Le
Saint Père a l'habitude d'accorder régulièrement des interviews,
soit dans l'avion lors de ces voyages, soit à des journaux en
d'autres moments. La dernière en date, au P. Spadaro, a déjà fait
couler beaucoup d'encre, notamment chez ceux qui s'intéressent à
l'état de la liturgie dans l’Église latine.
Cette
question de la liturgie me tient à cœur. Aussi je vous fait part de
quelques impressions personnelles sur cette récente interview.
La
première chose à dire, et qui relativise beaucoup de choses, est
que ces interviews ne constituent pas des actes du magistère. Le
pape ne parle pas ici à toute l’Église en tant que pape, pasteur
et docteur universels. Il parle en tant que personne privée. Ses
dires ne sont nullement dépourvus d'intérêt, car ils nous
permettent de mieux connaître sa vision personnelle des choses, et
la vérité peut toujours sortir du choc des idées. Mais les paroles
du pape dans ce contexte n'ont pas la force contraignante des
documents magistériels, comme la constitution conciliaire
Sacrosanctum Concilium, l'instruction Liturgiam authenticam ou le
motu proprio Summorum Pontificum.
Ceci
dit, voyons de plus près certaines choses dites par le Saint Père.
Il
rejette la notion de réforme de la réforme. Mieux vaut en effet à
l'avenir laisser tomber ce concept dans les débats liturgiques.
Cette notion est en effet ambiguë car elle peut dans certains
esprits être un vêtement qui recouvre en fait le rejet de la
réforme conciliaire. Il est vrai que cette réforme a eu de bons
fruits mais aussi de mauvais. Tout un discernement est donc à faire
au cas par cas. Plutôt donc que de vouloir une réforme de la
réforme qui serait un retour en arrière, il serait préférable de
revenir à et d'étudier la réforme, telle que l’Église l'a
vraiment voulue, dans ses documents les plus officiels. Tout ce
travail serait beaucoup plus fructueux qu'une stérile opposition de
principe aux propos du pape.
Il
faut donc comprendre les paroles du pape comme un adhésion ferme à
la réforme mais aussi comme un appel à se pénétrer des
enseignements authentiques de l’Église, par exemple sur la place
du latin et du chant grégorien, sur la qualité des traductions
liturgiques, sur le caractère sacré que doit garder une
célébration, sur la place du silence dans la liturgie. Là-dessus,
le cardinal Sarah fait un excellent travail. On peut aussi convenir
que ce que ce dernier a dit sur l'orientation de l'autel ne contient
aucune contradiction avec les documents du magistère sur la
liturgie. Le cardinal a une position équilibrée et il montre qu'il
ne veut nullement agir en désaccord avec le pape. Il dit aussi qu'à
long terme ce retour à une liturgie authentique est inéluctable.
Car le pape n'est pas seul dans l’Église. Tenons compte aussi des
jeunes générations à venir. Dans nos pays, nos assemblées seront
de plus en plus constituées de croyants convertis et de personnes
qui pratiqueront par conviction personnelle, et qui ne seront pas
prêtes à accepter n'importe quoi au niveau liturgique. C'est là la
conviction heureuse du cardinal Sarah, son espérance et son pari sur
l'avenir.
On a
aussi émis des craintes sur l'avenir de la liturgie tridentine. Il
est bien possible que le Saint Père ne voie dans cette liturgie
qu'un simple phénomène de mode, auquel il n'attache guère
d'importance. Mais là aussi il ne s'agit que de son avis personnel.
Mais comme il ne prend pas cela au tragique, faut-il donc avoir des
craintes démesurées? Depuis le motu proprio Summorum Pontificum,
l’Église veut manifestement que l'on reconnaisse à la liturgie
traditionnelle sa valeur magistérielle, sa fonction d'éducatrice de
la foi. Elle veut que cette reconnaissance porte aussi des fruits
dans notre manière de célébrer le novus ordo. Du reste le pape
veut vraiment arriver à une pleine réintégration de la Fraternité
sacerdotale Saint Pie X. Il faut dès lors tout analyser dans un
contexte plus global.
Je
regardais hier une vidéo sur la Communauté Saint Martin. Voilà un
bon exemple de la fécondité que donne le sens profond de la
Tradition de l’Église, dans une véritable fidélité au Siège de
Pierre. Leur vie liturgique est profonde, sérieuse, à la fois
traditionnelle et ouverte au monde d'aujourd'hui.
Aussi
je demande de relire les propos du pape dans la lumière des
enseignements authentiques de l’Église et d'une certaine manière
de les relativiser. On a certes le droit de les lire avec un esprit
critique mais il faut aussi tenir compte des signes des temps et des
imprévus de Dieu. Un mouvement profond de retour à la vraie
Tradition est lancé depuis plusieurs années et à la longue c'est
lui qui s'affirmera.
Il est déjà dangereusement symptomatique de devoir prendre tant de précaution concernant les écrits et les dires du pape. Avec François Ier, on est comme dans une forêt où il ne faudrait ramasser ou cueillir que certains fruits ou plantes et se méfier des autres, possiblement toxiques. Ce n'est pas le signe d'une sainteté personnelle...
RépondreSupprimerLa première chose à dire, et qui relativise beaucoup de choses, est que ces interviews ne constituent pas des actes du magistère :
RépondreSupprimerIl se pourrait qu'en Eglise, les avocats de la défense de François soient assez nombreux : A Dumouch, le père Nathan,le père Michelet, le père Garrigues, le père André Noel...
Pas sûr qu'il en faille autant; cela risquerait d'être contre-productif (un peu comme les 95% de médias favorables à H Clinton !).
Sincèrement, je crois qu'on a surtout besoin de priants, d'adorateurs et de réparateurs.
Susciter cela sera bien plus efficace, ne serait-ce que pour taire les oppositions qui s'amoncellent partout.
Bien fraternellement,
MD
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés. Voilà ce que dit l’Évangile. Cela est vrai pour tout le monde, a fortiori pour le pape. Prima sedes a nemine judicatur. En fait l'important n'est pas la personnalité de tel ou tel pape, mais la fidélité au Saint-Siège. Je suis à 100% d'accord avec Michel Darc: je crois qu'on a surtout besoin de priants, d'adorateurs et de réparateurs.
RépondreSupprimer"Pour le jugement, soyez des hommes mûrs" (1 Co 14, 20)
RépondreSupprimer"Pourquoi ne jugez-vous pas par vous-même de ce qui est juste" (Luc 12, 57).
Il y a une faculté de juger (de discerner) qui est un don de l'Esprit. S'en priver, c'est faire injure à la Vérité. Séparer l'ivraie du bon grain est une grande grâce. Il y a de l'ivraie dans certains propos du pape, ça me déchire de le reconnaître, mais c'est ainsi. Et je ne suis pas le seul à le reconnaître...