jeudi 21 juillet 2016

Appelés à la sainteté, article paru dans la revue catholique russe Radouga

Le mystère de la création de l'homme

Dans le livre de la Genèse, il est dit que Dieu créa l'homme à son image et à sa ressemblance. Il en est ainsi non seulement du premier homme et de la première femme, mais de tous les hommes et femmes de tous les temps. Tous nous sommes créés à l'image et à la ressemblance de Dieu, de la Sainte Trinité.
On pourrait dire que dans le terme d'image, il y a quelque chose de statique et d'inaliénable : l'homme est une fois pour toutes image de Dieu, et même chez l'être humain le plus défiguré, cette image ne disparaît jamais. Par contre, le terme de ressemblance renvoie à quelque chose de dynamique, à un phénomène de croissance et d'évolution.

L'image de Dieu dans l'homme se trouve dans la partie spirituelle de son âme. On peut distinguer dans l'âme humaine trois niveaux. Il y a d'abord l'âme végétative, que l'homme a en commun avec tous les êtres vivants : ainsi les fonctions de respiration et de nutrition relèvent de cette âme végétative. Ce sont les fonctions vitales les plus fondamentales. Ensuite l'âme sensible, que l'homme a en commun avec les animaux, du moins les plus évolués. De cette âme sensible relève tout ce qui est de l'ordre de la sensibilité, du psychisme, de l'imagination, des passions etc.
Enfin il y a l'âme proprement spirituelle, qui distincte radicalement l'homme des autres créatures et qui fait que parmi celles-ci, l'homme seul est créé à l'image de Dieu. Cette partie noble de l'âme est le siège des deux facultés spirituelles qui sont cette image de Dieu en l'homme : l'intelligence et la volonté. L'intelligence est faite pour connaître la vérité, la volonté est faite pour l'amour. Quand on parle d'amour ici, on veut parler de l'amour spirituel. L'amour sensible, qui existe aussi d'une certaine façon chez l'animal, a son siège dans la partie sensible de l'homme, et il peut ainsi être déviant. Mais la possibilité d'un amour spirituel est le propre de l'homme, de même que la connaissance spirituelle l'est aussi de l'homme, seul capable par exemple de la connaissance métaphysique. Dans son âme spirituelle l'homme est capable de connaître Dieu et de l'aimer. Telle est la noblesse de l'homme.
L'homme fut aussi créé à la ressemblance de Dieu. L'homme est appelé à ressembler à Dieu. En particulier, puisque Dieu est infiniment saint, l'homme est appelé à la sainteté. Vivant dans le temps, l'homme doit se sanctifier progressivement, croître en sainteté au long des jours, tendre à la perfection divine : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Matt 5, 48). On voit donc ici que dans cette notion de ressemblance, il y a quelque chose de dynamique. A la différence de l'image divine qui est en l'homme de manière inaliénable, la ressemblance avec Dieu peut s'accroître ou diminuer, voire se perdre, par le jeu de la liberté de l'homme, qui répond ou non à la vocation à la sainteté.

Chute de l'homme et rédemption

En effet, la foi nous enseigne que Dieu, non content de nous créer à son image, voulut nous associer plus étroitement à sa vie infinie. Il avait donc, dans Adam, le premier homme, donner à la nature humaine de participer à la nature divine par ce que nous appelons la vie surnaturelle ou la grâce sanctifiante. Ainsi, du rang de simple créature, Adam était élevé à celui d'enfant de Dieu et d'héritier du ciel ; dignité qu'il devait transmettre à toute sa race comme un patrimoine divin. Mais Adam refusa d'obéir à Dieu ; par le péché originel, il perdit la vie surnaturelle et tous ses privilèges. Depuis lors, ses descendants naissent privés de ce don céleste et chargés des conséquences de la première faute. Dieu cependant eut pitié du genre humain tombé dans cet état de péché. La seconde personne de la Sainte Trinité, Dieu le Fils, s'est faite homme pour nous racheter par sa passion et par sa mort. En vertu des mérites de Jésus-Christ, notre Sauveur, la grâce sanctifiante est rendue aux hommes et nous redevenons les enfants de Dieu. En même temps Dieu nous éclaire et nous fortifie par les vertus de foi, d'espérance et de charité, par les grâces actuelles, par d'autres dons encore, comme les sept dons du Saint-Esprit, bref par toute une action mystérieuse et réelle de l'Esprit-Saint au-dedans de notre intelligence et de notre volonté, qui nous permet de vivre, dès ici-bas, comme il convient à de vrais enfants de Dieu et de mériter de la posséder un jour dans le ciel. Son action, le Saint-Esprit ne l'exerce pas du dehors, mais au plus intime de nos âmes qu'il habite avec le Père et le Fils. Jésus, après la Cène, a dit ces paroles bénies : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et chez lui nous établirons notre demeure (Jean 16, 2). C'est pourquoi, un homme en état de grâce est déjà un saint, puisque l'habitation en son âme de la Sainte Trinité crée cette ressemblance avec Dieu, dont nous avons parlé plus haut. Les secours divins seront plus ou moins abondants selon la libéralité de Dieu, sans doute, mais encore selon notre ardeur à nous les procurer. Les sacrements, la prière et les bonnes œuvres augmentent en nous la grâce de Dieu et nous concilient sa bienveillance.
Notre sanctification est l’œuvre certes de la grâce : Sans moi vous ne pouvez rien faire (Jean 15, 5). Mais il faut la collaboration de la liberté de l'homme : Aide-toi et le ciel t'aidera, dit un vieux proverbe populaire. Saint Augustin a bien résumé cette doctrine : Celui qui nous a créés sans nous, ne nous sauvera pas sans nous. C'est ce que les Pères grecs aiment appeler la synergie, œuvre commune de la grâce de Dieu et de l'activité de l'homme.

