Comme dit St
Paul : « Satan se déguise en ange de lumière » et
on peut prendre des choses comme venant de Dieu alors qu’elles ne
viennent pas du tout de lui et s’emballer.
Il y a
parfois des pensées de montée vers une certaine perfection mais qui
peuvent être des tentations.
Il n’y a
pas très longtemps, j’espère ne pas trahir un secret, un monsieur
me disait qu’il était en train de prier et qu’il avait eu cette
pensée, apparemment tout à fait excellente en disant son chapelet,
qu’il devait faire une chose très dure, très exigeante.
En faisant
un discernement et en posant des questions, je l’ai détrompé en
lui disant que cette pensée ne venait pas de Dieu. Ce n’est pas
parce que vous priez que toutes les pensées viennent de Dieu. On
peut très bien avoir en priant et il faut le savoir, dans le combat
de la prière, des pensées mauvaises. Ce serait trop simple, il faut
un discernement après coup à chaque fois. Ce n’est pas parce que
l’on s’est senti appelé à faire telle chose en priant que c’est
nécessairement de Dieu. L’art du discernement est difficile et à
partir du moment où l’on avance dans la vie spirituelle il faut
souvent recourir aux conseils d’un maître spirituel. On peut très
facilement tomber dans l’illusion et se casser la figure.
St Ignace
donne des règles dans ces exercices spirituels sur le discernement
des pensées. Il y en a quelques unes, je vais m’en arrêter à
une.
La première
règle je ne m’y arrête pas car je suis persuadé qu’elle ne
vous concerne pas.
Le diable a
une tactique d’un certain genre vis-à-vis des gens qui vont de
péché en péché, qui se foutent de tout, qui n’ont aucune vie
chrétienne ; par contre pour ceux qui cherchent vraiment à
aimer Dieu et à faire sa volonté ; ceux qui sont foncièrement
orientés dans le bon sens, il a une tactique tout à fait
différente.
Voici le
critère de discernement que donne St Ignace :
Si une
pensée, avec le temps bien sûr, parce que parfois elle peut être
tout à fait différente dans un premier temps, comme le dit St
Paul ; Satan se déguise en ange de lumière donc au début cela
peut être un grand enthousiasme, un éclair de lumière très
évident, c’est Dieu qui m’a parlé.
Mais si en
restant sur cette pensée on constate qu’elle provoque du trouble,
de l’angoisse, de la tristesse, de l’obscurité alors on peut en
conclure qu’elle ne vient pas de Dieu. Il faut donc prendre le
temps de discerner et voir éventuellement dans le cadre d’un
accompagnement spirituel quelles sont les résonances dans l’âme
de telles ou telles pensées.
Par contre
le contraire peut arriver, une pensée peut nous faire peur dans un
premier temps ; un peu comme la Vierge Marie quand l’Ange
Gabriel lui est apparu. Elle a d’abord eu du trouble et puis cela
s’est calmé et est devenu beaucoup plus clair.
Si en la
méditant, en priant, en réfléchissant, on voit qu’une pensée
provoque en nous une paix profonde, une joie profonde et la lumière
alors dans ce cas ce serait le signe que c’est Dieu qui travaille
notre âme.
St Ignace
insiste aussi beaucoup et dans le temps du Carême c’est une chose
que l’on peut vivre tout spécialement, sur le fait que la vie
spirituelle, la vie chrétienne est essentiellement une vie
d’alternance. Ça change tout le temps, selon des rythmes
d’ailleurs personnels. Pour certains c’est de jour en jour et
pour d’autres de semaine en semaine peu importe. On peut voir cela
quand il y a une certaine durée comme le temps de Carême.
Ces deux
phases sont celle de la consolation et celle de la désolation. On
passe par des hauts et des bas.
Lorsqu’on
est dans une phase de consolation dans la vie spirituelle, notamment
dans la vie de prière ce sont des moments où pour nous tout est
lumière. On est dans une clarté, une espèce d’évidence
intérieure, une lumière qui provoque en nous une unité intérieure.
On se sent en paix, profondément pacifié, sûr de Dieu, sûr de
tout même.
En même
temps cet état positif nous met dans un état de dynamisme
spirituel. On voit par exemple que des choses que l’on fait
difficilement en temps habituel comme des actes de charité envers
les autres, eh bien ces actes coulent de source.
On est
épanoui, tout nous sourit, tout est facile, c’est la consolation.
Par contre,
à d’autres moments nous sommes dans la désolation et la
désolation c’est tout le contraire. Nous avons sans doute chacun
déjà vécu cela à certains moments.
