vendredi 15 juillet 2016

Droits et devoirs des laïcs dans l'Eglise, article paru dans la revue catholique russe Radouga

Responsabilité des laïcs dans le monde et leurs droits dans l’Église

Il y a dans l’Église, et dans son droit canon, une distinction faite entre les clercs, les ministres ordonnés auxquels il faut adjoindre tous ceux qui sont consacrés à Dieu dans la vie religieuse, et les laïcs, qui vivent dans le monde. C'est de ces derniers que nous allons parler dans cet article.
Le terme laïc n'a rien de péjoratif. Les laïcs ne sont nullement des chrétiens de seconde zone. Le terme vient du mot grec laos, qui signifie peuple. Les laïcs sont des baptisés, membres du peuple de Dieu. Comme baptisés, ils sont enfants de Dieu et jouissent donc de la liberté évangélique. Comme confirmés, ils sont les soldats du Christ et sont ses témoins dans le monde, avec la force que leur donne le Saint-Esprit.

On a beaucoup parlé ces dernières années de la promotion du laïcat. Une mauvaise compréhension de ce thème est celle qui voudrait faire des laïcs des gens qui remplacent ou aident les prêtres, devenus trop peu nombreux en certains endroits. Mais tel n'est pas leur rôle. La place des laïcs n'est pas dans le sanctuaire, ni dans la sacristie. Elle est dans le monde. La mission des laïcs, selon le concile Vatican II, est d'imprégner le monde des valeurs évangéliques. Vivre l’Évangile dans le milieu de la famille, du travail, de la culture et des loisirs, telle est la tâche exaltante des laïcs. A chacun sa vocation. Le prêtre est là pour former le peuple de Dieu et lui communiquer la vie surnaturelle. Le laïc est là pour que les valeurs évangéliques se répandent dans le monde des hommes.
Les laïcs ont donc une mission, une responsabilité dans le monde. Par conséquent ils ont aussi des droits dans l’Église, afin de pouvoir réaliser leur vocation propre. Nous parlerons donc ici de ces deux aspects complémentaires : devoirs et droits.

Mission des laïcs dans le monde

Le premier milieu dans lequel les laïcs vivent leur vocation est celui de la famille. Dans le monde actuel, dans lequel la famille est malmenée et durement attaquée, les chrétiens ont un témoignage fort à donner. La sainte famille de Nazareth est le modèle de la famille chrétienne. Le 5 janvier 1964, Paul VI a tenu ces propos dans la basilique de Nazareth : Nous ne partirons pas cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth. Une leçon de silence d’abord. Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit; en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de tracas et de cris dans notre vie moderne bruyante et hypersensibilisée. O silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret. Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable; apprenons de Nazareth comment la formation qu’on y reçoit est douce et irremplaçable; apprenons quel est son rôle primordial sur le plan social.
L'idéal de la famille chrétienne a été notamment exposé par saint Paul dans ses épîtres. Il a mis en valeur la sainteté du mariage chrétien, la beauté de l'amour entre les époux et entre les parents et les enfants.
Le chrétien doit aussi répandre les valeurs évangéliques dans son milieu de travail. Citons encore là-dessus ce que Paul VI disait à Nazareth : Nazareth, ô maison du «fils du charpentier», c’est ici que Nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain; ici rétablir la conscience de la noblesse du travail; ici rappeler que le travail ne peut pas être une fin à lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le finalisent; comme Nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ notre Seigneur.
Important aussi de nos jours est le nécessaire témoignage des laïcs chrétiens dans l'univers de la culture. Par exemple le cinéma contemporain est souvent athée et immoral. Mais parfois des films offrent cependant une vision chrétienne et sont ainsi à leur manière une annonce de l’Évangile dans le désert spirituel du monde d'aujourd'hui. Ces dernières années des films comme Cristiada (sur la persécution au Mexique), l'Apôtre (sur la conversion d'un jeune musulman français à la foi chrétienne), Marie Heurtin (sur une petite sourde et aveugle éduquée et transformée par l'action persévérante d'une religieuse dévouée), et d'autres encore, illustrent l'existence d'un cinéma vraiment chrétien et qui insuffle des valeurs spirituelles dans la culture contemporaine. Les laïcs engagés dans le domaine de la culture pourront s'inspirer des paroles de saint Jean Paul II dans son discours à l'Unesco du 2 juin 1980 : En parlant de la place de l’Église et du Siège Apostolique auprès de votre Organisation, je ne pense pas seulement à toutes les œuvres de la culture dans lesquelles, au cours des deux derniers millénaires, s’exprimait l’homme qui avait accepté le Christ et l’Évangile, ni aux institutions de différentes sortes qui sont nées de la même inspiration dans les domaines de l’éducation, de l’instruction, de la bienfaisance, de l’assistance sociale et en tant d’autres. Je pense surtout, Mesdames et Messieurs, au lien fondamental de l’Évangile, c’est-à-dire du message du Christ et de l’Église, avec l’homme dans son humanité même. Ce lien est en effet créateur de culture dans son fondement même. Pour créer la culture, il faut considérer, jusqu’en ses dernières conséquences et intégralement, l’homme comme une valeur particulière et autonome, comme le sujet porteur de la transcendance de la personne. Il faut affirmer l’homme pour lui-même, et non pour quelque autre motif ou raison: uniquement pour lui-même! Bien plus, il faut aimer l’homme parce qu’il est homme, il faut revendiquer l’amour pour l’homme en raison de la dignité particulière qu’il possède. L’ensemble des affirmations concernant l’homme appartient à la substance même du message du Christ et de la mission de l’Église, malgré tout ce que les esprits critiques ont pu déclarer en la matière, et tout ce qu’ont pu faire les divers courants opposés à la religion en général et au christianisme en particulier.

