinari et qu’il vient en plus de construire une
nouvelle église climatisée pour un hospice de vieillards de Sibiu,
on peut dire de ce prêtre très zélé qu’il a une brique dans le
ventre.
Le mercredi 23
juillet, en compagnie de Cosmin Soaita,, nous rendons visite au Père
Oscar Raicea, un prêtre autrichien, qui dessert la plus grande
église catholique romaine de Sibiu, sur la Grand Place, une église
baroque du XVIIIème siècle. On y célèbre la messe en roumain, en
hongrois, en allemand et en italien. Cela me donne l’occasion de
vous donner une vue d’ensemble de la situation confessionnelle de
cette ville. Elle s’appelait, jusqu’en 1918, et s’appelle
encore pour certains Hermannstadt. C’était l’Autriche-Hongrie
des Habsbourg. Au recensement de 1910, la confession majoritaire
était la luthérienne avec 41 % de la population, et elle était de
langue allemande. Les Saxons sont venus en Transylvanie au XIIIème
siècle et étaient catholiques. Ils sont passés à la Réforme au
XVIème siècle. Beaucoup sont partis en Allemagne durant les années
Ceausescu, et le mouvement s’est accéléré après 1989, si bien
que cette communauté ne représente plus que 2% de la population de
Sibiu, contre 91% d’orthodoxes. Tels sont les chiffres du plus
récent recensement, au cours duquel pour une ville de plus de 150
000 habitants, seulement 87 personnes ont déclaré être athées,
agnostiques ou sans religion. Mais les Roumains sont foncièrement
tolérants. Preuve en est que le maire de Sibiu est lui-même un
luthérien pratiquant. Chrétien convaincu, il a participé l’an
dernier au Forum de Sâmbata, avec une conférence-débat sur
l’engagement des chrétiens en politique.
Nous rendons visite
du reste à cette communauté luthérienne. Le vicaire épiscopal
Hans Klein, et le chancelier de l’évêché, nous reçoivent, dans
une salle où nous pouvons admirer les tableaux des évêques
luthériens qui se sont succédés à Sibiu depuis le XVIème siècle.
Nous sommes heureux d’apprendre que les professeurs de théologie
de l’Institut de théologie luthérienne donnent aussi une
formation aux Baptistes et aux Pentecôtistes. Nous avions rencontré
au hasard de nos promenades en ville un ingénieur, de confession
baptiste, qui avait lié conversation avec nous, tout heureux de
rencontrer des Français. Nous avions ainsi appris qu’il y a 3
églises baptistes à Sibiu.
***
Mercredi matin, une surprise nous
attend. Il faut savoir que parmi les membres du chœur qui avait chanté
à la cathédrale dimanche, se trouvait le Général Uscoi,
commandant de la place de Sibiu et de l’école des forces
terrestres de Roumanie. Ayant noté la présence d’un petit groupe
d’étrangers aux premières places de l’assemblée, il a cherché
à savoir qui nous étions et ayant appris la présence parmi nous
d’un général français, il a fait savoir par son aumônier qu’il
désirait le rencontrer. Hubert, comme nous l’appelons en toute
simplicité, ne peut évidemment se dérober. Allons-nous
l’accompagner ? Finalement, après quelques hésitations, nous
opinons pour l’affirmative, et nous voilà partis pour la caserne.
Lorsqu’un général rencontre un général, ils ne peuvent parler
que d’affaires de généraux !, pensions-nous. Mais pas à
Sibiu, où l’on n’a parlé que de religion. Le Général nous a
certes présenté son état-major et nous avons visité le musée de
l’armée. Mais surtout, nous avons parlé de la situation
religieuse de la Roumanie. Le Général Uscoi est persuadé que la
crise actuelle est d’abord une crise éthique, et c’est pourquoi
il ne ménage pas ses efforts pour favoriser la formation éthique et
l’accompagnement spirituel des élèves de son école. Il favorise
une collaboration entre l’Ecole militaire et l’Institut de
théologie. Il nous promet une aide logistique pour le forum de
Sâmbata de Sus à partir de l’année prochaine. C’est un homme
d’une grande droiture et un chrétien convaincu que nous
rencontrons. En Roumanie, deux institutions ont encore la confiance
de la population : l’Eglise orthodoxe roumaine et… l’armée.
L’après-midi est libre, je me
promène dans Sibiu et le soir un dernier repas nous rassemble à la
Crama Sibiul vechi, pour prendre des réserves avant
d’affronter la nourriture de Sâmbata !
