Il y
a dans l’Église, et dans son droit canon, une distinction faite
entre les clercs, les ministres ordonnés auxquels il faut adjoindre
tous ceux qui sont consacrés à Dieu dans la vie religieuse, et les
laïcs, qui vivent dans le monde. C'est de ces derniers que nous
allons parler dans cet article.
Le
terme laïc n'a rien de péjoratif. Les laïcs ne sont nullement des
chrétiens de seconde zone. Le terme vient du mot grec laos,
qui signifie peuple. Les laïcs sont des baptisés, membres du peuple
de Dieu. Comme baptisés, ils
sont enfants de Dieu et jouissent donc de la liberté évangélique.
Comme confirmés, ils sont les soldats du Christ et sont ses témoins
dans le monde, avec la force que leur donne le Saint-Esprit.
On a beaucoup parlé ces dernières années de la promotion du
laïcat. Une mauvaise compréhension de ce thème est celle qui
voudrait faire des laïcs des gens qui remplacent ou aident les
prêtres, devenus trop peu nombreux en certains endroits. Mais tel
n'est pas leur rôle. La place des laïcs n'est pas dans le
sanctuaire, ni dans la sacristie. Elle est dans le monde. La mission
des laïcs, selon le concile Vatican II, est d'imprégner le monde
des valeurs évangéliques. Vivre l’Évangile dans le milieu de la
famille, du travail, de la culture et des loisirs, telle est la tâche
exaltante des laïcs. A chacun sa vocation. Le prêtre est là pour
former le peuple de Dieu et lui communiquer la vie surnaturelle. Le
laïc est là pour que les valeurs évangéliques se répandent dans
le monde des hommes.
Les laïcs ont donc une mission, une responsabilité dans le monde.
Par conséquent ils ont aussi des droits dans l’Église, afin de
pouvoir réaliser leur vocation propre. Nous parlerons donc ici de
ces deux aspects complémentaires : devoirs et droits.
Mission des laïcs dans le monde
Le premier milieu dans lequel les laïcs vivent leur vocation est
celui de la famille. Dans le monde actuel, dans lequel la famille est
malmenée et durement attaquée, les chrétiens ont un témoignage
fort à donner. La sainte famille de Nazareth est le modèle de la
famille chrétienne. Le 5 janvier 1964, Paul VI a tenu ces propos
dans la basilique de Nazareth : Nous ne partirons pas
cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée,
quelques brèves leçons de Nazareth. Une leçon de silence d’abord.
Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et
indispensable condition de l’esprit; en nous qui sommes assaillis
par tant de clameurs, de tracas et de cris dans notre vie moderne
bruyante et hypersensibilisée. O silence de Nazareth, enseigne-nous
le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les
bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres; enseigne-nous
le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la
méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que
Dieu seul voit dans le secret. Une leçon de vie familiale. Que
Nazareth nous enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour,
son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable;
apprenons de Nazareth comment la formation qu’on y reçoit est
douce et irremplaçable; apprenons quel est son rôle primordial sur
le plan social.
L'idéal de la famille chrétienne a été notamment exposé par
saint Paul dans ses épîtres. Il a mis en valeur la sainteté du
mariage chrétien, la beauté de l'amour entre les époux et entre
les parents et les enfants.
Le chrétien doit aussi répandre les valeurs évangéliques dans son
milieu de travail. Citons encore là-dessus ce que Paul VI disait à
Nazareth : Nazareth, ô maison du «fils du charpentier»,
c’est ici que Nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère
et rédemptrice du labeur humain; ici rétablir la conscience de la
noblesse du travail; ici rappeler que le travail ne peut pas être
une fin à lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui
viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le
finalisent; comme Nous voudrions enfin saluer ici tous les
travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur
frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ
notre Seigneur.
Important aussi de nos jours est le nécessaire témoignage des laïcs
chrétiens dans l'univers de la culture. Par exemple le cinéma
contemporain est souvent athée et immoral. Mais parfois des films
offrent cependant une vision chrétienne et sont ainsi à leur
manière une annonce de l’Évangile dans le désert spirituel du
monde d'aujourd'hui. Ces dernières années des films comme Cristiada
(sur la persécution au Mexique), l'Apôtre (sur la conversion d'un
jeune musulman français à la foi chrétienne), Marie Heurtin (sur
une petite sourde et aveugle éduquée et transformée par l'action
persévérante d'une religieuse dévouée), et d'autres encore,
illustrent l'existence d'un cinéma vraiment chrétien et qui
insuffle des valeurs spirituelles dans la culture contemporaine. Les
laïcs engagés dans le domaine de la culture pourront s'inspirer des
paroles de saint Jean Paul II dans son discours à l'Unesco du 2 juin
1980 : En parlant de la place de l’Église et du Siège
Apostolique auprès de votre Organisation, je ne pense pas seulement
à toutes les œuvres de la culture dans lesquelles, au cours des
deux derniers millénaires, s’exprimait l’homme qui avait accepté
le Christ et l’Évangile, ni aux institutions de différentes
sortes qui sont nées de la même inspiration dans les domaines de
l’éducation, de l’instruction, de la bienfaisance, de
l’assistance sociale et en tant d’autres. Je pense surtout,
Mesdames et Messieurs, au lien fondamental de l’Évangile,
c’est-à-dire du message du Christ et de l’Église, avec l’homme
dans son humanité même. Ce lien est en effet créateur de culture
dans son fondement même. Pour créer la culture, il faut considérer,
jusqu’en ses dernières conséquences et intégralement, l’homme
comme une valeur particulière et autonome, comme le sujet porteur de
la transcendance de la personne. Il faut affirmer l’homme pour
lui-même, et non pour quelque autre motif ou raison: uniquement pour
lui-même! Bien plus, il faut aimer l’homme parce qu’il est
homme, il faut revendiquer l’amour pour l’homme en raison de la
dignité particulière qu’il possède. L’ensemble des
affirmations concernant l’homme appartient à la substance même du
message du Christ et de la mission de l’Église, malgré tout ce
que les esprits critiques ont pu déclarer en la matière, et tout ce
qu’ont pu faire les divers courants opposés à la religion en
général et au christianisme en particulier.