Ce sont des
moments où nous sommes dans la distorsion intérieure. On est cassé
à l’intérieur de soi, on se sent mal dans sa peau, on se sent
abandonné de Dieu éventuellement. On dirait « Il ne m’écoute
pas », « Je prie, je ne reçois rien » … qui
n’a pas vécu cela, la distorsion intérieure, l’angoisse ?
On se sent inquiet, mal.
Ce sont des
états que l’on peut connaître spécialement pendant le Carême.
St Ignace
dit très bien que dans la désolation, quand on est dans cet état ;
il faut patienter, continuer à prier. La prière à ce moment là
est très aride et très difficile. Peut-être faut-il seulement dire
son chapelet ou la prière de Jésus parce que l’on voudrait
converser avec Dieu comme je le faisais avant mais je n’y arrive
plus. Je suis éteint, il n’y a plus rien, ça ne me dit plus rien
et il faut se forcer à prier d’une façon ou d’une autre.
Lorsque l’on
est dans un temps de désolation, il existe une règle fondamentale
qui est de ne prendre aucune décision. On est à ce moment dans un
état où on ne peut pas prendre de décision parce qu’on ne voit
pas clair. On est dans l’incapacité de voir clair pour faire ce
que Dieu nous demande. On doit alors simplement attendre, patienter
et prier en attendant que la consolation revienne.
Les
décisions prises dans les temps de désolation sont souvent
néfastes. Par contre dans la consolation les règles à suivre alors
c’est d’abord qu’il faut rendre grâce parce que la consolation
est toujours un don de Dieu. L’Esprit Saint consolateur que nous
invoquons aussi souvent pour qu’il vienne nous consoler. De même
dans la parole de Jésus, que je citais au début, on va au cœur de
Jésus pour y trouver un soulagement. Ce n’est pas par nous-mêmes,
quand nous sommes de nouveau dans la consolation, que nous y sommes
arrivés. Il ne faut pas se l’attribuer en se disant « Ah je
suis quelqu’un de bien ». C’était un peu ce que faisait le
pharisien dans la parabole. C’est un don de Dieu donc il faut
rendre grâce.
A ce moment
là on est dans un état de clarté intérieur qui nous permet de
prendre des décisions en faisant un discernement beaucoup plus
facilement. Et quand on a pris une décision dans la consolation,
quand on a vraiment pu discerner que cela venait de Dieu, et qu’on
y a adhéré ; alors il faut s’y tenir parce que quand la
désolation va revenir, la tentation sera de dire « J’avais
décidé ça mais maintenant, c’est fini. C’est fini ce Dieu de
lumière auquel je croyais. Je laisse tout tomber ».
Dans les
phases de désolation, il ne faut surtout rien changer à ce qui a
été mûrement réfléchi et décidé dans les phases de lumière.
Dans la
consolation, on voit que les pensées viennent de Dieu, on a une paix
stable et qui se confirme. Méfions-nous des mouvements superficiels
car ce qui compte c’est toujours de voir ce qui se confirme.
Voilà de
manière un peu résumée ce que disait St Ignace et pour illustrer
ce thème du Seigneur, Maître de ma vie.
Il me dirige
dans ma vie, à travers ce combat pour discerner ce qui vient du bon
esprit et ce qui vient du mauvais esprit et aussi pour avoir les
bonnes attitudes dans les diverses phases de la vie spirituelle parce
que tous nous avons des hauts et des bas. Il y a parfois des jours de
soleil et il y a parfois des jours où vraiment on peut se sentir
dans un abandon complet. Pourtant, nous le savons, dans cet état là
si nous prions cela a une grande valeur aux yeux de Dieu. Cela
lui plaît même d’avantage. Une petite prière faite
volontairement et avec conviction dans un moment de profonde déprime
est certainement plus puissante qu’une longue prière faite avec
facilité dans une phase de consolation parce que alors on est
tellement bien et on se sent bien.
Quand la
prière appelle le Seigneur, Maître, il ne s’agit bien sûr pas
d’un tyran. Le mot « Maître » fait un peu peur mais il
ne s’agit en aucun cas d’un tyran, ni d’un dieu qui étouffe.
C’est aussi une phase de discernement car devant Dieu quand je
pense à ça, est-ce que je me sens étouffé ou au contraire libéré,
est-ce que je respire ?
Le Dieu
auquel nous croyions n’est pas un dieu qui nous étouffe, qui nous
menace ou nous juge, nous condamne. Cela n’est pas le Dieu de
l’évangile car au contraire, Dieu est un père plein de bonté. Un
Dieu qui libère et qui donne la paix.
