Le Christ retirant Adam et Ève des enfers |
Notre vie chrétienne est centrée à la fois sur
un présent et sur un avenir. Dans cette prière si familière au
peuple chrétien qu’est l’Ave Maria, nous demandons à la sainte
Vierge de prier pour nous maintenant et à l’heure de notre mort.
Cette formulation si simple manifeste donc qu’il y a deux moments
pour lesquels il nous faut prier : le moment présent et celui
du passage de la mort et de notre entrée dans l’éternité. Nous
allons dans ce petit article nous concentrer sur ce moment de la
mort, si capital pour notre destinée éternelle. La vie chrétienne
est une attente du retour du Christ et c’est dans le passage de la
mort que nous rencontrerons en pleine lumière le Christ, qui viendra
à nous pour nous proposer un salut définitif : la vie
éternelle. Dans chaque eucharistie, nous proclamons que nous
attendons son retour dans la gloire. Sa venue sacramentelle au moment
de la consécration nous renvoie à sa venue à la fin des temps,
quand il viendra pour consommer son œuvre.
Le passage de la mort
Les expériences de NDE nous révèlent que la
mort est un véritable passage. Nous quittons ce monde qui nous est
familier pour nous trouver dans une toute autre dimension. Cela se
passe plus ou moins bien car certains sont tellement attachés à
leur vie terrestre qu’ils ne veulent pas la quitter si facilement
que cela. D’autre part, le souvenir de nos fautes peut engendrer en
nous la peur de rencontrer le Christ, en nous faisant voir en lui le
juge sévère, et en nous faisant oublier le sauveur miséricordieux
qu’il est tout autant. Cependant nous finissons par nous trouver
face à lui. Il nous apparaît avec son humanité, à la fois
glorieuse et gardant les traces de sa passion, comme il est apparu à
Thomas, huit jours après Pâque. Il nous révèle son amour infini,
face auquel nous demeurons libres de dire oui ou non. Dans la lumière
de son amour nous revoyons avec lui notre vie et en toute
connaissance nous choisissons sa miséricorde ou nous la refusons. Ce
choix, à la différence de nos choix terrestres, est parfaitement
lucide et il nous fixe pour l’éternité. Il y a donc dans le
passage de la mort deux grandes vérités : la miséricorde de
Dieu et la liberté de l’homme. On comprend dès lors à quel point
il est important de nous préparer à la mort et de garder tous les
jours la mémoire de notre mort. La liturgie, en particulier celle de
l’avent, est là pour nous aider à attendre le retour du Seigneur
et à nous y préparer par une vie qui nous oriente vers la lumière
et vers l’amour.
L’avent, temps de l’espérance chrétienne
L’avent est le temps de l’attente. Dans les
trois premières semaines, il nous tourne vers le retour du Seigneur
dans la gloire. Et dans les derniers jours avant Noël, nous sommes
orientés vers le mystère de sa première venue, le mystère de son
incarnation. Les deux éléments sont repris dans la première
préface de l’avent : Il est déjà venu, en prenant la
condition des hommes, pour accomplir l’éternel dessein de ton
amour et nous ouvrir le chemin du salut ; il viendra de nouveau,
revêtu de sa gloire, afin que nous possédions en pleine lumière
les biens que tu nous as promis et que nous attendons en veillant
dans la foi. Nous sommes donc invités à une attente joyeuse et
à vivre dans la foi, qui consiste à relativiser les choses
d’ici-bas et à regarder vers notre destinée ultime, dans
l’au-delà de cette vie.
La rencontre du Seigneur
L’oraison de la messe du premier dimanche de
l’avent nous pousse à voir dans la mort une rencontre avec le
Christ, dont nos eucharisties sont comme un avant-goût, et à mener
une vie conforme à la volonté de Dieu : Donne à tes
fidèles, Dieu tout-puissant, d’aller avec courage sur les chemins
de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu’ils soient
appelés lors du jugement, à entrer en possession du Royaume des
cieux. Pour cela il faut que nos cœurs soient prêts,
c'est-à-dire éveillés à la dimension eschatologique de notre vie
chrétienne : Apprête nos cœurs, Dieu très bon, par la
puissance de ta grâce… (mercredi 1). Il nous faut aussi
prendre conscience que Dieu seul peut nous sauver : dans le
péril où nous mettent nos péchés, nous ne pouvons obtenir que de
toi la délivrance et le salut (vendredi 1). Une autre chose
essentielle est le fait que notre vie ici-bas prépare notre
éternité. Comme le dit le proverbe, l’arbre tombe du côté où
il penche. Nos choix de chaque jour préparent notre grande option
finale que nous ferons dans le passage de la mort. Qui choisit
habituellement la voie de l’orgueil ou de l’égoïsme risque fort
d’être dans les mêmes dispositions au moment de la mort. Il lui
sera difficile de se convertir au dernier moment. Nous tissons au
cours de cette vie l’amour dont nous serons revêtus dans
l’éternité. C’est pourquoi la prière après la communion du
premier dimanche de l’avent nous fait dire : Fais
fructifier en nous, Seigneur, l’eucharistie qui nous a rassemblés :
c’est par elle que tu formes dès maintenant à travers la vie de
ce monde, l’amour dont nous t’aimerons éternellement.
