samedi 3 novembre 2018

Le double commandement de l'amour, homélie

Tout chrétien devrait connaître les actes de foi, d'espérance et de charité, ainsi que l'acte de contrition, et les dire de temps en temps. L'acte de charité en particulier a toute son importance, car en le faisant, nous faisons un pas décisif pour orienter notre vie selon le double commandement de l'amour, dont parle Jésus dans l'évangile de ce dimanche. Ce double commandement résume toute la loi de Dieu, les dix commandements donnés à Moïse. L'amour de Dieu résume les trois premiers commandements : aimer Dieu et n'adorer que lui, respecter son saint Nom, sanctifier le jour du Seigneur. Et l'amour du prochain résume les sept commandements qui suivent : honorer ses parents, ne pas tuer, ne pas faire d'adultère, ne pas voler et ne pas mentir.

Dans l'acte de charité, nous disons aimer Dieu parce qu'il est infiniment bon et souverainement aimable et nous disons l'aimer par-dessus toute chose. Venons-nous de commettre quelque faute, grave ou pas ? Disons tout de suite et avec grande simplicité : « Mon Dieu, je vous aime », et cet acte de charité efface notre faute et nous remet dans l'amour de Dieu.
Nous disons ensuite dans le même acte de charité, que nous aimons aussi notre prochain comme nous-même pour l'amour de Dieu. « Amare est bonum velle », « aimer c'est vouloir du bien », dit quelque part saint Thomas. L'amour du prochain est donc une affaire de volonté, quelque chose qui se trouve dans notre cœur profond, et non dans la zone périphérique de notre sensibilité. C'est très important de le savoir et je vais en reparler dans quelques instants en l'appliquant à la difficile question du pardon.
En fait aimer est une chose naturelle et spontanée pour l'être humain. C'est ne pas aimer qui est anormal. Ainsi le commandement de Dieu, le double commandement d'un unique amour, confirme la loi naturelle, mais la perfectionne, car nous devons aimer non seulement ceux qui nous plaisent mais aussi ceux qui ne nous plaisent pas. Nous devons en fait aimer tout le monde, sans exception aucune. Nous devons aimer nos parents, notre famille, nos amis. Nous devons aussi aimer ceux pour qui nous n'avons pas spontanément de sympathie. Nous devons aussi aimer nos ennemis, ceux qui nous ont blessé ou fait du mal, ou même ceux qui nous persécutent. Tout le monde sans exception. L'amour des ennemis est la grande nouveauté de l’Évangile.
Mais cela, nous le savons, est bien difficile, et on rencontre souvent des personnes qui disent : « Je ne parviens pas à pardonner ». Ces personnes sont alors dans une certaine inquiétude car elles pensent ne plus vivre dans la ligne de l’Évangile et que Dieu non plus ne leur pardonnera pas. Mais les blessures subies sont si douloureuses qu'il est impossible de ne pas oublier.
Eh bien, je voudrais dire quelque chose pour éclairer et consoler les âmes de bonne volonté qui se trouvent dans cette souffrance. Le pardon chrétien est une affaire de volonté profonde et non de sentiment. Vous ne parvenez pas à oublier, mais cela ne dépend pas de vous. On ne vous demande pas d'oublier mais de vouloir pardonner. Notre sensibilité, ce que j'appelle ici le sentiment, ne dépend pas de nous. Nous n'avons qu'un pouvoir limité sur celle-ci. Lorsque nous pardonnons, notre sensibilité blessée va le demeurer, jusqu'à ce que Dieu finisse par tout apaiser, si nous le prions pour cela. Les blessures psychiques ne se guérissent pas en une fois. Mais ce qui nous est demandé à l'égard de notre ennemi, c'est de ne pas nous venger, de ne pas lui vouloir du mal en retour. Et cela nous le pouvons, si nous le voulons, avec la grâce de Dieu. Aimer, comme je l'ai dit, c'est vouloir du bien à autrui, le même bien que nous souhaitons pour nous. C'est possible, avec la grâce de Dieu que nous demandons dans la prière, si nous le décidons. Voilà un signe indubitable que nous pardonnons, lorsqu'on nous a offensé : c'est de prier pour notre ennemi, en demandant à Dieu de lui pardonner, de le convertir et de le conduire lui aussi au salut éternel. Faites-vous cela ? Même si au niveau de votre sensibilité, vous continuez à ressentir de l'amertume à son égard, alors à la bonne heure, vous êtes et vous demeurez dans la logique de l'amour et du pardon chrétiens. Notez sur la Croix ce que fut la prière de Jésus pour ses bourreaux : il n'a point dit « Je vous pardonne », mais il a prié « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ».
Je conclus. Apprenons à bien distinguer notre volonté, là où nous sommes vraiment libres de nos choix, et notre sentiment psychologique, sur lequel nous n'avons pas de prise, et où il ne peut y avoir de culpabilité, puisque cela ne dépend pas de notre liberté. Nous avons de la sympathie pour certaines personnes. Nous ne pouvons en avoir pour tout le monde. Mais ce qui nous est demandé c'est d'aimer tous les hommes, en leur voulant et en leur faisant tout le bien possible.


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