Alors la
première chose dont nous demandons la délivrance c’est la
paresse. On est vraiment menacé par elle durant le Carême. La
paresse c’est un ennui de l’amitié de Dieu à cause des efforts
exigés. C’est ce que les anciens appelaient l’acédie, un des
sept péchés capitaux dont l’un des signes les plus fort est la
perte de l’envie de prier. Parce que l’on est peut-être fatigué,
parce qu’on a déjà fait des efforts et que le Carême continue et
qu’à un moment donné on s’essouffle. On a eu une overdose et on
laisse tout tomber.
Le
péché d’acédie ou de paresse spirituelle est un peu le péché
capital de l’époque à laquelle nous vivons. Quelqu’un faisait
remarquer que chaque époque a un peu son péché capital. Le 19ème
siècle c’était un peu l’avarice, l’amour de l’argent, c’est
le développement de la bourgeoisie.
L’époque
de la guerre de 14 avec le nationalisme et tout ce fanatisme de
l’époque c’est l’orgueil. Puis, après la guerre dans les
années 50 à cause des restrictions qu’il y avait eu avant,
c’était la gourmandise. Les années 60 avec la révolution
sexuelle c’est la luxure. Et maintenant on pourrai dire en effet
c’est l’acédie, la perte du goût pour la prière. C’est pour
cela que les églises sont vides et qu’il y a de moins en moins de
gens qui prient. Ils disent qu’ils prient chez eux mais cela reste
à voir.
On constate
une baisse très forte comme si le monde était fatigué de Dieu.
L’acédie, la paresse entraîne la tristesse, la passivité, le
manque de dynamisme. Notamment la sécheresse dans la prière mais
prier dans cet état est encore plus agréable à Dieu.
Nous ne
sommes pas maître de la qualité de notre prière mais de la
quantité. La qualité on en est pas maître, « J’ai
l’impression de mal prier », peu importe. Mais est-ce que je
continue à prier autant que je me suis proposé ?, la quantité
on en est le maître.
D’autre
part, une des règles fondamentales de la vie spirituelle c’est
qu’il ne faut jamais juger de notre prière. C’est une chose
qu’il ne faut jamais faire. Les impressions que l’on peut avoir
en priant ou après avoir prié n’ont aucune valeur indicative sur
la valeur réelle de notre prière. C’est la foi pure et nue qui
nous est demandée. Prier sans s’inquiéter de l’effet suggestif
que cela fait en nous.
La deuxième
chose un peu liée à la paresse, c’est le découragement. Le
découragement est la pire des tentations du diable, spécialement en
Carême. Le Carême est un temps où l’on va découvrir sa
faiblesse et son péché. Notamment notre difficulté à tenir
jusqu’au bout les bonnes résolutions prises au début du Carême.
Il peut
aussi y avoir du découragement à cause de nos fautes. La double
tactique du diable avant et après les fautes consiste justement en
ceci. Quand nous sommes tentés par quelque chose, le diable va
toujours nous dire que ce n’est pas si grave que cela et puis le
bon Dieu étant miséricordieux, il comprendra …. Donc vas-y
n’aie pas peur.
Alors si on
cède, il renverse sa tactique et au lieu de relativiser la faute ;
il la dramatise en disant « Vois-tu quel homme mauvais tu
es ! Maintenant tu es perdu et Dieu ne te pardonnera pas».
Le but du
diable est toujours, par nos fautes, de nous mener au découragement.
L’esprit
de domination. Le temps de Carême est un temps où nous devons
redécouvrir que la vraie sagesse consiste à savoir se mettre au
dernier rang. Notre tendance profonde est de vouloir être le
premier, c’est plus fort que nous d’ailleurs et dans les
communautés c’est un problème que tout le monde vit. C’est déjà
dans l’Évangile entre les Apôtres. Non seulement il faut résister
à cela en demandant la grâce de nous tenir dans l’humilité mais
il faut même se considérer plus pécheur que les autres. Cela
reviendra dans la fin de la prière quand il dit « donne moi de
voir mon péché et de ne pas juger les autres ».
Cela a l’air
d’être un peu artificiel, on voit ça dans beaucoup de prières
des siècles passés du genre « Seigneur, je suis le plus grand
pécheur de la terre, je suis plus pécheur que tous,j’ai mérité
l’enfer par mes péchés…. ».
En fait,
l’expérience nous montre que si nous prions en se considérant
comme plus pécheur que les autres, on arrive en fait à une
véritable libération intérieure parce qu’on lâche complètement
prise.
Et enfin, il
faut se faire serviteur comme Jésus nous l’invite dans l’Évangile
« Comme moi je me suis fait serviteur, vous aussi servez-vous
les uns les autres ».
La vraie
supériorité spirituelle, ce n’est pas cet esprit de domination
mais au contraire par tous les moyens de se mettre au service les uns
des autres.