***
Et jeudi, c’est le grand départ
pour ce célèbre monastère, qui a eu tant de liens spirituels avec
Chevetogne. Nous y arrivons dans l’après-midi. Mauvaise nouvelle :
les chambres en principe réservées n’ont pas été vidées par
leurs occupants actuels, qui prolongent leur séjour. Seul le
starets, c'est-à-dire l’higoumène du monastère, telle est
l’acception de ce terme slave en roumain, le Père Ilarion, peut
nous indiquer où aller, mais voilà il n’est pas là, il est parti
à Brasov. Il a beaucoup à faire car on est en train de construire
un centre œcuménique à côté du monastère, et les travaux
doivent être terminés pour le 15 août, fête du monastère.
Lorsque des hôtes arrivent à l’improviste, ou lorsqu’un camion
apporte des matériaux de construction, seul le starets peut indiquer
quelles chambres donner ou l’endroit pour déposer la livraison !
Finalement, on nous met dans la
maison de l’ancien starets, le Père Beniamin, bien connu à
Chevetogne, une chambre pour deux à l’étage, et un salon où
l’on transforme des divans en lits, pour les trois autres. A la
guerre comme à la guerre, peuvent se dire le Général et tous ceux
qui ont connu les joies des manœuvres militaires. Heureusement deux
luxueuses salles de bain sont aussi disponibles pour notre confort.
Premier tour du monastère, dans
l’attente de l’arrivée des jeunes participants au forum. Nous
visitons la vieille église qui se trouve au centre de la cour, et la
nouvelle grande église qui se trouve au premier étage près du
portail d’entrée. Signe des temps : un écriteau à l’entrée
du monastère indique, avec force détails, toutes les tenues
vestimentaires proscrites dans l’enceinte. Je salue le Père
Ieronim, que j’ai eu l’occasion de voir à Chevetogne, il y a
quelques années. On peut voir aussi dans la cour la petite chapelle
des confessions, mise à la disposition du Père Teofil, le duhovnic
du monastère, c'est-à-dire le spirituel et le confesseur, qu’on
appellerait starets en Russie. C’est là qu’il reçoit les
pèlerins qui viennent s’adresser à lui. Emmanuel évoque à ce
sujet le Padre Pio. Un moine devant la porte ouverte de la vieille
église frappe le simandron pour appeler aux vêpres. Toute une
atmosphère évoquant les romans de Dostoïevski baigne les lieux.
Pendant toute la durée du forum,
les jeunes seront reçus au réfectoire des moines. Nous y prenons
donc le repas du soir et ensuite nous nous rendons à la soirée
d’accueil et d’inauguration du forum. Une bonne soixantaine de
Roumains sont déjà là, ainsi qu’un Italien de Florence et nous
attendons avec une vive curiosité un groupe de 15 Allemands de
Leipzig et d’Erfurt, encore sur la route. Les Roumains sont
orthodoxes, à l’exception de trois jeunes filles catholiques de
Bucarest, emmenées par Cristina Stanca Mustea, une étudiante en
études américaines, dont la joie de vivre et le sourire nous
charment tous, et qui se dévoue elle aussi à une œuvre pour
enfants de la capitale.
Enfin dans le courant de la soirée
arrivent les jeunes Allemands, avec leur aumônier, le Père Andreas
Reichwein. Ils sont catholiques et membres de l’aumônerie
universitaire de Leipzig. Très vite les contacts se nouent au cours
d’une soirée de chants en roumain, en français, en allemand et
aussi en anglais. La mondialisation a elle aussi du bon lorsqu’elle
permet de créer, grâce aux mêmes références musicales, un
courant de sympathie entre jeunes qui se rencontrent pour la première
fois, alors que la langue les sépare. Pour les parties sérieuses
des jours qui suivront, conférences et débats, un matériel de
traduction simultanée est prêt. Les Allemands connaissent tous
l’anglais et tout pourra ainsi se dérouler sans problème. Vers 22
heures, nous nous rendons dans le complexe touristique voisin, pour
prendre un pot et faire plus ample connaissance.
***
Le lendemain, je me rends à la
liturgie de 7 heures, alors que tout le monde roupille encore. Elle
est célébrée par le Père Hilarion. J’y retrouve le Père
Vasile, qui au moment de l’antidoron me présente au starets. Un
rendez-vous est pris pour le soir avec les membres de notre
délégation.
