La fête du 21 novembre s'appelle dans le rite byzantin l'Entrée au temple de la Mère de Dieu. L'homélie qui suit a été prononcée dans l'église orientale du monastère de Chevetogne, toute ornée de fresques, et selon l'usage local juste avant la communion des fidèles, ce qui explique certains détails de cette prédication.
Dans l'année
liturgique byzantine, il y a au centre Pâques, qui est la fête des
fêtes. Et autour de cette solennité centrale, il y a une
constellation de 12 fêtes, un peu comme la couronne de 12 étoiles
sur la tête de la femme de l'apocalypse : 9 fêtes du Seigneur
et 3 de la Mère de Dieu. Elles sont toutes présentes dans les
fresques de la nef centrale de notre église, les trois fêtes
mariales se trouvant sur le mur occidental de cette nef : la
nativité de Marie, la Dormition et l'entrée au temple de la Mère
de Dieu. Si les fêtes du Seigneur sont basées sur le Nouveau
Testament, ce n'est pas le cas des 3 fêtes mariales, qui sont
inspirées par les écrits apocryphes. Récit apocryphe ne signifie
pas récit faux, mais un texte qui n'a pas été incorporé dans le
canon des Écritures saintes. Ce sont des textes qui proviennent des
premières générations chrétiennes, en particulier des communautés
issues du judaïsme, et qui expriment les croyances et la piété de
ces communautés.
Avec la fête
de ce jour, nous sommes invités en effet à nous rappeler
l'enracinement dans l'ancien testament de notre foi chrétienne. La
petite Marie, fille d'Anne et de Joachim, n'a que trois ans. Nous
sommes donc encore avant Jésus-Christ. Au centre de la vie du peuple
de Dieu de la première alliance, il y a le temple de Jérusalem,
avec son sanctuaire, son saint des saints, lieu de la présence au
milieu de son peuple du Dieu infiniment saint. Dans une église
orientale, le sanctuaire, avec l'autel et le tabernacle, qui a chez
nous la forme d'une petite colombe, symbole du Saint-Esprit, est
aussi un lieu saint, le lieu où Dieu demeure parmi nous. Comme dans
le temple de Jérusalem, il est séparé du reste de l'église par la
cloison de l'iconostase, avec au centre la porte royale et le rideau,
qui symbolise la porte du paradis, fermée par le premier péché
mais ouverte à nouveau par le Christ, le jour de l'ascension, quand
le premier il est entré par le voile de sa chair dans le sanctuaire
céleste pour y devenir notre grand-prêtre miséricordieux et
compatissant. Le sanctuaire représente en effet l'au-delà, le ciel
de Dieu, tandis que la nef représente notre monde. C'est pourquoi
les scènes de l’Évangile sont représentées dans la nef parce
qu'elles nous rapportent la vie du Fils de Dieu en notre monde.
Toutefois deux fêtes sont dans le sanctuaire, l'ascension et le
pentecôte. Jésus-Christ en effet avec l'ascension est remonté vers
son Père et de là il a envoyé son Saint-Esprit sur les apôtres.
C'est pourquoi ces deux fêtes se trouvent au-delà de l'iconostase,
car elles sont déjà du ciel. Quand un fidèle entre à l'église,
la première chose qu'il fait c'est de se tourner vers le sanctuaire,
lieu de la divine présence, ciel présent sur la terre, et il fait
trois métanies en se signant, pour se tourner ainsi vers Dieu, vers
le trône de la grâce.
Aujourd'hui,
l'immaculée fait son entrée dans le temple. Anne et Joachim, pour
remercier le Seigneur de leur avoir donné une fille viennent au
temple pour qu'elle y soit éduquée. Marie aurait alors gravi les
marches du sanctuaire et serait entrée dans le saint des saints.
Qu'est-ce que cela signifie pour nous ? Sinon que la Vierge,
parce qu'elle était immaculée, vivait totalement dans la présence
de Dieu, d'une manière incompréhensible pour nous et qui dépasse
tout ce que nous pouvons concevoir. Une vie toute offerte à Dieu,
dans la virginité, une vie de prière incessante, qui fait qu'elle
sera choisie pour être la Mère du Sauveur promis dès l'origine.
Les moines byzantins aiment à appeler la Mère de Dieu, la mère de
la prière incessante. C'est pourquoi cette fête est pour nous une
fête typiquement monastique, une fête qui nous invite à la prière
incessante de louange et d'intercession pour le monde.
Ce n'est pas
sans raison qu'en occident la date d'aujourd'hui était
traditionnellement dans beaucoup de congrégations religieuses une
date pour faire les vœux. Marie aujourd'hui, à l'aube de sa vie
consciente, s'est consacrée totalement à Dieu et c'est là le sens
le plus profond de la fête de ce jour.
Les récits
apocryphes nous disent que l'une des occupations de la jeune Marie
dans le temple fut de tisser le voile du sanctuaire, ce voile qui se
déchirera au moment de la mort de Jésus sur la Croix, ouvrant ainsi
la route vers le sanctuaire éternel, vers la communion avec Dieu,
vers la vie éternelle.
Dans
quelques instants le sanctuaire va s'ouvrir et nous allons nous
approcher pour recevoir le corps et le sang du Christ, cette
nourriture céleste qui nous donne déjà la vie éternelle, qui nous
met en communion avec la sainteté de Dieu, qui nous réconcilie
parfaitement avec la Sainte Trinité. Oui c'est du trône de la grâce
que nous pourrons nous approcher avec confiance. Que ces paroles de
l’épître aux Hébreux nous accompagne en cette démarche
vivifiante et divinisante : Ayant un grand-prêtre qui a
pénétré les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, ayons confiance, car
nous n'avons pas un pontife qui ne puisse pas compatir à nos
faiblesses, lui qui a été semblable à nous en tout, hormis le
péché. Allons donc avec confiance au trône de la grâce, afin
d'obtenir miséricorde, et d'y trouver la grâce avec tout son
secours.
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