samedi 12 novembre 2016

Les interviews du pape

Le Saint Père a l'habitude d'accorder régulièrement des interviews, soit dans l'avion lors de ces voyages, soit à des journaux en d'autres moments. La dernière en date, au P. Spadaro, a déjà fait couler beaucoup d'encre, notamment chez ceux qui s'intéressent à l'état de la liturgie dans l’Église latine.
Cette question de la liturgie me tient à cœur. Aussi je vous fait part de quelques impressions personnelles sur cette récente interview.
La première chose à dire, et qui relativise beaucoup de choses, est que ces interviews ne constituent pas des actes du magistère. Le pape ne parle pas ici à toute l’Église en tant que pape, pasteur et docteur universels. Il parle en tant que personne privée. Ses dires ne sont nullement dépourvus d'intérêt, car ils nous permettent de mieux connaître sa vision personnelle des choses, et la vérité peut toujours sortir du choc des idées. Mais les paroles du pape dans ce contexte n'ont pas la force contraignante des documents magistériels, comme la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium, l'instruction Liturgiam authenticam ou le motu proprio Summorum Pontificum.

Ceci dit, voyons de plus près certaines choses dites par le Saint Père.
Il rejette la notion de réforme de la réforme. Mieux vaut en effet à l'avenir laisser tomber ce concept dans les débats liturgiques. Cette notion est en effet ambiguë car elle peut dans certains esprits être un vêtement qui recouvre en fait le rejet de la réforme conciliaire. Il est vrai que cette réforme a eu de bons fruits mais aussi de mauvais. Tout un discernement est donc à faire au cas par cas. Plutôt donc que de vouloir une réforme de la réforme qui serait un retour en arrière, il serait préférable de revenir à et d'étudier la réforme, telle que l’Église l'a vraiment voulue, dans ses documents les plus officiels. Tout ce travail serait beaucoup plus fructueux qu'une stérile opposition de principe aux propos du pape.
Il faut donc comprendre les paroles du pape comme un adhésion ferme à la réforme mais aussi comme un appel à se pénétrer des enseignements authentiques de l’Église, par exemple sur la place du latin et du chant grégorien, sur la qualité des traductions liturgiques, sur le caractère sacré que doit garder une célébration, sur la place du silence dans la liturgie. Là-dessus, le cardinal Sarah fait un excellent travail. On peut aussi convenir que ce que ce dernier a dit sur l'orientation de l'autel ne contient aucune contradiction avec les documents du magistère sur la liturgie. Le cardinal a une position équilibrée et il montre qu'il ne veut nullement agir en désaccord avec le pape. Il dit aussi qu'à long terme ce retour à une liturgie authentique est inéluctable. Car le pape n'est pas seul dans l’Église. Tenons compte aussi des jeunes générations à venir. Dans nos pays, nos assemblées seront de plus en plus constituées de croyants convertis et de personnes qui pratiqueront par conviction personnelle, et qui ne seront pas prêtes à accepter n'importe quoi au niveau liturgique. C'est là la conviction heureuse du cardinal Sarah, son espérance et son pari sur l'avenir.
On a aussi émis des craintes sur l'avenir de la liturgie tridentine. Il est bien possible que le Saint Père ne voie dans cette liturgie qu'un simple phénomène de mode, auquel il n'attache guère d'importance. Mais là aussi il ne s'agit que de son avis personnel. Mais comme il ne prend pas cela au tragique, faut-il donc avoir des craintes démesurées? Depuis le motu proprio Summorum Pontificum, l’Église veut manifestement que l'on reconnaisse à la liturgie traditionnelle sa valeur magistérielle, sa fonction d'éducatrice de la foi. Elle veut que cette reconnaissance porte aussi des fruits dans notre manière de célébrer le novus ordo. Du reste le pape veut vraiment arriver à une pleine réintégration de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X. Il faut dès lors tout analyser dans un contexte plus global.
Je regardais hier une vidéo sur la Communauté Saint Martin. Voilà un bon exemple de la fécondité que donne le sens profond de la Tradition de l’Église, dans une véritable fidélité au Siège de Pierre. Leur vie liturgique est profonde, sérieuse, à la fois traditionnelle et ouverte au monde d'aujourd'hui.
Aussi je demande de relire les propos du pape dans la lumière des enseignements authentiques de l’Église et d'une certaine manière de les relativiser. On a certes le droit de les lire avec un esprit critique mais il faut aussi tenir compte des signes des temps et des imprévus de Dieu. Un mouvement profond de retour à la vraie Tradition est lancé depuis plusieurs années et à la longue c'est lui qui s'affirmera.

4 commentaires:

  1. Pierre René Mélon13 novembre 2016 à 11:25

    Il est déjà dangereusement symptomatique de devoir prendre tant de précaution concernant les écrits et les dires du pape. Avec François Ier, on est comme dans une forêt où il ne faudrait ramasser ou cueillir que certains fruits ou plantes et se méfier des autres, possiblement toxiques. Ce n'est pas le signe d'une sainteté personnelle...

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  2. La première chose à dire, et qui relativise beaucoup de choses, est que ces interviews ne constituent pas des actes du magistère :

    Il se pourrait qu'en Eglise, les avocats de la défense de François soient assez nombreux : A Dumouch, le père Nathan,le père Michelet, le père Garrigues, le père André Noel...
    Pas sûr qu'il en faille autant; cela risquerait d'être contre-productif (un peu comme les 95% de médias favorables à H Clinton !).
    Sincèrement, je crois qu'on a surtout besoin de priants, d'adorateurs et de réparateurs.
    Susciter cela sera bien plus efficace, ne serait-ce que pour taire les oppositions qui s'amoncellent partout.

    Bien fraternellement,

    MD

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  3. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés. Voilà ce que dit l’Évangile. Cela est vrai pour tout le monde, a fortiori pour le pape. Prima sedes a nemine judicatur. En fait l'important n'est pas la personnalité de tel ou tel pape, mais la fidélité au Saint-Siège. Je suis à 100% d'accord avec Michel Darc: je crois qu'on a surtout besoin de priants, d'adorateurs et de réparateurs.

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  4. Pierre René Mélon13 novembre 2016 à 19:09

    "Pour le jugement, soyez des hommes mûrs" (1 Co 14, 20)
    "Pourquoi ne jugez-vous pas par vous-même de ce qui est juste" (Luc 12, 57).

    Il y a une faculté de juger (de discerner) qui est un don de l'Esprit. S'en priver, c'est faire injure à la Vérité. Séparer l'ivraie du bon grain est une grande grâce. Il y a de l'ivraie dans certains propos du pape, ça me déchire de le reconnaître, mais c'est ainsi. Et je ne suis pas le seul à le reconnaître...

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