Quelques
réflexions sur les jeunes d'aujourd'hui
Sur
le thème de la foi, la vocation et les jeunes, je voudrais vous
proposer quelques réflexions et pensées qui me tiennent à cœur.
Elles ne sont pas exhaustives mais mettent en lumière quelques
aspects importants de la situation actuelle.
Fécondité
et vocations
Le
signe de la présence du Saint-Esprit dans une personne, une
communauté ou une institution, c'est la fécondité. La troisième
personne de la Sainte Trinité est en effet l'éternelle fécondité
en Dieu. A l'origine, l'Esprit planait sur les eaux pour féconder la
création. Par exemple, si une communauté religieuse a des vocations
et si de nombreux jeunes la rejoignent, c'est bien parce que cette
communauté est féconde et que l'Esprit l'anime. Par contre une
communauté moribonde où depuis des années il n'y a plus aucune
entrée est probablement une communauté sans avenir et d'où
l'Esprit semble être sorti. Toutefois pour ces communautés,
l'avenir reste inconnu et une résurrection est toujours possible. On
a ainsi vu que l'arrivée d'un nouveau supérieur dans une communauté
qui semblait morte, un supérieur rempli de l'Esprit, amenait à
nouveau des vocations. On peut ici penser à la prophétie des
ossements desséchés qui reprennent vie, que nous trouvons dans le
prophète Ézéchiel : Alors il me dit : « Fils
d'homme, ces ossements pourront-ils revivre ? » Je
répondis : « Seigneur, c'est toi qui le sais ». Il
me dit : Prophétise sur ces ossements, tu leur diras :
Ossements desséchés, écoutez la Parole du Seigneur! Voici ce que
dit le Seigneur à ces ossements : Je vais faire qu'un esprit
entre en vous, et vous vivrez (Ez.
37, 3-5). Mais la règle générale est bien celle-là :
là où demeure l'Esprit, il y a fécondité, il y a vie. De même si
dans une paroisse naissent des vocations à la vie sacerdotale ou
religieuse, c'est le signe que cette paroisse est bien vivante.
Se
mettre à l'écoute des jeunes
Dans
sa Règle, pleine de sagesse, saint Benoît dit que pour gouverner au
jour le jour sa communauté, l'abbé doit s'entourer d'un conseil
d'anciens, pour bénéficier de leur expérience et de leur sagesse.
Mais quand on réunit le chapitre, au cours duquel tous les moines
peuvent s'exprimer, afin de prendre une décision importante, par
exemple une orientation fondamentale pour l'avenir, il faut écouter
de manière particulière ce que les plus jeunes disent, car l'Esprit
parle par leur bouche, comme on peut le voir dans l'histoire de
Daniel : Pendant qu'on conduisait Suzanne au supplice, Dieu
éveilla l'esprit saint d'une jeune garçon nommé Daniel, et d'une
voix forte il cria : « Je suis innocent du sang de cette
femme ! » (Daniel,
13, 45-46). Nous devons donc écouter avec un esprit surnaturel ce
que les jeunes ont à nous dire et en tenir compte, car Dieu nous
parle par eux. Il faut aussi le discernement de la sagesse des
anciens mais ce discernement ne doit pas étouffer les intuitions des
plus jeunes, il faut seulement parfois en modérer l'ardeur. Ainsi se
réalisera dans l’Église un juste équilibre entre les
générations.
Nos
devoirs envers les jeunes
Quel
est le devoir envers les jeunes pour construire l'avenir de
l’Église ? En particulier que doivent faire les prêtres ?
Je vois deux choses fondamentales et de la plus haute importance. La
première est celle de la catéchèse. Il faut donner aux jeunes le
pain nourrissant d'une bonne formation doctrinale. Elle doit être
simple et parfaitement conforme aux enseignements de l’Église, non
seulement en ce qui concerne la foi mais aussi en ce qui concerne la
morale. Les jeunes ont besoin de points de repère précis et, plus
qu'on ne le croit, leur esprit est ouvert à un enseignement
authentique. Il faut aussi les initier à la prière personnelle pour
qu'ils découvrent l'essentiel, c'est-à-dire une relation d'amitié
personnelle, une relation d'intimité avec le Christ, qui les portera
pendant toute leur vie. Une deuxième chose est le soin à apporter à
la liturgie. Il faut développer dans les âmes des jeunes le sens du
sacré, de la louange et de l'adoration et l'importance du silence
intérieur. Il faut éviter le piège de la recherche des émotions
factices et de la sentimentalité, piège dans lequel on tombe
facilement dans la pastorale des jeunes. Le rosaire ou l'adoration
silencieuse du Saint-Sacrement trouveront aussi leur place dans cet
effort. Il faut que les jeunes découvrent toute la beauté de
l'authentique tradition liturgique de l’Église et aussi, comme le
dit un livre du cardinal Sarah, toute la force du silence. Car aussi
bien la prière que la parole forte ne peuvent jaillir que d'un
véritable silence intérieur. On peut aussi signaler que bien
souvent l'existence dans une paroisse d'un groupe vivant de servants
d'autel favorise l'éclosion de vocations à la vie sacerdotale, car
un tel groupe, s'il est bien encadré, génère chez certains
acolytes un grand amour de l'eucharistie, qui peut conduire à
entendre l'appel du Seigneur.
