Ce
qui m'a poussé à mettre par écrit ces quelques réflexions, qui se
veulent des réflexions de simple bon sens, c'est l'homélie que le
Père Henri Boulad a prononcée récemment au Caire. Je suppose que
c'était le dimanche où la liturgie nous proposait l'évangile de
Marthe et Marie. Le P. Henri Boulad est un jésuite de rite byzantin,
né à Alexandrie en 1931. Vous pouvez avoir ici une brève présentation de la vie et de la pensée de ce prêtre très engagé
au niveau caritatif et au niveau du dialogue islamo-chrétien.
L’Évangile
nous demande d'accueillir l'étranger, le voyageur, le pèlerin, et
d'une manière générale toute personne en difficulté et qui a
besoin de notre aide. Notre maison doit être ouverte à toute
détresse. Notre devoir vis-à-vis des migrants qui viennent chercher
refuge chez nous doit être une attitude de sympathie, d'estime,
d'ouverture.
Toutefois,
si l'hospitalité est sacrée, et l'orient là-dessus nous donne
souvent un témoignage émouvant (car on sait se mettre là-bas dans
la gêne pour accueillir à l'improviste qui que ce soit), il existe
aussi ce que les orientaux appellent l'abus de l'hospitalité.
Lorsque la personne accueillie ne respecte pas certaines règles,
alors on a le droit, voire le devoir, de la mettre dehors. La bonté
ne doit pas se transformer en bêtise.
Mais
une autre règle existe aussi, celle de la hiérarchie des devoirs.
Dans le cadre familial, le chef de famille qui accueille un hôte,
doit d'abord penser à sa famille et ne pas lui faire courir un
danger. L'amour des siens passe avant l'amour de l'étranger. Si la
paix et la sécurité de la famille est mise ne danger par celui
qu'on a généreusement accueilli en son sein, dans un premier temps,
il faut réagir promptement et y mettre bon ordre. L'hospitalité est
une vertu annexe, obligatoire dans certains cas, mais la prudence est
une vertu cardinale. Voici que je vous envoie comme des brebis au
milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples
comme les colombes (Mat. 10, 16).
Un
particulier pourra ainsi faire des choses que ne pourra se permettre
un chef de famille. Les communautés religieuses, si elles sont
fortes dans leurs structures, pourront faire plus que le commun des
mortels. La règle de saint Benoît demande aux moines d'accueillir
les hôtes, surtout les pauvres et les pèlerins, comme le Christ.
Mais il est dit ceci quand quand un hôte survient au monastère: Dès
qu'un hôte est annoncé, le supérieur et les frères iront
l'accueillir avec une charité toute prête au dévouement. D'abord
qu'ils prient en commun, ensuite qu'ils communient dans la paix; mais
ce baiser de paix ne sera pas offert sans que la prière l'ait
précédé, à cause des illusions diaboliques (Règle, chap. 53).
Concernant l'accueil d'un moine venu d'ailleurs, la Règle
bénédictine est formelle: Si, pendant le temps de son hébergement,
on le trouve exigeant et vicieux, non seulement il ne faut pas
l'agréger au corps du monastère, mais on devra lui dire honnêtement
de se retirer, pour que sa misère n'en contamine pas d'autres
(Règle, chap. 61). Cela vaut a fortiori pour un hôte ordinaire.
Je
suis moi-même hôtelier au monastère de Chevetogne et je reçois
une quantité d'hôtes de tous pays. Tous sont reçus sans acception
de personne, même gratuitement s'ils ne peuvent payer. Mais il y a
une règle essentielle: celle de ne pas troubler la paix des moines
et des autres retraitants. Sinon, c'est la porte immédiatement!
Oui, l'hospitalité est une loi évangélique mais elle a ses règles.
Mais si cela est déjà vrai du précepte de l'accueil, lorsqu'il
s'adresse à des personnes particulières, qu'en est-il des États?
Nous
quittons ici le domaine de la charité pour entrer dans celui de la
politique. Le grande loi morale de la politique d'un État c'est
qu'elle doit chercher le bien commun de ses membres. Or le sens du
bien commun fait cruellement défaut de nos jours à nos politiques,
par carence d'une vraie philosophie politique. Il faut en effet un
discernement car la vertu de prudence est la vertu principale d'un
chef politique. Or notre monde manque gravement à cette vertu. S'il
faut accueillir les personnes qui sont réellement en danger et qui
sont prêtes à accepter les règles élémentaires de l'hospitalité,
par contre il faut se défendre contre une invasion et garantir la
sécurité de nos États.
Imaginons
qu'au lieu de nous faire la guerre, l'Allemagne nazie aurait envoyé
des milliers de réfugiés chez nous, dans un but subversif,
n'aurions-nous pas connu une guerre et une invasion, sous une forme
plus subtile? Poser la question, c'est y répondre. Voilà ce que la
prudence politique exige de nos gouvernants: examiner tous les
aspects de la question, discerner avec prudence, prendre ensuite les
décisions qui s'imposent. Ne pas le faire serait commettre une faute
très grave, que ne nous pardonneraient pas les générations à venir.
Merci mon père.
RépondreSupprimerEn Belgique et dans quelques pays voisins, les clercs qui tiennent ce langage de bon sens sont rares. Beaucoup trop rares.
Il y a même fort à craindre que ce défaut de clairvoyance soit à l'origine de graves déconvenues pour l'Eglise. Plus lourdes de conséquences que les fautes en matière de pédophilie.
Je voudrais, s'il vous plaît, vous faire part d'une question proche qui me laisse dans l'embarras.
Relisant le passage de Lc 19 : 41-55, où Jésus pleure sur Jérusalem.
- D'une part, Il ne pleure pas sur son sort personnel mais sur celui de la capitale d" son pays. Je crois qu'on peut y voir les larmes d'un Jésus-Christ amoureux de sa patrie humaine.
- D'autre part, sur le net, on ne trouve aucune homélie, aucun sermon, pas la moindre dissertation qui développe précisément ce sujet-là. On élargit le propos, on le dilue avec de l'eau de rose (bénite) et puis on tourne autour du pot.
Si vous pouviez me détromper, mon Père, vous n'imaginez pas le bien que ça ferait.
Etienne Delmotte
Voici d'abord deux liens vers des homélies sur le sujet:
Supprimerhttp://www.mauricezundel.com/fr/accueil-derniers-articles/articles-anterieurs/articles-publies-en-2013/d-octobre-a-decembre-2013/1923-21-24-11-2013-homelie-leslarmesdejesus.html
http://www.moinesdiocesains-aix.cef.fr/homelies/lectio-divina/nouveau-testament/evangile-de-luc/4066-jesus-pleure-sur-jerusalem.html
Voici aussi la note de la Bible de Fillion:
Le Sauveur explique lui-même le double motif de sa vive émotion: c'était, d'une part,à cause de la folle légèreté de Jérusalem, et ,d'autre part à cause du sort affreux qu'elle allait s'attirer bientôt, en punition de ses crimes et de son endurcissement. Le temps de la visite admirable dont Jérusalem avait été l'objet, c'était la vie publique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, durant laquelle il s'était souvent manifesté à la métropole comme le Messie, par sa prédication et par ses miracles.
je souscris entièrement à cette position de prudence pleine de bon sens...
RépondreSupprimerje souscris entièrement à cette position de prudence pleine de bon sens...
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