Les soucis de la vie présente
Le Seigneur, dans un de ses enseignements sur
l’eschatologie, nous met en garde et nous invite à la vigilance et
à la prière incessante : Prenez garde, que vos cœurs ne
s’appesantissent dans la débauche, l’ivrognerie ou les soucis de
la vie et que ce jour (c'est-à-dire celui de la mort et du
jugement) ne survienne soudain sur vous comme un filet. Car il
viendra sur tous ceux qui se trouvent sur la face de la terre
entière. Veillez en tout temps en priant, afin de pouvoir échapper
à tout cela, et vous tenir en présence du Fils de l’homme (Luc,
XXI, 34-36). L’oraison du deuxième dimanche y fait écho :
Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci
de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de
ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui
nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre
vie. A propos du précepte de la prière incessante, Origène
nous dit que celui-là observe le précepte du Seigneur qui prie
plusieurs fois par jour et qui le reste du temps accomplit des œuvres
bonnes. Il nous faut donc devenir des êtres de prière, c'est-à-dire
vivre sans cesse en présence de Dieu. La pratique de l’oraison est
la meilleure préparation à la rencontre ultime avec le Seigneur,
car elle nous conduit toujours à mener une vie de charité. Saint
Alphonse de Liguori résume cela en une formule célèbre : Qui
prie se sauve, qui ne prie pas se damne.
Avoir un cœur d’enfant
Jésus a dit : Laissez venir à moi les
petits enfants, car le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur
ressemblent (Matthieu, XIX, 14). Si nous acquérons ou retrouvons
un cœur d’enfant, c’est avec joie que nous irons à la rencontre
du Christ. Les enfants étaient en effet attirés irrésistiblement
par la bonté et la douceur de son cœur, manifestation et révélation
de l’amour du Père. Ils comprenaient l’essentiel tout de suite
et c’est pourquoi le Seigneur nous les donne en exemple. La
spiritualité de sainte Thérèse de Lisieux nous aidera dans cette
voie et nous délivrera de la peur de Dieu, qui est en nous une suite
du péché des origines. Au petit Marcel Van, devenu un frère rédemptoriste et mort dans un camp de rééducation du Nord Vietnam, le Seigneur Jésus avait dit une fois : Je ne comprends pas
pourquoi bon nombre d’âmes ont ainsi peur de moi. Sainte
Thérèse, sa sœur spirituelle lui avait déjà dit lorsque il était un enfant : N’aie jamais peur de Dieu, il ne sait
qu’aimer et désirer être aimé. En nous préparant à la fête de Noël, grande manifestation de
l’enfance éternelle de Dieu, comme l’avait si bien perçu le
poète Paul Claudel, lors de sa conversion à Notre-Dame de Paris
lors des vêpres de la Nativité, l’avent est un temps idéal pour
retrouver cet esprit d’enfance, qui nous prépare excellemment à
une rencontre pleine de confiance avec l’amour et la miséricorde
de l’Enfant Jésus.
La confiance
Marcel Van |
Citons pour poursuivre l’oraison du jeudi de la
troisième semaine : Seigneur, nous sommes des serviteurs
indignes de toi, et nous sentons avec tristesse tout le mal qui
fausse notre vie ; donne-nous cependant de trouver notre joie
dans la naissance de ton Fils car il vient pour nous sauver. Nous
avons ici l’expression des deux jambes sur lesquelles nous devons
marcher pour aller vers le Seigneur : l’humilité et la
confiance. Bien conscients de notre faiblesse et de nos fautes, nous
gardons néanmoins une confiance totale en sa miséricorde. Sur tout
cela le message de la petite Thérèse est toujours d’actualité.
J’aimerais encore citer une parole de Jésus à Marcel Van :
Il suffit d’un simple regard de confiance jeté sur moi pour
arracher les âmes pécheresses des griffes du démon. Même si une
âme se trouvait déjà à la porte de l’enfer, attendant son
dernier soupir pour y tomber, si dans ce dernier soupir il y a le
moindre degré de confiance en mon Amour infini, cela sera encore
suffisant pour que mon Amour attire cette âme dans les bras de la
Trinité ; c’est pourquoi je dis qu’il peut être très
facile pour les hommes de monter au ciel, tandis qu’il peut être
très difficile de tomber en enfer, car jamais l’Amour ne peut
souffrir qu’une âme se perde si facilement. Mais Jésus ajoute
que ces paroles ne doivent pas être manifestées à toutes les âmes
indistinctement, car certains pourraient trouver prétexte à
s’endurcir dans le mal. La vraie attitude chrétienne, spécialement
dans le temps de l’avent, est donc la suivante : lutter de
toutes ces forces contre le mal qui est en nous et lorsque nous
sommes malheureusement tombé, ne jamais désespérer de la
miséricorde de Dieu, comme le dit saint Benoît dans sa règle.
C’est pourquoi beaucoup d’oraisons de l’avent nous font prier
pour être dégagés de l’engrenage du péché, telle celle du
mardi de la troisième semaine : Dieu qui a fait de nous une
créature nouvelle dans ton Fils, regarde avec bonté l’œuvre de
ta miséricorde, et tandis que nous attendons sa venue, préserve-nous
de toute déchéance.
Conclusion
Les textes liturgiques de l’avent nous éduquent
à la vraie spiritualité face à la question du passage de la mort
et à notre rencontre avec le Seigneur de gloire. Puissent-ils nous
donner le sens véritable des choses de ce monde et nous conduire aux
joies de l’éternité par l’humilité et la confiance de ceux qui
se savent enfants aimés de Dieu.
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