Droits des laïcs dans l’Église

Afin de pouvoir remplir leur mission dans le monde de manière heureuse, les laïcs jouissent de nombreux droits dans l’Église.
Leur premier droit est celui de recevoir du clergé l'authentique doctrine catholique. Ils ont droit à une formation doctrinale solide afin de pouvoir tenir le cap dans un monde déboussolé. Voici ce que déclarait récemment à Lourdes, lors de la réunion de la conférence épiscopale française, un évêque parmi d'autres: Dans les visites pastorales, je m’aperçois vite que les chrétiens ne sont pas au clair avec leur propre foi. Quand des jeunes musulmans parlent de Jésus comme du premier des prophètes, mais auquel aurait été substitué un sosie pour ne pas souffrir sur la croix, beaucoup d’enseignants ne comprennent pas ce que cela peut impliquer pour notre foi. Quand d’autres musulmans parlent à leurs copains chrétiens de leurs “trois dieux”, à propos de la Trinité, beaucoup ne savent que répondre… Quelles propositions faisons-nous aux fidèles pour vivre et expliquer l’Incarnation, la Résurrection, la Trinité ?
Un second droit est celui de recevoir les sacrements de manière correcte et fructueuse. Récemment le cardinal Burke, dans une interview au magasine L'homme nouveau, à propos de son livre sur l'eucharistie, disait ceci : La première catéchèse à entreprendre est la célébration de la sainte liturgie elle-même. Elle doit être restaurée dans sa propre dignité, non seulement en ce qui concerne la célébration du prêtre, mais également pour la participation des fidèles qui doit être digne, en fonction justement du profond mystère qui est célébré. Mais allons plus loin : la disposition du sanctuaire, les vêtements liturgiques utilisés, le linge d’autel, la musique sacrée doivent chacun à sa place, selon son rôle et son symbole, attirer l’attention de tous vers le Créateur, dans cette rencontre entre le Ciel et la terre. Car de quoi s’agit-il à la messe ? Du fait que réellement le Christ Jésus, assis à la droite du Père, descend sur l’autel de l’Église pour réitérer sous un mode sacramentaire son sacrifice du calvaire. Vous comprenez pourquoi l’Histoire nous montre que même les peuples les plus pauvres ont souvent tout fait pour bâtir l’église la plus belle possible ou les plus lumineux des vitraux. Ils souhaitaient que chaque élément de l’église témoigne de la suprême réalité de l’Eucharistie. Pour remplir leur difficile mission dans le monde, les laïcs ont le besoin et le droit d'avoir une liturgie belle et nourrissante pour pouvoir se ressourcer et se rajeunir sans cesse dans la vie surnaturelle de la grâce. Le clergé doit donc être conscient de sa mission pastorale à cet égard pour le bien de l’Église et de la nouvelle évangélisation. Tous les fidèles du Christ disposent du droit de bénéficier d’une véritable liturgie qui soit conforme à ce que l’Église a voulu et établi, c’est-à-dire telle qu’elle est prescrite dans les livres liturgiques et dans les autres lois et normes. (Instruction "Redemptionis Sacramentum")
Une autre mission importante du clergé est d'assurer aux laïcs qui en ont besoin une vraie direction spirituelle. Les laïcs ont le droit par exemple que les prêtres prennent du temps pour leur apprendre à méditer l’Évangile, à prier, à faire oraison et même à être conduits vers la contemplation. La disponibilité du clergé à l'égard des laïcs a toujours pour fin de leur permettre de remplir leur mission dans le monde.
Nous parlerons pour finir d'un droit parfois encore méconnu des laïcs dans l’Église : celui d'avoir une opinion et de l'exprimer librement. Nous citerons à ce sujet une parole de Pie XII en 1954, dans une allocution sur la presse catholique, où il affirme la nécessité d'une opinion publique dans l’Église : Il ne peut y avoir pour s'en étonner que ceux qui ne connaissent pas l’Église ou qui la connaissent mal. Car, enfin, elle est un corps vivant et il manquerait quelque chose à sa vie si l'opinion publique lui faisait défaut.
Tels sont donc quelques aspects de la doctrine de l’Église sur la responsabilité et les droits des laïcs. Cette doctrine équilibrée offre à chacun une vraie possibilité de pouvoir vivre sa vocation propre et d'épanouir les dons qu'il a reçus de la Providence.



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