lundi 15 août 2016

Synode sur la famille et témoignages grecs-catholiques

Mgr Fülöp Kocsis
Anca Cernea

A plusieurs mois de la clôture du synode sur la famille aujourd'hui, j'aimerais évoquer les figures de deux intervenants, les deux seuls que je connaissais personnellement dans cette auguste assemblée : le docteur Anca Maria Cernea, de Bucarest, et Mgr Fülöp Kocsis, évêque grec-catholique de Hajdúdorog, en Hongrie.
La première est actuellement présidente de l’Association des médecins catholiques de Bucarest. Il y a plusieurs années, elle était venue faire une conférence à Chevetogne sur la situation médicale en Roumanie, où avec son mari, médecin lui aussi, elle tentait de recréer une médecine libérale de qualité, dans ce pays ravagé par 40 ans de communisme. C'était dans le cadre d'un colloque œcuménique sur la situation religieuse dans son pays. Je participais alors à des rencontres entre chrétiens roumains de diverses obédiences et c'est ainsi que j'ai pu faire sa connaissance. J'ai eu entre autres la mission de lui faire faire un peu de tourisme. Nous avons ainsi fait la visite des églises historiques de Liège. Puis en février 1998, je lui ai rendu visite chez elle à Bucarest et nous avons pu avoir des échanges fort intéressants.

Venons-en à Mgr Fülöp Kocsis, que je connais beaucoup mieux puisque j'ai vécu trois années avec lui au monastère. C'est un prêtre grec-catholique hongrois, de son nom civil Peter Kocsis, qui souhaitait depuis longtemps embrasser la vie monastique. En 1995, il entra au monastère bénédictin de Chevetogne. Le 6 novembre 1998, il émit ses vœux monastiques devant Mgr Szilárd Keresztes, évêque de Hajdúdorog. Le noviciat chez les orientaux dure en effet trois ans Il prit alors le nom monastique de Fülöp. Il rentra ensuite dans son pays et y fonda un petit monastère. Le 2 mai 2008, le pape Benoît XVI le nomme évêque de Hajdúdorog et administrateur apostolique de Miskolc. En tant que tel, il est éparque métropolitain de Hajdúdorog des Byzantins, c'est-à-dire chef de l'Église grecque-catholique hongroise.
En tant qu'auditrice laïque, Mme Cernea fit au synode une intervention qui défraya la chronique, tant elle tranchait sur le politiquement correct de beaucoup d'intervenants. En voici le texte en entier. Il est fort. C'est un témoignage venu d'une chrétienne qui a connu la persécution, et qui interpelle notre société occidentale, trop sûre d'elle-même :
Très Saint Père, Pères synodaux, Frères et Sœurs, je représente l'Association des médecins catholiques de Bucarest.
J'appartiens à l’Église catholique grecque roumaine.
Mon père était un leader politique chrétien, emprisonné par les communistes pendant 17 ans. Mes parents étaient fiancés, mais leur mariage a eu lieu 17 ans plus tard. Ma mère a attendu mon père pendant toutes ces années, bien qu'elle ne sache même pas s'il était encore en vie. Ils ont été héroïquement fidèles à Dieu et à leurs fiançailles.
Leur exemple montre que la grâce de Dieu peut surmonter des circonstances sociales terribles, ainsi que la pauvreté matérielle.
Nous, en tant que médecins catholiques qui défendons la vie et la famille, nous voyons que tout ceci est avant tout une bataille spirituelle.
La pauvreté matérielle et le consumérisme ne sont pas la première cause de la crise de la famille.
La première cause de la révolution sexuelle et culturelle est idéologique.
Notre Dame de Fatima a dit que les erreurs de la Russie se répandraient à travers le monde entier. Cela s'est fait d'abord sous une forme violente, le marxisme classique, qui a tué des dizaines de millions de personnes.
Aujourd'hui cela se fait la plupart du temps à travers le marxisme culturel. Il y a continuité entre la révolution sexuelle de Lénine, à travers Gramsci et l'École de Francfort, et l'idéologie contemporaine des droits gay et du genre.
Le marxisme classique avait la prétention de redessiner la société, par le biais de la spoliation violente de la propriété. Aujourd'hui la Révolution va plus profond ; elle prétend redéfinir la famille, l'identité sexuelle et la nature humaine.
Cette idéologie se qualifie elle-même de progressiste. Mais elle n'est rien d'autre que la vieille proposition du serpent, pour que l’homme prenne le contrôle, que Dieu soit remplacé, que la rédemption soit organisée ici-bas, dans ce monde.
C'est une erreur de nature religieuse, c'est la gnose.
Il appartient aux pasteurs de la reconnaître, et de mettre le troupeau en garde contre ce danger. «Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu et Sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît. »
La mission de l’Église est de sauver les âmes. Le mal dans ce monde vient du péché. Et non de la disparité des revenus ou du changement climatique.
La solution est celle-ci : l'évangélisation. La conversion.
Et non pas un contrôle gouvernemental sans cesse grandissant. Ni un gouvernement mondial. Ce sont eux, aujourd'hui, les agents principaux du marxisme culturel ; ce sont eux qui l'imposent à nos nations, sous la forme du contrôle de la population, de la santé reproductive, des droits gay, de l'éducation aux questions de genre, etc.
Ce dont le monde a besoin aujourd'hui, ce n'est pas d'une limitation de la liberté, mais de la vraie liberté, la libération du péché. La rédemption.
Notre Église a été opprimée par l’occupation soviétique. Mais aucun de nos douze évêques n’a trahi la communion avec le Saint-Père. Notre Église a survécu grâce à la détermination et à l'exemple de nos évêques qui ont tenu bon face aux prisons et à la terreur.
Nos évêques ont demandé à la communauté de ne pas suivre le monde. Et non de coopérer avec les communistes.
Aujourd'hui nous avons besoin que Rome dise au monde : « Repentez-vous et convertissez-vous, car le royaume de Dieu est proche. »
Ce n'est pas seulement nous, le laïcat catholique, mais également nombre de chrétiens orthodoxes qui prions avec anxiété pour ce synode. Car, comme ils le disent, si l’Église catholique cède à l'esprit du monde, il va être très difficile pour tous les autres chrétiens d’y résister.

