lundi 20 mars 2017

La liturgie dominicale, temps de fête et de repos, article pour la revue Radouga




La profanation du dimanche

En 1846, eut lieu à La Salette, en France, l'une des apparitions de la Sainte Vierge, reconnues par l’Église. La Mère de Dieu donna aux deux petits bergers, Mélanie et Maximin, un message de pénitence, dont voici les premières paroles : Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle. Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si fort et si pesant que je ne puis plus le maintenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Pour vous autres, vous n’en faites pas cas ! Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres. Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième et on ne veut pas me l’accorder. C’est ça qui appesantit tant le bras de mon Fils.
En écho aux paroles de certains prophètes de l'ancien testament, qui dénonçaient déjà ce péché, Notre-Dame fait au peuple de Dieu en notre temps le reproche de la profanation du jour du Seigneur. Hélas la situation s'est encore dégradée dans ce domaine de nos jours et il est urgent que les chrétiens redécouvrent toute une spiritualité du dimanche, pâque hebdomadaire, qui rythme toute l'année liturgique.


L'enseignement du concile

Voici ce que dit à ce sujet la constitution Sacrosanctum Concilium, du concile Vatican II : L’Église célèbre le mystère pascal, en vertu d’une tradition apostolique qui remonte au jour même de la résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche. Ce jour-là, en effet, les fidèles doivent se rassembler pour que, entendant la Parole de Dieu et participant à l’Eucharistie, ils fassent mémoire de la passion, de la résurrection et de la gloire du Seigneur Jésus, et rendent grâces à Dieu qui les « a régénérés pour une vivante espérance par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts » (1 P 1, 3). Aussi, le jour dominical est-il le jour de fête primordial qu’il faut proposer et inculquer à la piété des fidèles, de sorte qu’il devienne aussi jour de joie et de cessation du travail. Les autres célébrations, à moins qu’elles ne soient véritablement de la plus haute importance, ne doivent pas l’emporter sur lui, car il est le fondement et le noyau de toute l’année liturgique (n° 106).

Le dimanche chez nos frères d'orient

L'orient chrétien a gardé vivante à travers les siècles la foi en la résurrection du Christ. Qui ne connaît la joie exubérante de la nuit de Pâques orthodoxe ? Si l'orient accuse une affinité particulière avec cet aspect de l’Évangile que sont la résurrection, la transfiguration, la déification de l'homme, il a donné également le moyen de nourrir la conscience pascale tout au long de l'année. C'est sa célébration du dimanche, marquée chez les russes orthodoxes, par la vigile du samedi soir, où l'on ne cesse de chanter la résurrection du Christ, et par la liturgie eucharistique du dimanche matin. Chaque chrétien sait qu'il vient, au terme d'une semaine de travail, anticiper joyeusement la victoire totale et définitive de la Vie sur toutes les puissances de la mort. A la question : «Quel est l'esprit du culte orthodoxe ?», le théologien grec Théodorou répondait : « L'esprit du dimanche ». Et il ajoutait : « Les composantes de cet esprit sont le passage de la résurrection, le passage de la croix, l'esprit christocentrique, la nouvelle création du monde et la vie éternelle, la lumière spirituelle, le Saint-Esprit, l'eucharistie, la vraie joie et la charité chrétienne » (E ; Théodorou, L'esprit du dimanche dans toute la célébration du culte orthodoxe, dans Le dimanche, Lex orandi, n° 39, Paris, 1965).

Théologie du dimanche

Le jour du Seigneur, le dimanche, évoque d'abord la toute-puissance de Dieu avec laquelle, au début des temps, il a créé le monde, puis, en ces temps ultimes, a racheté notre humanité, par la résurrection du Christ. Ce jour est aussi consacré au mystère de la Sainte Trinité, Dieu unique en trois personnes. La messe dominicale est un culte d'adoration de la Sainte Trinité. Nous y exultons de joie en pensant que le Dieu unique est saint et sage, bon et prévenant, infini et beau, et que rien ne manque à sa gloire et perfection. Et à la messe nous venons lui rendre grâce pour tous les bienfaits qu'il nous a accordés. En ce jour, après le repos de la tombe, le Christ s'est levé comme prémices de notre résurrection. En ce jour aussi, le Christ a envoyé sur ses apôtres son Saint-Esprit, pour renouveler nos cœurs et nous ramener vers le Père. Et nous, en sanctifiant ce jour, nous goûtons déjà par anticipation la joie du Royaume éternel. Il ne s'agit plus, comme dans le sabbat, de commémorer le repos que Dieu observa le septième jour, mais de faire mémoire du Dieu qui agit et travaille sans cesse. En sanctifiant ce jour, et non plus le samedi, nous célébrons le mémorial de la résurrection. Les juif commémoraient la Pâque, libération de la servitude de l’Égypte, une fois par an seulement. Depuis la Pâque du Christ, nous célébrons cet événement chaque semaine. C'est le dimanche que les anges ont montré le tombeau vide, que le Ressuscité est apparu aux saintes femmes, aux apôtres et aux disciples d'Emmaüs, et qu'il est revenu huit jours plus tard se montrer à Thomas, pour fonder notre foi et celle de tous. Le dimanche, tout nous rappelle qu'au baptême, nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ. C'est le dimanche aussi qu'on nous lit les plus beaux passages de l’Évangile. Chaque dimanche, nous nous préparons enfin à entrer dans la Jérusalem céleste. Le dimanche est l'image de ce jour sans fin, qui, dans la vie du monde à venir, sera le premier et l'unique, lorsqu'il n'y aura plus de nuit et que tous nous serons réunis autour de la table avec le Père, dans la lumière du céleste Royaume. Le mystère du dimanche est le mystère du huitième jour. Le chiffre huit est le symbole de la vie éternelle. Le chiffre sept est celui de notre vie ici-bas, basée sur la semaine de sept jours. Le huitième jour est le jour qui vient après la semaine de sept jours, notre vie sur terre. Il est le jour de l'au-delà du temps, le jour de l'éternité. C'est pourquoi, les baptistères, où se donne cette vie éternelle dans la grâce du baptême, ont souvent une forme octogonale.