Et
enfin, le vain bavardage, 4ème
attitude négative. Nous parlons trop, beaucoup trop et à cause de
cela nous tombons dans toutes sortes de fautes qu’on appelle les
fautes de la langue qui sont peut-être les plus répandues parmi
nous. Les péchés de la langue.
St Jacques
dans son épître dit très bien que l’homme qui ne pèche pas avec
sa langue est un homme parfait.
Le
vain bavardage c’est arrivé au silence intérieur. Pendant le
Carême, il y a, comme le disait le cardinal Sarah dans un de ses livres, ce que l’on appelle la force du silence. Il
y a beaucoup plus de force, de vie, de dynamisme dans un silence
vraiment consenti que dans la parole et le bavardage.
Le Carême
disait le père Lambert Beauduin, notre fondateur, c’est vraiment
la grande retraite annuelle de l’église. L’homme, le chrétien,
l’Église tout entière va pendant 40 jours au désert avec le
Christ pour vivre dans la solitude et le silence.
On peut ici
rappeler la fameuse parole du prophète Osée où Dieu s’adresse à
son peuple, l’Église, son peuple personnifié par l’épouse
infidèle.
Il dit :
« Maintenant je vais la séduire, je la conduirai au désert et
je parlerai à son cœur ».
Le Carême
doit être pour chacun d’entre nous un temps de solitude et de
silence. Nous devons passer ce temps dans la solitude de la prière
qui est un cœur à cœur avec le Seigneur. Se laisser à nouveau
séduire par Lui comme l’épouse infidèle qui revient aux amours
de ses fiançailles. Nous devons cultiver le silence intérieur afin
d’entendre la voix de Dieu qui nous parle au plus intime de notre
conscience. Si nous ne savons pas faire taire en nous toutes les voix
du monde et de la chair, nous ne serons pas capables de communier
avec Dieu dans l’écoute de sa parole. Or c’est ce que Dieu veut
pour nous, que nous puissions l’entendre nous dire l’essentiel,
l’éternel. Cet essentiel c’est qu’il nous aime et qu’il veut
nous donner le vrai bonheur, la vraie vie, la vie éternelle et qu’il
attend de nous en retour notre amour et notre fidélité.
Les choses
positives qui nous sont demandées, la chasteté ou la tempérance.
Le temps de Carême c’est un temps de sobriété par excellence où
nous devons renoncer, faire des renoncements à la nourriture par
exemple en ne mangeant plus de viande, soit dans la boisson en
évitant les alcools si nous y sommes habitués, en renonçant à la
TV ou aux journaux à la surinformation, etc.
Chacun doit
voir ce qui dans sa vie le pollue maintenant. On a tous des choses où
l’on se rend bien compte qu’il faudrait se libérer. C’est cela
la pénitence essentielle du Carême, la sobriété. L’humilité
parce que c’est dans l’humilité que l’on peut recevoir
l’Esprit Saint, c’est une porte ouverte à l’Esprit Saint.
C’est dans l’humilité que l’on peut avoir de bonnes relations
avec les autres. L’humilité est le grand moyen pour aimer car
c’est notre orgueil qui nous empêche de devenir des saints.
La patience
j’en ai déjà beaucoup parlé. Patience dans la prière, patience
dans les moments arides, dans les moments de désolation, patience
avec nous-mêmes. Savoir attendre, savoir que l’on ne peut pas
avoir des fruits tout de suite.
Et pour
terminer une citation de l’épître aux Hébreux : « Ne
perdez pas votre confiance, elle a une juste et grande récompense ».
La patience
doit aller de paire avec une confiance même si l’on ne voit pas
tout de suite de résultat.
La
charité qui est demandée en 4ème
lieu. L’Amour c’est évidemment la vertu des vertus. Il faut bien
savoir que la charité n’est pas quelque chose qui s’acquiert à
la force du poignet. C’est d’abord une vertu surnaturelle, c’est
donc un don de Dieu. C’est un cadeau gratuit, c’est une grâce
comme le montre par exemple la charité envers les ennemis à
laquelle l’Évangile lui-même nous appelle.
Voilà tout
ce que l’on demande dans la prière.
A la
conclusion « Accorde-moi de voir mes fautes », un père
de l’Église disait « Il est plus important de voir ses
fautes que de voir des anges ». C’est une grâce de voir ses
fautes. Non pas pour se culpabiliser, ni pour se déprimer mais pour
redoubler d’humilité et de confiance en Dieu et en même temps
vis-à-vis du frère, ne pas le condamner, ne pas le juger. Dire
lorsque l’on voit quelqu’un pécher « C’est lui
aujourd’hui, mais ce sera moi demain qui ferai la même chose ».
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