La
profanation du dimanche
En
1846, eut lieu à La Salette, en France, l'une des apparitions de la
Sainte Vierge, reconnues par l’Église. La Mère de Dieu donna aux
deux petits bergers, Mélanie et Maximin, un message de pénitence,
dont voici les premières paroles : Avancez, mes enfants,
n’ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle.
Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser
aller le bras de mon Fils. Il est si fort et si pesant que je ne puis
plus le maintenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres !
Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le
prier sans cesse. Pour vous autres, vous n’en faites pas cas ! Vous
aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la
peine que j’ai prise pour vous autres. Je vous ai donné six jours
pour travailler, je me suis réservé le septième et on ne veut pas
me l’accorder. C’est ça qui appesantit tant le bras de mon Fils.
En écho aux paroles de certains prophètes de l'ancien testament,
qui dénonçaient déjà ce péché, Notre-Dame fait au peuple de
Dieu en notre temps le reproche de la profanation du jour du
Seigneur. Hélas la situation s'est encore dégradée dans ce domaine
de nos jours et il est urgent que les chrétiens redécouvrent toute
une spiritualité du dimanche, pâque hebdomadaire, qui rythme toute
l'année liturgique.
L'enseignement du concile
Voici ce que dit à ce sujet la constitution Sacrosanctum Concilium,
du concile Vatican II : L’Église célèbre le mystère
pascal, en vertu d’une tradition apostolique qui remonte au jour
même de la résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est
nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche. Ce jour-là, en
effet, les fidèles doivent se rassembler pour que, entendant la
Parole de Dieu et participant à l’Eucharistie, ils fassent mémoire
de la passion, de la résurrection et de la gloire du Seigneur Jésus,
et rendent grâces à Dieu qui les « a régénérés pour une
vivante espérance par la résurrection de Jésus Christ d’entre
les morts » (1 P 1, 3). Aussi, le jour dominical est-il le jour de
fête primordial qu’il faut proposer et inculquer à la piété des
fidèles, de sorte qu’il devienne aussi jour de joie et de
cessation du travail. Les autres célébrations, à moins qu’elles
ne soient véritablement de la plus haute importance, ne doivent pas
l’emporter sur lui, car il est le fondement et le noyau de toute
l’année liturgique (n° 106).
Le dimanche chez nos frères d'orient
L'orient chrétien a gardé vivante à travers les siècles la foi en
la résurrection du Christ. Qui ne connaît la joie exubérante de la
nuit de Pâques orthodoxe ? Si l'orient accuse une affinité
particulière avec cet aspect de l’Évangile que sont la
résurrection, la transfiguration, la déification de l'homme, il a
donné également le moyen de nourrir la conscience pascale tout au
long de l'année. C'est sa célébration du dimanche, marquée chez
les russes orthodoxes, par la vigile du samedi soir, où l'on ne
cesse de chanter la résurrection du Christ, et par la liturgie
eucharistique du dimanche matin. Chaque chrétien sait qu'il vient,
au terme d'une semaine de travail, anticiper joyeusement la victoire
totale et définitive de la Vie sur toutes les puissances de la mort.
A la question : «Quel est l'esprit du culte orthodoxe ?»,
le théologien grec Théodorou répondait : « L'esprit du
dimanche ». Et il ajoutait : « Les composantes de
cet esprit sont le passage de la résurrection, le passage de la
croix, l'esprit christocentrique, la nouvelle création du monde et
la vie éternelle, la lumière spirituelle, le Saint-Esprit,
l'eucharistie, la vraie joie et la charité chrétienne » (E ;
Théodorou, L'esprit du dimanche dans toute la célébration du
culte orthodoxe, dans Le dimanche, Lex orandi, n° 39,
Paris, 1965).
Théologie du dimanche
Le jour du Seigneur, le dimanche, évoque d'abord la toute-puissance
de Dieu avec laquelle, au début des temps, il a créé le monde,
puis, en ces temps ultimes, a racheté notre humanité, par la
résurrection du Christ. Ce jour est aussi consacré au mystère de
la Sainte Trinité, Dieu unique en trois personnes. La messe
dominicale est un culte d'adoration de la Sainte Trinité. Nous y
exultons de joie en pensant que le Dieu unique est saint et sage, bon
et prévenant, infini et beau, et que rien ne manque à sa gloire et
perfection. Et à la messe nous venons lui rendre grâce pour tous
les bienfaits qu'il nous a accordés. En ce jour, après le repos de
la tombe, le Christ s'est levé comme prémices de notre
résurrection. En ce jour aussi, le Christ a envoyé sur ses apôtres
son Saint-Esprit, pour renouveler nos cœurs et nous ramener vers le
Père. Et nous, en sanctifiant ce jour, nous goûtons déjà par
anticipation la joie du Royaume éternel. Il ne s'agit plus, comme
dans le sabbat, de commémorer le repos que Dieu observa le septième
jour, mais de faire mémoire du Dieu qui agit et travaille sans
cesse. En sanctifiant ce jour, et non plus le samedi, nous célébrons
le mémorial de la résurrection. Les juif commémoraient la Pâque,
libération de la servitude de l’Égypte, une fois par an
seulement. Depuis la Pâque du Christ, nous célébrons cet événement
chaque semaine. C'est le dimanche que les anges ont montré le
tombeau vide, que le Ressuscité est apparu aux saintes femmes, aux
apôtres et aux disciples d'Emmaüs, et qu'il est revenu huit jours
plus tard se montrer à Thomas, pour fonder notre foi et celle de
tous. Le dimanche, tout nous rappelle qu'au baptême, nous avons été
plongés dans la mort et la résurrection du Christ. C'est le
dimanche aussi qu'on nous lit les plus beaux passages de l’Évangile.