Les
jeunes et leur évolution spirituelle
Les
jeunes ont spontanément besoin d'un grand idéal et il est plus
facile à leur âge d'être fervent que lorsque les années font
sentir leur poids et que la routine de l'existence rend la fidélité
aux idéaux de la jeunesse plus difficile et plus exigeante. Par
contre, par leur manque d'expérience des difficultés de la vie, les
jeunes sont parfois portés à être plus catégoriques et à manquer
de miséricorde. Cela doit venir avec l'âge. Lorsqu'on a pu faire
l'expérience de la misère humaine, on devient plus miséricordieux.
Cette entrée progressive dans une attitude de miséricorde est une
tendance évidente d'une évolution spirituelle authentique. Le
contraire serait un très mauvais signe. Le poète canadien Alden
Nowlan a écrit ceci : Le jour où l'enfant se rend compte
que tous les adultes ont des défauts, il devient adolescent. Le jour
où il pardonne, il devient adulte. Le jour où il se pardonne à
lui-même, il devient un sage. Dans le même ordre d'idées, il
faut savoir que l'évolution normale d'une vie spirituelle est de
passer d'une spiritualité active à une spiritualité de la
passivité. Quand on est jeune, on fait des choses pour Dieu, mais
quand on est entré dans l'âge mûr, et plus encore dans la
vieillesse, on se laisse faire par Dieu, tellement on a conscience de
son impuissance radicale. Tôt ou tard dans la vie, on doit faire
l'expérience d'un basculement en Dieu et prendre conscience de sa
pauvreté humaine. Il faut alors s'abandonner et laisser Dieu faire
lui-même ce que nous ne pouvons plus faire par nous-mêmes. Mais les
jeunes à leur âge sont ignorants de cette crise du milieu de la
vie. Il est donc nécessaire que ceux qui font de l'accompagnement
spirituel des jeunes tiennent compte de leur âge spirituel et ne
leur parlent pas encore de ce qu'ils ne pourraient pas encore
comprendre. Dans le cas des jeunes, il faut encourager leur
générosité naturelle et ne jamais oublier qu'ils en sont encore au
stade actif de la vie spirituelle et au début de leur évolution
spirituelle.
Obstacles
contemporains
De
nos jours, la voix intérieure de Dieu dans la conscience, est
souvent étouffée par le genre de vie qui est le nôtre, et cela
touche négativement les jeunes. On voit ainsi des enfants qui ont
reçu une bonne éducation à la foi, par exemple pour se préparer à
la première communion ou à la confirmation, et qui dans
l'adolescence se laissent complètement prendre par l'esprit du monde
et abandonnent toute vie de prière et de pratique religieuse. Des
réalités comme le sport, les jeux électroniques, les réseaux
sociaux sur Internet, les téléphones portables monopolisent toute
leur attention et leur énergie. Je me souviens d'avoir été une
fois invité à la table d'une famille amie. Durant tout le repas, le
fils, âgé d'une quinzaine d'années, fut entièrement absorbé par
son téléphone portable et fut ainsi complètement absent de la
conversation. Dans une communauté monastique, dont l'hôtellerie
accueille des retraitants, on a dû récemment interdire au
réfectoire l'usage des téléphones et des tablettes. Il y a là un
véritable problème. Certains sont ainsi en communication
ininterrompue avec le monde entier et ne sont plus capables de faire
attention à leur voisin immédiat. Tout cela s'oppose à une vie de
silence, d'intériorité et de prière. Il faut aussi ajouter que la
civilisation de l'image ainsi que des nouvelles sensationnelles qui
est la nôtre empêche la réflexion profonde. Ne faut-il pas
envisager de véritables périodes de sevrage pour aider nos
contemporains, spécialement les jeunes, à retrouver un équilibre
mental et spirituel ? Une bonne œuvre pour les jeunes serait de
les inciter à faire quelques jours de vraie retraite dans un
monastère ou à participer à des pèlerinages pédestres dans la
nature en direction de l'un ou l'autre sanctuaire ou lieu de
pèlerinage.
Une
chose que l'on remarque de plus en plus dans les jeunes générations,
c'est la grande difficulté à s'engager pour la vie, que ce soit
dans le mariage ou dans la vie sacerdotale ou religieuse. Les jeunes
sont souvent tout à fait capables de générosité ponctuelle, dans
le bénévolat par exemple envers les pauvres ou pour des expériences
fortes comme le pèlerinage à Compostelle. Mais se donner à quelque
chose de grand et pour toujours leur semble au-dessus de leurs
possibilités humaines.
En
guise de conclusion
Quand
on voit la jeunesse d'aujourd'hui, on est frappé par un phénomène
nouveau. Il semblerait que de nos jours il y ait deux types de jeunes
et que le contraste entre la lumière et les ténèbres se soit
accentué : certains jeunes se laissent complètement happés
par les fausses valeurs du monde, tandis que d'autres cherchent les
valeurs spirituelles d'une manière beaucoup plus forte qu'on ne l'a
vu dans le passé, période en laquelle les choses semblaient plus
mêlées. Prions afin que les jeunes qui décident de vivre pour le
Christ, et qui sont ainsi la lumière du monde de demain et l'avenir
de l’Église, puissent être des témoins de l’Évangile pour
ceux de leur génération qui sont encore loin de Dieu.
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