Entrée du monastère de Sâmbata de Sus |
Mais pour des jeunes il faut aussi
des activités récréatives. Plusieurs ateliers sont ouverts dans
l’après-midi : art floral, théâtre, modelage, peinture sur
verre etc. Hubert de Quercize choisit de s’initier à la peinture
sur verre. Il y aussi du sport : VTT ou badminton. Peu doué de
mes mains et n’ayant plus le goût des sports, je me rends, quant à
moi, avec le Père Vasile, à une rencontre entre quelques jeunes
sur le thème orthodoxie et œcuménisme. J’y retrouve entre
autres Anabela et Cristina. Nous sommes une petite dizaine assis au
bord de la forêt qui se trouve derrière le monastère sur les
premières pentes des montagnes. Chacun doit donner un témoignage
sur les raisons qui le poussent à s’ouvrir à l’œcuménisme. En
entendant les témoignages de ces jeunes, je suis frappé par le fait
que l’œcuménisme est presque une obligation en Roumanie pour des
raisons familiales ou d’itinéraires personnels. Ainsi Cristina de
Bucarest explique comment ses parents grecs-catholiques sont devenus
orthodoxes par la force des choses, pour pouvoir se marier à
l’église, et comment elle même est devenue catholique.
Manifestement les choix confessionnels personnels ne constituent pas
un rejet des autres Eglises, et on voit un peu la concrétisation de
ce que disait l’autre jour l’évêque Visarion : l’apport
que vont constituer sur le chemin de l’unité les itinéraires
personnels, l’existence des couples mixtes, ainsi que les voyages
et les contacts qui se multiplient.
Le Père Teofil fera dimanche une
conférence au forum, et comme nous ne serons plus là pour
l’écouter, nous avons obtenu une rencontre avec lui. Il nous
reçoit dans sa cellule avec affabilité et m’interroge sur les
Pères de Chevetogne qu’il a connus. Il est assis sur son lit, que
protège un couvre-lit aux couleurs rutilantes, à la mode roumaine,
et nous sommes face à lui pour l’écouter et l’interroger. Il
parle de son rôle spirituel, non sans humour parfois. Il raconte
entre autres que lorsqu’il n’était pas encore prêtre, il se
posait des questions sur le sérieux du ministère de la confession :
« Je voyais que les gens se confessaient beaucoup mais je ne
voyais jamais beaucoup de changement dans leur vie. Je me disais que
si un jour je devais faire ce ministère, je ferais tout ce qu’il
faut pour qu’il n’en soit plus ainsi. Je suis devenu prêtre et
depuis des années j’exerce ce ministère de la confession. Eh
bien, rien n’a changé. Les gens se confessent toujours autant mais
il n’y a toujours pas plus de changement que par le passé ! ».
Un humour qui manifeste une très belle humilité.
Le Père Teofil est un grand
partisan de la communion fréquente, peu pratiquée en Roumanie, où
un sens très vif de la sainteté du sacrement ainsi que des règles
de jeûne très strictes ont poussé les fidèles à la communion
rare, qui se réduit souvent à une seule communion par an à
l’occasion du grand carême. Le duhovnic de Sâmbata essaie de
réagir, mais avec peu de succès. Il retrace pour nous un dialogue
typique de cette situation avec l’un de ses pénitents :
- Quand t’es-tu confessé la dernière fois ?
- Mais au grand carême, l’an dernier !
- Ce n’était pas chez moi, alors.
- Mais si, Père Teofil, vous ne vous en souvenez pas ?
- Ce n’est pas possible, car j’ai dû te dire qu’il fallait te confesser et communier plus souvent
- Mais vous savez, finalement, je ne l’ai pas fait
- Mais alors pourquoi viens-tu chez moi, si tu ne fais pas ce que je te dis !
Mais attention ! communion
fréquente ne veut pas dire sans un véritable effort de vie
spirituelle. A ses enfants le Père Teofil donne un programme de
vie : aller à l’église le dimanche et les fêtes, lire
chaque jour deux chapitres du Nouveau Testament, prier le matin et le
soir et pratiquer la prière de Jésus pendant la journée durant les
instants libres. Selon lui, tout chrétien, non empêché par une
faute grave et qui fait cet effort spirituel, a le droit de communier
chaque dimanche et même chaque fois qu’il assiste à la liturgie.
Le Père Teofil |
Il insiste aussi sur l’importance
de la Liturgie dominicale :
- Es-tu croyant ?
- Oui, je suis croyant orthodoxe
- Donc tu vas à la Liturgie chaque dimanche
- Ah non ! Je n’en fais pas autant
- Mais alors pourquoi dis-tu que tu es croyant ?
Des paroles simples et abruptes
mais qui expriment une âme pure et sincère. On pense au Curé d’Ars
ou au Padre Pio. Dans la conversation, nous posons quelques questions
au Père Teofil :
- Quels conseils donneriez-vous à ceux qui s’occupent de jeunes ?
- Un seul, qu’ils fassent cela uniquement pour Dieu
- Que pensez-vous de l’œcuménisme ?
- C’est dommage qu’il y ait tant de réunions et qu’on ne fasse pas l’unité. Mais il faut continuer
- Etes-vous optimiste ?