Le dimanche, jour de repos

La première manière de sanctifier le jour du Seigneur est d'observer le repos dominical. Selon l'interprétation du code de droit canon : « Le dimanche ... doit être observé dans l'Église tout entière comme le principal jour de fête du précepte (can. 1246, § 1) », pour contribuer à ce que « tous jouissent du temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette de cultiver leur vie familiale, culturelle, sociale et religieuse (Vatican II, Gaudium et Spes 67, § 3)». « Le dimanche ou les autres jours de précepte, les fidèles s'abstiendront de ces travaux et de ces affaires qui empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre du jour du Seigneur ou la détente convenable de l'esprit et de l'âme. (can. 1247) ». Chaque chrétien doit éviter d'imposer sans nécessité à autrui ce qui l'empêcherait de garder le Jour du Seigneur.

L'eucharistie dominicale

Nous citerons pour conclure quelques extrait de l'exhortation Sacramentum Caritatis, publiée par le pape Benoît XVI, ainsi que de la lettre apostolique Dies Domini, de saint Jean-Paul II : « Parce que le culte nouveau est participation à la vie du Créateur, il n'est pas aliénation par rapport à la nature, mais accomplissement gratuit et transcendant. Dès lors, l'obligation que fait l'Église à tous les fidèles de participer à l'eucharistie dominicale n'est en aucune manière un précepte imposé de l'extérieur, mais répond au contraire à un véritable besoin intérieur. C'est ce qu'illustre l'épisode des martyrs d'Abitène. Des fonctionnaires romains avaient surpris un groupe de chrétiens qui célébraient l'eucharistie dominicale malgré l'interdiction imposée par Dioclétien. Ceux-ci déclarèrent à leurs juges : sans le dimanche, sans l'eucharistie, nous ne pouvons pas vivre. Se séparer de l'eucharistie dominicale met en péril grave la vie chrétienne, puisque c'est elle qui lui donne sa forme (...) C'est dans le mystère pascal, rendu sacramentellement présent dans l'eucharistie dominicale, que Dieu révèle de la façon la plus inouïe qu'il est amour (...) Le dimanche rappelle la place de l'Église, puisqu'il est le jour de l'eucharistie qui fait l'Église. Dans la célébration communautaire du dimanche, tous les fidèles sont réunis autour de la Parole de Dieu et du sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, signe efficace de leur unité avec Dieu et entre eux. L'importance de la Parole de Dieu pour l'assemblée dominicale a été heureusement mise en valeur par la réforme liturgique issue de Vatican II, qui prévoit trois lectures bibliques le dimanche, ainsi que par l'obligation pour le curé de prononcer l'homélie le dimanche. Les fidèles manifestent leur adhésion par la récitation du symbole de la foi (...) L'eucharistie dominicale perpétue le mystère pascal. Son retour régulier au cours du temps transforme peu à peu les fidèles, et avec eux toute la création. Comme membres du corps du Christ par leur baptême, les chrétiens apprennent à s'offrir avec lui en hostie agréable à Dieu. Ils célèbrent ainsi le culte nouveau, qui n'est rien d'autre que l'extension au cours du temps et dans toute la vie des fidèles du sacrifice de la Croix, jusqu'à ce que « Dieu soit tout en tous » (1 Co 15, 28). Le dimanche est donc au principe de la morale et du culte chrétiens. Ainsi, parce qu'il est le jour de la résurrection et de l'eucharistie, le dimanche concentre la foi, le culte et l'agir concret de l'Église, c'est-à-dire tout ce qu'elle fait, tout ce qu'elle est. Aussi Ignace d'Antioche a-t-il pu définir les chrétiens : « ceux qui vivent selon le dimanche ». C'est pour cette raison que le Catéchisme de l'Église catholique peut dire à son tour que « la célébration dominicale du Jour et de l'Eucharistie du Seigneur est au cœur de la vie de l'Église » ( n° 2177).

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