Venons-en à l'intervention de Mgr Kocsis, interpellante elle aussi pour beaucoup de membres du synode, davantage à la remorque des modes du temps. Il a souligné entre autres que les attaques contre la famille ne sont pas de simples « défis », ainsi que l'avaient suggéré certains pères synodaux; et qu'elles ne sont pas non plus expliquées par les facteurs économiques ou sociologiques que présentait le document de travail du synode.
Mgr Fülöp a déclaré que le synode devait clairement affirmer ceci : Ces attaques sont contraires au plan divin, elles proviennent du malin. Et de citer saint Paul : Nous avons à combattre, non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les princes du monde, c’est-à-dire, de ce siècle ténébreux, contre les esprits de malice répandus dans l’air.

Voici un autre exemple du franc-parler de notre évêque hongrois. En novembre 2015, Mgr Kocsis fut invité à prendre la parole lors de l'assemblée des évêques français à Lourdes. Le thème de la réunion était l'accueil des migrants et les débats furent assez houleux et âpres. L'évêque hongrois n'a pas craint de défendre la politique du président de son pays, Viktor Orban. Lors d'un de ses passages à Chevetogne, il avait auparavant souligné le caractère profondément chrétien du gouvernement hongrois actuel. J'avais pu moi-même le constater, lors d'un voyage en Hongrie en juillet 2011, à l'occasion d'un symposium européen des paroisses, où je devais faire une conférence. Nous avions eu la visite du ministre hongrois chargé des cultes et il nous tint un discours d'encouragement, qu'on n'entendrait jamais chez nous ! A Lourdes, en novembre dernier, Mgr Kocsis a demandé la parole pour défendre le gouvernement de Viktor Orban qui a édifié un mur pour contrôler l’afflux de jeunes migrants, venus sans papier, sans vêtement de rechange et refusant d’être enregistrés.
Comme ses collègues objectaient que ce n’était pas conforme à l’Évangile, il a répliqué que c’est une mesure qui s’imposait dans l’urgence face à l’inondation islamique. Voilà qui est parler ferme et clair!
 Voilà comment parlent ces représentants d'une Église qui a donné un si beau témoignage à l'époque de la persécution athée. Ils ont mené le bon combat et ils continuent à le mener. L'adversaire semble avoir changé de lieu, mais c'est toujours au fond le même. Alors je suis tenté par une petite conclusion d'humour noir. Je ne sais si c'est historique, mais on raconte que le chanoine Jacques Leclercq dialoguait avec un gros bonnet du parti socialiste. Ce dernier lui demanda à brûle-pourpoint : Que voudriez-vous que je fasse pour l’Église ? Et notre bon chanoine de répondre : Une bonne petite persécution !


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