Le Christ, miséricorde du Père; est venu nous sauver de l'enfer |
Apparitions
mariales et religion populaire
On
peut dire que les apparitions mariales, en particulier celles qui ont
été reconnues par l’Église, font partie de ce qu'on appelle la
religion populaire. Ce terme n'a rien de péjoratif. La religion
populaire est déjà présente dans l’Évangile : tous ces
petits qui suivaient Jésus, comme la femme atteinte d'un flux de
sang qui pensait qu'elle serait guérie en touchant la robe de Jésus.
Jésus a dit que Dieu a révélé ses secrets aux petits alors qu'il
les a cachés aux savants. Le pape François a complètement
réhabilité cette religion populaire à plusieurs reprises, lui qui
l'a vue de près en Amérique latine. Une ouvrière qui prie saint
Antoine peut être plus proche de Dieu qu'un prêtre qui a étudié
la philosophie et la théologie pendant des années.
Quand
Marie parle à de pauvres bergers, comme ceux de La Salette ou de
Fatima, elle utilise évidemment les catégories religieuses
populaires qui sont les leurs et celles de leur temps. Rien ne nous
oblige donc de les prendre aux pieds de la lettre. Par exemple, si de
simples enfants ont toujours cru que l'enfer était une mare de feu
au centre de la terre, comme on le leur a peut-être dit au
catéchisme ou en famille, ils verront ainsi l'enfer dans leurs
expériences mystiques. Ces faits mystiques sont réels et
authentiques, mais nous avons le droit de les décrypter. Il faut
distinguer la substance de la foi de ses revêtements imagés. Je
fais une analogie contemporaine. De nos jours beaucoup de personnes,
à tort ou à raison, croient aux expériences de NDE. Eh bien, je
dirais que la Vierge pourrait utiliser ces catégories d'aujourd'hui,
pour nous lancer ses appels à la conversion et à l'espérance.
L'enfer
dans la théologie grecque
Le
Père Brune, qui croyait entièrement à la mystique occidentale,
aimait dire qu'elle se comprenait mieux à la lumière de la
théologie orientale ancienne, celle des pères grecs. C'est pourquoi
faisons un détour de ce côté-là. La liturgie dominicale orthodoxe
est pleine de la joie exaltante de la résurrection du Christ. Le
Christ a vaincu la mort et l'enfer et a offert au monde de manière
absolue la divine miséricorde. Mgr Hilarion, un évêque orthodoxe
russe de premier plan, disait naguère les choses suivantes :
« la
tradition chrétienne orientale n'a jamais considéré que l'enfer
avait été créé par Dieu pour punir les pécheurs. Dieu n'a pas
créé l'enfer, le libre arbitre des personnes l'a créé. Il existe
non pas parce que Dieu le veut, mais parce que les gens continuent à
le faire exister. Ils ont d'abord créé l'enfer sur terre, puis
l'ont apporté dans l'au-delà. Ainsi, Dieu n'a pas créé l'enfer
pour les pécheurs, ils l'ont fait eux-mêmes. Dieu n'envoie pas les
pécheurs en enfer, mais les gens qui s'opposent à la volonté de
Dieu et se révoltent contre Dieu ont choisi l'enfer eux-mêmes. Et
ce choix est fait dans leur vie terrestre plutôt que dans une
perspective eschatologique
lointaine.
C'est ici sur Terre que les tortures infernales et "le Royaume
de Dieu venu avec puissance" commencent. Quand un homme
utilisant son pouvoir sur les autres fait de la Terre un enfer pour
eux. Hitler n'a-t-il pas transformé la Terre en enfer pour des
millions de gens jugés et torturés dans les camps de concentration,
qui ont péri dans les chambres à gaz et les champs de bataille?
Lénine et Staline n'ont-ils pas créé un enfer pour des milliers et
des millions de gens qui sont morts dans des camps ou ont été
abattus sur la bases de fausses dénonciations ou condamnés par la
"troïka" de Staline ? Les terroristes d'aujourd'hui, qui
tuent de paisibles citoyens, les prennent en otage et leur coupent la
tête, n'ont-ils pas transformé la Terre en enfer? La réalité de
l'enfer, son existence pour les pécheurs et même la possibilité de
son existence éternelle ne contredisent pas la nouvelle de son
abolition par le Christ ressuscité. L'enfer est vraiment "aboli"
dans la résurrection du Christ, car il n'est plus une fatalité pour
les personnes et n'a pas de pouvoir sur elles. Mais ceux qui
s'opposent consciemment à la volonté de Dieu et commettent des
crimes et des péchés, restaurent l'enfer détruit et aboli, tandis
qu'ils ne veulent pas se réconcilier avec l'amour de Dieu. Je tiens
à le souligner encore une fois: Dieu n'a pas créé l'enfer, les
gens l'ont créé pour eux-mêmes, Dieu a détruit et aboli l'enfer,
mais les gens le restaurent encore et encore. L'enfer est recréé à
chaque fois que le péché est commis consciemment et que l'on ne
s'en repent point ».