Rôle des sacrements

Le premier grand secours que Dieu nous accorde pour que nous puissions nous sanctifier est celui des sacrements. Il nous faut donc les recevoir, sinon nous nous éloignons de la vie divine. Si quelqu'un est malade, un médicament ne pourra le guérir que s'il consent à le prendre. Il y a 7 sacrements, institués par Jésus-Christ. Il y a d'abord deux sacrements qu'on appelle sacrements des morts, parce qu'ils peuvent être reçus par ceux qui sont dans un état de mort spirituelle. Ces sacrements ont en effet pour rôle de produire dans l'âme la vie spirituelle, qu'elle ne possède pas encore nécessairement. Le premier est le baptême. Il efface le péché originel (dans le cas d'un petit enfant) et aussi tous les péchés commis antérieurement (dans le cas d'un adulte). Le baptême nous enrichit de la grâce sanctifiante. Nous devenons ainsi des enfants de Dieu, des membres du corps mystique du Christ, des temples de la Sainte Trinité, des héritiers du ciel. Le baptême remet aussi toutes les peines dues à nos péchés et celui qui mourrait immédiatement après le baptême irait droit au ciel, sans aucun purgatoire. Le baptême est ainsi une vraie résurrection de l'âme.
Le sacrement de pénitence efface les péchés commis après le baptême. Le sang du Christ nous lave de nos fautes, si bien que ce sacrement est parfois appelé un second baptême. Faisons cependant une remarque importante. Ces sacrements des morts peuvent en effet être reçus par des âmes vivant déjà de la vie surnaturelle. Ainsi un adulte qui reçoit le baptême a pu faire auparavant, lors de sa conversion, un acte de parfaite contrition. Un baptisé qui se confesse n'a commis que des péchés véniels et dès lors n'a pas perdu la vie de la grâce. Mais dans ces cas, le sacrement renforce et augmente la grâce dans l'âme qui le reçoit.
Les sacrements des vivants doivent être quant à eux reçus par des personnes en état de grâce, sous peine de sacrilège. Notons en particulier la confirmation et l'eucharistie. La confirmation nous confère la grâce et l'abondance des dons du Saint-Esprit, pour nous rendre parfaits chrétiens et nous donner la force de confesser sans crainte la foi catholique. L'eucharistie, sacrifice de la loi nouvelle et nourriture de nos âmes, contient réellement le corps, le sang, l'âme et la divinité de Jésus-Christ, sous les espèces du pain et du vin. L'eucharistie contient donc non seulement la grâce, mais l'auteur de la grâce en personne. Chaque communion augmente en nous la grâce. Elle augmente la beauté éternelle de notre âme, la gloire qui sera la nôtre au ciel.

Rôle de la prière

Le second grand moyen de nous sanctifier que nous donne Dieu est celui de la prière. On connaît la célèbre formule de saint Alphonse de Liguori, le grand docteur de la prière : Celui qui prie se sauve certainement, celui qui ne prie pas se damne certainement. La prière est un moyen indispensable et efficace pour obtenir les grâces dont nous avons besoin pour nous sauver et nous sanctifier. Dieu cependant conserve l'initiative première. La grâce initiale, le baptême d'un enfant encore inconscient ou la conversion d'un adulte, est toujours l'effet de la miséricorde gratuite de Dieu, qu'aucun mérite ou demande de l'homme ne précèdent. Mais pour la suite, Dieu a disposé que les grâces nécessaires pour persévérer ne seront données qu'à ceux qui les demandent. La prière devient ainsi absolument nécessaire : Demandez et vous recevrez (Luc 11, 9-10). Selon le cours ordinaire de sa providence, Dieu veut nous donner ses grâces, mais il veut aussi que nous les lui demandions. Saint Thomas d'Aquin remarque qu'il n'est pas nécessaire de prier pour que Dieu connaisse nos besoins ; mais Dieu nous oblige de prier, afin que nous comprenions nous-mêmes la nécessité de recourir à Lui pour recevoir les secours nécessaires au salut, et que par là nous le reconnaissions pour l'unique auteur de tous les biens que nous avons. Le concile de Trente a déclaré que Dieu ne commande pas des choses impossibles, mais qu'il nous avertit de faire ce que nous pouvons avec l'aide de la grâce ordinaire, et de lui demander l'augmentation de la grâce nécessaire pour accomplir ce que nous ne pouvons faire sans ce secours. Toute la tradition établit donc clairement la nécessité de la prière pour répondre à notre vocation à la sainteté.

Conclusion

Le concile Vatican II a de son côté affirmé que tous les chrétiens sont appelés à la sainteté, il y a une vocation universelle à la sainteté. Cette vocation ne concerne pas seulement les religieux, bien que ceux-ci y soient spécialement tenus par leurs vœux. Elle concerne tout le monde quel que soit l'état de vie. Saint François de Sales, dans l'Introduction à la vie dévote, enseigne qu'il y a plusieurs types de sainteté, selon notre état de vie. Ainsi par le sacrement de mariage, les époux se sanctifient dans leur état de vie, tout autant que les religieux le font par la pratique de leurs vœux. Laissons retentir en nos cœurs cet appel et répondons-y généreusement. Il n'y a qu'ainsi que nous pourrons connaître le vrai bonheur et le plein épanouissement de notre nature humaine, créée à l'image et à la ressemblance de la Sainte Trinité.

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