Droits des laïcs dans l’Église
Afin de pouvoir remplir leur mission dans le monde de manière
heureuse, les laïcs jouissent de nombreux droits dans l’Église.
Leur premier droit est celui de recevoir du clergé l'authentique
doctrine catholique. Ils ont droit à une formation doctrinale solide
afin de pouvoir tenir le cap dans un monde déboussolé. Voici ce que
déclarait récemment à Lourdes, lors de la réunion de la
conférence épiscopale française, un évêque parmi d'autres: Dans
les visites pastorales, je m’aperçois vite que les chrétiens ne
sont pas au clair avec leur propre foi. Quand des jeunes musulmans
parlent de Jésus comme du premier des prophètes, mais auquel aurait
été substitué un sosie pour ne pas souffrir sur la croix, beaucoup
d’enseignants ne comprennent pas ce que cela peut impliquer pour
notre foi. Quand d’autres musulmans parlent à leurs copains
chrétiens de leurs “trois dieux”, à propos de la Trinité,
beaucoup ne savent que répondre… Quelles propositions faisons-nous
aux fidèles pour vivre et expliquer l’Incarnation, la
Résurrection, la Trinité ?
Un second droit est celui de recevoir les sacrements de manière
correcte et fructueuse. Récemment le cardinal Burke, dans une
interview au magasine L'homme nouveau, à propos de son livre sur
l'eucharistie, disait ceci : La première catéchèse à
entreprendre est la célébration de la sainte liturgie elle-même.
Elle doit être restaurée dans sa propre dignité, non seulement en
ce qui concerne la célébration du prêtre, mais également pour la
participation des fidèles qui doit être digne, en fonction
justement du profond mystère qui est célébré. Mais allons plus
loin : la disposition du sanctuaire, les vêtements liturgiques
utilisés, le linge d’autel, la musique sacrée doivent chacun à
sa place, selon son rôle et son symbole, attirer l’attention de
tous vers le Créateur, dans cette rencontre entre le Ciel et la
terre. Car de quoi s’agit-il à la messe ? Du fait que réellement
le Christ Jésus, assis à la droite du Père, descend sur l’autel
de l’Église pour réitérer sous un mode sacramentaire son
sacrifice du calvaire. Vous comprenez pourquoi l’Histoire nous
montre que même les peuples les plus pauvres ont souvent tout fait
pour bâtir l’église la plus belle possible ou les plus lumineux
des vitraux. Ils souhaitaient que chaque élément de l’église
témoigne de la suprême réalité de l’Eucharistie. Pour
remplir leur difficile mission dans le monde, les laïcs ont le
besoin et le droit d'avoir une liturgie belle et nourrissante pour
pouvoir se ressourcer et se rajeunir sans cesse dans la vie
surnaturelle de la grâce. Le clergé doit donc être conscient de sa
mission pastorale à cet égard pour le bien de l’Église et de la
nouvelle évangélisation. Tous les fidèles du Christ disposent
du droit de bénéficier d’une véritable liturgie qui soit
conforme à ce que l’Église a voulu et établi,
c’est-à-dire telle qu’elle est prescrite dans les livres
liturgiques et dans les autres lois et normes. (Instruction
"Redemptionis Sacramentum")
Une autre mission importante du clergé est d'assurer aux laïcs qui
en ont besoin une vraie direction spirituelle. Les laïcs ont le
droit par exemple que les prêtres prennent du temps pour leur
apprendre à méditer l’Évangile, à prier, à faire oraison et
même à être conduits vers la contemplation. La disponibilité du
clergé à l'égard des laïcs a toujours pour fin de leur permettre
de remplir leur mission dans le monde.
Nous parlerons pour finir d'un droit parfois encore méconnu des
laïcs dans l’Église : celui d'avoir une opinion et de
l'exprimer librement. Nous citerons à ce sujet une parole de Pie XII
en 1954, dans une allocution sur la presse catholique, où il affirme
la nécessité d'une opinion publique dans l’Église : Il
ne peut y avoir pour s'en étonner que ceux qui ne connaissent pas
l’Église ou qui la connaissent mal. Car, enfin, elle est un corps
vivant et il manquerait quelque chose à sa vie si l'opinion publique
lui faisait défaut.
Tels sont donc quelques aspects de la doctrine de l’Église sur la
responsabilité et les droits des laïcs. Cette doctrine équilibrée
offre à chacun une vraie possibilité de pouvoir vivre sa vocation
propre et d'épanouir les dons qu'il a reçus de la Providence.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire