Dans la confusion bien compréhensible qui sévit actuellement, certains s'en prennent au pape actuel, puis à ses prédécesseurs immédiats, enfin au Concile Vatican II. Aussi pour élever le niveau du débat, je vous livre un texte sur les changements religieux, extrait du livre Le Précieux sang, publié en 1860 par Frédéric-William Faber. Faber est un anglican qui a d'abord rejeté la théologie calviniste puis a adhéré au Mouvement d'Oxford. Il se convertit enfin au catholicisme et devint un prêtre oratorien à Londres. Sa destinée le rapproche donc de Newman, récemment canonisé
Il en est des âges de la
vie humaine comme des diverses contrées du monde : chaque âge
a son esprit spécial, ses vertus spéciales, ses vices spéciaux ;
chaque âge a ses sciences, ses inventions, sa littérature, sa
politique, son développement ; chaque âge se croit distinct
des autres, et en cela il a raison ; il s'imagine être meilleur
que les autres, mais en cela il se trompe. Probablement, il ne vaut
ni plus ni moins que les autres. Quant à ce qui regarde les choses
essentielles, tous les âges sont à peu près sur le même niveau ;
mais chacun d'eux a sa manière d'être et demande à être traité
en conséquence. Telle est la raison pour laquelle l’Église paraît
agir différemment avec les différents âges. Dans un certain sens,
on peut dire que l’Église marche avec le monde. C'est dans le même
sens que l'on dit que le berger abandonne les brebis fidèles pour
aller à la recherche de celle qui erre loin du troupeau. Chaque âge
est une brebis errante séparée de Dieu, et il est du devoir de
l’Église de la chercher, de la ressaisir et de la lui ramener,
autant, toutefois, que cela est en son pouvoir. Nous ne devons pas
traiter légèrement cette différence des âges. Chacun d'eux
demande à être persuadé d'une manière particulière. Tous
trouvent dans la religion leurs difficultés propres, ont leurs
tentations propres, leurs folies spéciales. L'oeuvre de Dieu ne peut
jamais s'achever dans le cours d'un seul âge ; il faut le
recommencer dans l'âge suivant ; les raisons anciennes
deviennent inutiles, parce qu'elles cessent d'être convaincantes, et
les méthodes de l'âge passé ne conviennent plus, parce que les
choses ont changé. C'est pour cela que la théologie revêt des
aspects nouveaux, que les ordres religieux, d'abord florissants,
tombent ensuite en décadence, que la dévotion a ses modes et ses
vicissitudes, que les coutumes changent, que la discipline se
modifie, et que l’Église se place dans des relations différentes
vis-à-vis des gouvernements du monde.
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