Chaque dimanche, nous nous préparons enfin à entrer dans la
Jérusalem céleste. Le dimanche est l'image de ce jour sans fin,
qui, dans la vie du monde à venir, sera le premier et l'unique,
lorsqu'il n'y aura plus de nuit et que tous nous serons réunis
autour de la table avec le Père, dans la lumière du céleste
Royaume. Le mystère du dimanche est le mystère du huitième jour.
Le chiffre huit est le symbole de la vie éternelle. Le chiffre sept
est celui de notre vie ici-bas, basée sur la semaine de sept jours.
Le huitième jour est le jour qui vient après la semaine de sept
jours, notre vie sur terre. Il est le jour de l'au-delà du temps,
le jour de l'éternité. C'est pourquoi, les baptistères, où se
donne cette vie éternelle dans la grâce du baptême, ont souvent
une forme octogonale.
Le dimanche, jour de repos
La première manière de sanctifier le jour du Seigneur est
d'observer le repos dominical. Selon l'interprétation du code de
droit canon : « Le dimanche ... doit être observé dans l'Église
tout entière comme le principal jour de fête du précepte (can.
1246, § 1) », pour contribuer à ce que « tous jouissent du temps
de repos et de loisir suffisant qui leur permette de cultiver leur
vie familiale, culturelle, sociale et religieuse (Vatican II, Gaudium
et Spes 67, § 3)». « Le dimanche ou les autres jours de précepte,
les fidèles s'abstiendront de ces travaux et de ces affaires qui
empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre du jour du Seigneur
ou la détente convenable de l'esprit et de l'âme. (can. 1247) ».
Chaque chrétien doit éviter d'imposer sans nécessité à autrui ce
qui l'empêcherait de garder le Jour du Seigneur.
L'eucharistie dominicale
Nous citerons pour conclure quelques extrait de l'exhortation
Sacramentum Caritatis, publiée par le pape Benoît XVI, ainsi que de
la lettre apostolique Dies Domini, de saint Jean-Paul II :
« Parce que le culte nouveau est participation à la vie du
Créateur, il n'est pas aliénation par rapport à la nature, mais
accomplissement gratuit et transcendant. Dès lors, l'obligation que
fait l'Église à tous les fidèles de participer à l'eucharistie
dominicale n'est en aucune manière un précepte imposé de
l'extérieur, mais répond au contraire à un véritable besoin
intérieur. C'est ce qu'illustre l'épisode des martyrs d'Abitène.
Des fonctionnaires romains avaient surpris un groupe de chrétiens
qui célébraient l'eucharistie dominicale malgré l'interdiction
imposée par Dioclétien. Ceux-ci déclarèrent à leurs juges : sans
le dimanche, sans l'eucharistie, nous ne pouvons pas vivre. Se
séparer de l'eucharistie dominicale met en péril grave la vie
chrétienne, puisque c'est elle qui lui donne sa forme (...) C'est
dans le mystère pascal, rendu sacramentellement présent dans
l'eucharistie dominicale, que Dieu révèle de la façon la plus
inouïe qu'il est amour (...) Le dimanche rappelle la place de
l'Église, puisqu'il est le jour de l'eucharistie qui fait l'Église.
Dans la célébration communautaire du dimanche, tous les fidèles
sont réunis autour de la Parole de Dieu et du sacrement du Corps et
du Sang du Seigneur, signe efficace de leur unité avec Dieu et entre
eux. L'importance de la Parole de Dieu pour l'assemblée dominicale a
été heureusement mise en valeur par la réforme liturgique issue de
Vatican II, qui prévoit trois lectures bibliques le dimanche, ainsi
que par l'obligation pour le curé de prononcer l'homélie le
dimanche. Les fidèles manifestent leur adhésion par la récitation
du symbole de la foi (...) L'eucharistie dominicale perpétue le
mystère pascal. Son retour régulier au cours du temps transforme
peu à peu les fidèles, et avec eux toute la création. Comme
membres du corps du Christ par leur baptême, les chrétiens
apprennent à s'offrir avec lui en hostie agréable à Dieu. Ils
célèbrent ainsi le culte nouveau, qui n'est rien d'autre que
l'extension au cours du temps et dans toute la vie des fidèles du
sacrifice de la Croix, jusqu'à ce que « Dieu soit tout en tous »
(1 Co 15, 28). Le dimanche est donc au principe de la morale et du
culte chrétiens. Ainsi, parce qu'il est le jour de la résurrection
et de l'eucharistie, le dimanche concentre la foi, le culte et l'agir
concret de l'Église, c'est-à-dire tout ce qu'elle fait, tout ce
qu'elle est. Aussi Ignace d'Antioche a-t-il pu définir les chrétiens
: « ceux qui vivent selon le dimanche ». C'est pour cette raison
que le Catéchisme de l'Église catholique peut dire à son tour que
« la célébration dominicale du Jour et de l'Eucharistie du
Seigneur est au cœur de la vie de l'Église » ( n° 2177).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire