dimanche 30 juin 2019

Peur de l'enfer et des châtiments ici-bas


Le Christ, miséricorde du Père; est venu nous sauver de l'enfer
J'ai posté sur ce blog, il y a quelques semaines, la vidéo d'une conférence du mouvement Tradition, Famille, Propriété sur les apparitions modernes de la Sainte Vierge, en particulier sur La Salette et Fatima. On y parlait de l'enfer et des châtiments éventuels qui déjà ici-bas punissent les iniquités humaines. Cela a provoqué quelques réactions négatives, dont un ami m'a fait part, et du reste je l'en remercie, car cela me force à réfléchir et à affiner mes conceptions de foi. On peut donc légitimement m'objecter de pratiquer une pastorale de la peur. En fait je ne suis nullement un père fouettard obscurantiste. Mon travail quotidien se situe dans le domaine de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux, en tant que chroniqueur à la revue Irénikon. C'est pourquoi je publie ces réflexions comme une introduction théologique aux thèmes abordés dans la vidéo en question.

Apparitions mariales et religion populaire

On peut dire que les apparitions mariales, en particulier celles qui ont été reconnues par l’Église, font partie de ce qu'on appelle la religion populaire. Ce terme n'a rien de péjoratif. La religion populaire est déjà présente dans l’Évangile : tous ces petits qui suivaient Jésus, comme la femme atteinte d'un flux de sang qui pensait qu'elle serait guérie en touchant la robe de Jésus. Jésus a dit que Dieu a révélé ses secrets aux petits alors qu'il les a cachés aux savants. Le pape François a complètement réhabilité cette religion populaire à plusieurs reprises, lui qui l'a vue de près en Amérique latine. Une ouvrière qui prie saint Antoine peut être plus proche de Dieu qu'un prêtre qui a étudié la philosophie et la théologie pendant des années.
Quand Marie parle à de pauvres bergers, comme ceux de La Salette ou de Fatima, elle utilise évidemment les catégories religieuses populaires qui sont les leurs et celles de leur temps. Rien ne nous oblige donc de les prendre aux pieds de la lettre. Par exemple, si de simples enfants ont toujours cru que l'enfer était une mare de feu au centre de la terre, comme on le leur a peut-être dit au catéchisme ou en famille, ils verront ainsi l'enfer dans leurs expériences mystiques. Ces faits mystiques sont réels et authentiques, mais nous avons le droit de les décrypter. Il faut distinguer la substance de la foi de ses revêtements imagés. Je fais une analogie contemporaine. De nos jours beaucoup de personnes, à tort ou à raison, croient aux expériences de NDE. Eh bien, je dirais que la Vierge pourrait utiliser ces catégories d'aujourd'hui, pour nous lancer ses appels à la conversion et à l'espérance.

L'enfer dans la théologie grecque

Le Père Brune, qui croyait entièrement à la mystique occidentale, aimait dire qu'elle se comprenait mieux à la lumière de la théologie orientale ancienne, celle des pères grecs. C'est pourquoi faisons un détour de ce côté-là. La liturgie dominicale orthodoxe est pleine de la joie exaltante de la résurrection du Christ. Le Christ a vaincu la mort et l'enfer et a offert au monde de manière absolue la divine miséricorde. Mgr Hilarion, un évêque orthodoxe russe de premier plan, disait naguère les choses suivantes : « la tradition chrétienne orientale n'a jamais considéré que l'enfer avait été créé par Dieu pour punir les pécheurs. Dieu n'a pas créé l'enfer, le libre arbitre des personnes l'a créé. Il existe non pas parce que Dieu le veut, mais parce que les gens continuent à le faire exister. Ils ont d'abord créé l'enfer sur terre, puis l'ont apporté dans l'au-delà. Ainsi, Dieu n'a pas créé l'enfer pour les pécheurs, ils l'ont fait eux-mêmes. Dieu n'envoie pas les pécheurs en enfer, mais les gens qui s'opposent à la volonté de Dieu et se révoltent contre Dieu ont choisi l'enfer eux-mêmes. Et ce choix est fait dans leur vie terrestre plutôt que dans une perspective eschatologique lointaine. C'est ici sur Terre que les tortures infernales et "le Royaume de Dieu venu avec puissance" commencent. Quand un homme utilisant son pouvoir sur les autres fait de la Terre un enfer pour eux. Hitler n'a-t-il pas transformé la Terre en enfer pour des millions de gens jugés et torturés dans les camps de concentration, qui ont péri dans les chambres à gaz et les champs de bataille? Lénine et Staline n'ont-ils pas créé un enfer pour des milliers et des millions de gens qui sont morts dans des camps ou ont été abattus sur la bases de fausses dénonciations ou condamnés par la "troïka" de Staline ? Les terroristes d'aujourd'hui, qui tuent de paisibles citoyens, les prennent en otage et leur coupent la tête, n'ont-ils pas transformé la Terre en enfer? La réalité de l'enfer, son existence pour les pécheurs et même la possibilité de son existence éternelle ne contredisent pas la nouvelle de son abolition par le Christ ressuscité. L'enfer est vraiment "aboli" dans la résurrection du Christ, car il n'est plus une fatalité pour les personnes et n'a pas de pouvoir sur elles. Mais ceux qui s'opposent consciemment à la volonté de Dieu et commettent des crimes et des péchés, restaurent l'enfer détruit et aboli, tandis qu'ils ne veulent pas se réconcilier avec l'amour de Dieu. Je tiens à le souligner encore une fois: Dieu n'a pas créé l'enfer, les gens l'ont créé pour eux-mêmes, Dieu a détruit et aboli l'enfer, mais les gens le restaurent encore et encore. L'enfer est recréé à chaque fois que le péché est commis consciemment et que l'on ne s'en repent point ».