Une
manière contemporaine de comprendre le mystère de l'enfer
Ici
je m'inspire du cardinal Newman, pour vous présenter une conception
moderne de l'enfer, en harmonie avec l’Évangile de l'amour
inconditionnel de Dieu. Dieu est amour et n'exclut personne. Dans son
paradis, il laisse en fin de compte entrer tout le monde, même
Hitler, même Dutroux. Dieu ne veut envoyer aucun de ses enfants,
même les pires, en enfer. Mais voici quelqu'un qui durant toute sa
vie n'a jamais voulu Dieu, l'a rejeté, voire détesté, quelqu'un
qui n'a jamais prié ou voulu mettre les pieds à l'église. Et voici
que pour cet homme, son éternité sera d'être avec Celui qu'il a
tant haï, d'être embrassé d'amour par celui qu'il a tant rejeté.
Son ciel ne sera-t-il pas une terrible souffrance ? Le feu de
l'enfer n'est-il pas au fond celui de l'amour de Dieu, joie indicible
pour ceux qui ont aimé Dieu, mais souffrance pour ceux qui n'auront
jamais voulu de Dieu ? C'est ici toute la question de l'athéisme
pratique. A Fatima, la Vierge s'est adressée en une année 1917, où
le communisme athée prenait le pouvoir en Russie, et elle a voulu
lancer un appel pour que nous comprenions bien le drame de l'athéisme
de notre époque. Je parle d'athéisme pratique, car il y a en effet
des agnostiques ou des athées, qui pourtant cherchent et aspirent à
Dieu, et pour eux sans doute leur entrée dans la lumière éternelle
leur réservera une délicieuse surprise, surtout s'ils ont vécu
dans l'amour. Pensons à la parabole du jugement dernier ; Ce
que vous aurez fait aux plus petits d'entre mes frères, c'est à moi
que vous l'aurez fait.
Ensuite,
une autre caractéristique de notre époque, qui explique l'angoisse
de Marie pour le salut de ses enfants, c'est le matérialisme
ambiant. Quel sera le sort de ceux qui ont vécu toute leur vie, dans
ce matérialisme, lorsqu'ils seront dans un état où seules les
réalités spirituelles auront cours ?
Voilà
quelques considérations qui nous permettront, je l'espère, de mieux
comprendre les messages mariaux, sans nécessairement prendre à la
lettre toutes les images qui les revêtent.
Et
les châtiments d'ici-bas ?
Il
y a deux ans, j'écrivais déjà sur ce blog : « Ces
prophéties de châtiment ne sont jamais rien d'autre que des appels
à la pénitence et la conversion. Du reste, nous ne devons pas voir
en Dieu quelqu'un qui se met capricieusement en colère et qui se met
à frapper ses enfants, comme le fait un père de la terre. Les
châtiments sont toujours des conséquences logiques des
comportements aberrants de l'humanité. C'est évident par exemple
dans le cas des guerres, provoquées par la folie et l'orgueil
humain. Mais chacune de nos fautes personnelles contribue au mal
général. Comme le disait Élisabeth Leseur, toute
âme qui s'élève, élève le monde. Mais
le contraire est vrai aussi! ». Il y a quelques mois, je
discutais avec des lycéens sur la crise climatique et écologique.
C'est tout à fait d'actualité. Ces jeunes étaient catastrophés
par ce qui nous attend. Personnellement je ne suis pas aussi
alarmiste, mais c'est hors de propos. Quoi qu'il en soit, si le
catastrophisme climatique dominant aujourd'hui est vrai, il faut bien
rappeler que le gaspillage, le consumérisme et le libéralisme
capitaliste de nos générations est quand même la cause de tout ce
qui inquiète beaucoup de nos contemporains. En ce sens, pourquoi ne
pas parler d'un châtiment ? Encore une fois, ce n'est pas Dieu
qui s'amuse à nous punir, c'est l'attitude de l'homme qui entraîne
pour lui des conséquences désastreuses.
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