- Pour moi, oui. Pour les autres, je ne peux rien dire
Là aussi, constatons son réalisme
et son bon sens. L’entretien se termine et nous gagnons la porte de
sa cellule, qu’il a fermée à clé. Car, dit-il, en Roumanie il y
a plein de terroristes ! La porte ouverte, nous comprenons le
sens de ces dernières paroles : un groupe de pèlerins qui
l’attendent pour l’accompagner à sa chapelle. Deux minutes
après, nous le voyons apparaître, revêtu de l’épitrachile, à
la fenêtre de celle-ci, et commencer les prières préparatoires à
la confession pour les fidèles massés dans la cour.
Toute autre visite ensuite chez le
starets, le Père Ilarion. Nous sommes reçus dans un grand salon et
l’on nous sert l’eau pétillante et la traditionnelle tuica,
l’eau de vie de prune de Transylvanie. Le Père Ilarion nous parle
du centre œcuménique qui s’édifie à côté du monastère. Une
rencontre entre Réformés et Orthodoxes est prévue déjà en
septembre. Nous visitons aussi le musée du monastère et cela nous
mène jusqu’au dîner et à la seconde soirée récréative du
forum, la dernière pour nous hélas. Les Allemands organisent l’un
de ces divertissements dont ils ont le secret. Ces festivités vont
faire apparaître chez l’un ou l’autre d’entre nous des
courbatures douloureuses dès le lendemain.
Il est tard et pour nous, c’est
la fin du forum, car demain nous partons pour Bucarest. On salue qui
on peut et on part se coucher. Le forum continuera sans nous jusqu’à
mercredi et, ai-je appris par la suite, sera un succès. Des liens
d’amitié vont se créer et les jeunes de Leipzig vont même faire
un petit séjour supplémentaire à Sibiu, pour profiter avec leurs
amis roumains de la joie des vacances.
***
La nuit, une mystérieuse
indigestion, une forte migraine et des frissons me terrassent. Vive
inquiétude pour mes amis à quelques heures d’un long voyage vers
la capitale. Heureusement, à l’aube, on trouve Oana Dragoi, qui
accourt à mon chevet, avec un grand sac plastique plein de
médicaments. Rien de grave, elle me prescrit du charbon et à la
dernière minute, je m’habille, fait mes bagages et prend place
dans le minibus, avec un thermos de thé. Durant le voyage , mon
état se remet et à l’arrivée à Bucarest, je puis accompagner le
groupe pour une visite à l’archevêché latin.
Nous sommes reçus par un jeune
prêtre, Mgr Robu étant absent. Il nous parle entre autres de
l’influence positive qu’a eue la visite du Pape à Bucarest sur
les relations entre Catholiques et Orthodoxes. Il est vivement
intéressé par l’activité de Fondacio, qu’il ne
connaissait pas jusque là. En tant que catholiques, les membres de
Fondacio de notre groupe, Hubert et Emmanuel, tiennent en
effet à rendre compte aux autorités de leur Eglise de ce qu’ils
ont fait en Roumanie avec la branche orthodoxe, tout en se faisant
ainsi connaître davantage.
Le soir, nous logeons à l’Astoria,
près de la gare du nord. Le restaurant de l’hôtel étant réservé
une fois de plus à cause d’une noce, nous sortons à la recherche
d’un bon restaurant, où pour quelques euros nous faisons un
dernier et excellent repas d’amis, bien arrosé. Faut-il en
parler ? Nous voyons, communiquant avec la très agréable
terrasse couverte et verdoyante où nous nous régalons, un night
club, où des gens commencent à arriver, et qui n’est rien d’autre
qu’une salle de casino, agrémenté de la présence d’une
serveuse très peu vêtue. Providentiel peut-être de voir aussi un
autre aspect de la Roumanie actuelle, après cette cure de jouvence
spirituelle dont la grâce nous a été faite à Sibiu et à Sâmbata,
celui du matérialisme et de la recherche d’un gain facile.
La nuit passée, deux taxis nous
amènent à l’aéroport et nous volons à nouveau vers la France.
***
Mon récit se termine et comme tout
bon auteur, j’en fais maintenant la critique, avant de vous
laisser. Est-il objectif ? Il l’est à mon sens parce que j’ai
seulement essayé de vous partager mes impressions et mes réflexions
face à ce que j’ai vécu là-bas. Enthousiasmé par tant de belles
choses, je n’ai pas non plus caché l’enivrement spirituel et
humain que j’ai pu ressentir à certains moments. J’espère que
vous me pardonnez cette naïveté, qui est peut-être le gage de la
véritable objectivité.
F. Simon Noël, moine de
Chevetogne
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