Une manière contemporaine de comprendre le mystère de l'enfer

Ici je m'inspire du cardinal Newman, pour vous présenter une conception moderne de l'enfer, en harmonie avec l’Évangile de l'amour inconditionnel de Dieu. Dieu est amour et n'exclut personne. Dans son paradis, il laisse en fin de compte entrer tout le monde, même Hitler, même Dutroux. Dieu ne veut envoyer aucun de ses enfants, même les pires, en enfer. Mais voici quelqu'un qui durant toute sa vie n'a jamais voulu Dieu, l'a rejeté, voire détesté, quelqu'un qui n'a jamais prié ou voulu mettre les pieds à l'église. Et voici que pour cet homme, son éternité sera d'être avec Celui qu'il a tant haï, d'être embrassé d'amour par celui qu'il a tant rejeté. Son ciel ne sera-t-il pas une terrible souffrance ? Le feu de l'enfer n'est-il pas au fond celui de l'amour de Dieu, joie indicible pour ceux qui ont aimé Dieu, mais souffrance pour ceux qui n'auront jamais voulu de Dieu ? C'est ici toute la question de l'athéisme pratique. A Fatima, la Vierge s'est adressée en une année 1917, où le communisme athée prenait le pouvoir en Russie, et elle a voulu lancer un appel pour que nous comprenions bien le drame de l'athéisme de notre époque. Je parle d'athéisme pratique, car il y a en effet des agnostiques ou des athées, qui pourtant cherchent et aspirent à Dieu, et pour eux sans doute leur entrée dans la lumière éternelle leur réservera une délicieuse surprise, surtout s'ils ont vécu dans l'amour. Pensons à la parabole du jugement dernier ; Ce que vous aurez fait aux plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'aurez fait.
Ensuite, une autre caractéristique de notre époque, qui explique l'angoisse de Marie pour le salut de ses enfants, c'est le matérialisme ambiant. Quel sera le sort de ceux qui ont vécu toute leur vie, dans ce matérialisme, lorsqu'ils seront dans un état où seules les réalités spirituelles auront cours ?
Voilà quelques considérations qui nous permettront, je l'espère, de mieux comprendre les messages mariaux, sans nécessairement prendre à la lettre toutes les images qui les revêtent.

Et les châtiments d'ici-bas ?

Il y a deux ans, j'écrivais déjà sur ce blog : « Ces prophéties de châtiment ne sont jamais rien d'autre que des appels à la pénitence et la conversion. Du reste, nous ne devons pas voir en Dieu quelqu'un qui se met capricieusement en colère et qui se met à frapper ses enfants, comme le fait un père de la terre. Les châtiments sont toujours des conséquences logiques des comportements aberrants de l'humanité. C'est évident par exemple dans le cas des guerres, provoquées par la folie et l'orgueil humain. Mais chacune de nos fautes personnelles contribue au mal général. Comme le disait Élisabeth Leseur, toute âme qui s'élève, élève le monde. Mais le contraire est vrai aussi! ». Il y a quelques mois, je discutais avec des lycéens sur la crise climatique et écologique. C'est tout à fait d'actualité. Ces jeunes étaient catastrophés par ce qui nous attend. Personnellement je ne suis pas aussi alarmiste, mais c'est hors de propos. Quoi qu'il en soit, si le catastrophisme climatique dominant aujourd'hui est vrai, il faut bien rappeler que le gaspillage, le consumérisme et le libéralisme capitaliste de nos générations est quand même la cause de tout ce qui inquiète beaucoup de nos contemporains. En ce sens, pourquoi ne pas parler d'un châtiment ? Encore une fois, ce n'est pas Dieu qui s'amuse à nous punir, c'est l'attitude de l'homme qui entraîne pour lui des conséquences désastreuses.


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