Cette homélie est censée être prononcée dans une église byzantine. Cela explique les remarques faites au début, face à un public qui a sous les yeux les fresques traditionnelles de ce type d'église.
Cette
fête que nous célébrons aujourd’hui ne constitue pas le
commencement de l'année liturgique, comme le fait la fête de la
nativité de la Mère de Dieu, le 8 septembre. Du moins est-ce quand
même la première des fêtes qui a son origine dans l’Évangile.
C'est le commencement de l’Évangile. Juste au-dessus de
l'iconostase, sur le mur de l’abside centrale, nous avons à gauche
l'archange Gabriel et à droite la Vierge de Nazareth. Puis en
tournant le long des murs de la nef dans le sens des aiguilles d'une
montre, nous avons le déploiement de toute l'année liturgique :
l'enfance du Christ, son baptême, sa transfiguration, sa passion et
sa résurrection. Et dans le sanctuaire, l'ascension et finalement la
pentecôte. Tout commence et finit dans le Saint-Esprit. A
l'annonciation, il descend sur Marie pour qu'elle devienne la Mère
de Dieu. A la Pentecôte il descend sur les apôtres et sur le cosmos
tout entier pour faire naître l'Eglise, corps du Christ et temple de l'Esprit.
Le
récit évangélique de l'annonciation nous rapporte avec une
simplicité admirable le fait le plus étonnant des relations de Dieu
avec l'humanité, les fiançailles de Dieu avec son épouse. L'ange de l'incarnation, Gabriel, vient dans la
maison de Marie, fiancée à Joseph, mais ne vivant pas encore avec
lui, et la salue : Réjouis-toi. C'est ce que dit le texte grec.
Probablement il dut lui dire en araméen : paix à toi. Le
fameux shalom des juifs. Les grecs disaient eux : réjouis-toi,
chaïré. Les Romains préféraient dire : salve, porte-toi
bien, ou tout simplement avé, salut. La paix, la joie ou la santé :
trois nuances d'un même salut, liées aux différentes cultures.
Ensuite l'archange dit à Marie qu'elle est celle qui a reçu la
grâce de Dieu avec une particulière abondance. Puis il dit :
le Seigneur est avec toi. C'est une constatation, non un souhait. Le
Seigneur était donc avec Marie d'une façon exceptionnelle, même
avant la conception du Verbe. Tout cet éloge provoqua dans l'âme de
Marie un grand trouble. Car Marie est la plus humble des créatures.
Dans
un premier temps, elle se demanda quel était le sens des paroles
angéliques. Selon certains interprètes, elle se posa peut-être la
question d'une ruse du démon. Eve avait en effet elle aussi entendu
une parole angélique, mais dans ce cas il s'agissait de l'ange
déchu. Gabriel ce mit alors à rassurer doucement Marie, en lui
certifiant qu'elle était, de la part de Dieu, l'objet d'une
prédilection spéciale. Le prophète Isaïe avait prédit depuis
longtemps que le messie naîtrait d'une vierge. Gabriel annonce à
Marie qu'elle est celle en qui cette prophétie va se réaliser. Elle
est celle qui a été choisie pour être cette mère virginale du
messie. Ensuite l'archange lui révèle le nom du messie :
Jésus, ce qui signifie qu'il est Dieu et Sauveur. Il donne ensuite
quelques détails sur le grand rôle destiné au Fils de Marie. Il
sera Fils de Dieu, héritier de David, roi perpétuel du monde
entier. Toutes les prophéties de l'ancien testament vont se
réaliser. Les juifs devaient être les premiers sujets de ce roi,
mais son royaume devait devenir peu à peu universel. Et son royaume
devait même devenir éternel. Tout ce langage devait être très
clair pour Marie, puisqu'il ne faisait que résumer les principaux
oracles de l'ancien testament relatifs au messie.
Alors
Marie interroge Gabriel : comment cela se fera-t-il ? Cette
question ne contient pas l'expression d'un doute, mais celle de
l'étonnement, de l'admiration. Certaine du fait, Marie désire être
instruite du mode. L'archange lui répond alors : c'est d'une
manière toute divine qu'elle enfantera. C'est l'Esprit-Saint, la
force du Très-Haut, qui opérera ce miracle inouï dans l'histoire
du monde. L'ombre de Dieu va couvrir la Vierge, comme autrefois la
nuée mystérieuse reposait sur le tabernacle, la tente où Moïse
rencontrait Dieu, symbolisant la présence de Dieu parmi son peuple.
L'incarnation du Verbe, seconde personne de la Trinité, est une
œuvre d'amour par excellence, de la part de Dieu, et l'Esprit-Saint
est précisément l'amour substantiel et personnel du Père et du
Fils. C'est pourquoi le Fils de Marie sera parfaitement saint et il
sera reconnu par les croyants comme Fils de Dieu. Il s'ensuit que
Marie va devenir Mère de Dieu au sens strict. Enfin l'archange donne
un signe à Marie. Sa vieille cousine Élisabeth a conçu un fils. Le
Seigneur, de même qu'il a pu faire enfanter une femme stérile, peut
aussi donner un fils à une vierge. Rien n'est impossible à Dieu.
L'évangile
nous rapporte alors l'humble et docile acceptation de la Vierge :
un délicieux mélange de profonde humilité et de parfaite
obéissance. C'est sans doute au moment où Marie prononça son fiat
que le Fils de Dieu s'incarna dans son sein.
De
nombreux dogmes de notre foi sont au cœur de cette fête : la
sainte Trinité, la divinité de Jésus-Christ, son incarnation pour
le salut de l'humanité, la maternité divine de Marie et sa virginité
perpétuelle. Rendons grâce à Dieu d'avoir la foi et de connaître
ces mystères. N'oublions pas non plus le mystère de l'eucharistie
que nous sommes en train de célébrer. De même que Jésus a été
réellement présent dans le sein de Marie, par le mystère de
l'incarnation, il sera réellement présent dans notre cœur, par la
communion, pour nous donner la vie et la sainteté. Puissions-nous,
comme la Vierge de Nazareth, lui dire nous aussi notre fiat, nous
mettre au service de sa divine volonté, pour le salut du monde
entier.
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