mercredi 7 septembre 2016

La place de Marie dans la liturgie, article paru dans la revue catholique russe Radouga

Sobriété liturgique latine

La liturgie latine se caractérise par sa sobriété. On ne s’étonnera donc pas qu’un premier coup d’œil nous pousse à admettre que la place de la Mère de Dieu n’est pas très grande dans la liturgie latine, à la différence de la liturgie byzantine où nous avons un foisonnement de tropaires mariaux qui s’intercalent dans l’ensemble des pièces de l’office, et qui célèbrent à l’envi le mystère et la gloire de la Theotokos, la Mère de Dieu. Cependant nous allons regarder les choses de plus près et en retirer tous les enseignements possibles.


Marie dans l’eucharistie

Dans la cadre de la messe, la mention de la Vierge apparaît dans la préparation pénitentielle. Elle est celle qui intercède pour le pardon de nos péchés : C’est pourquoi je supplie la Vierge Marie, les anges et tous les saints et vous aussi, mes frères, de prier pour moi le Seigneur, notre Dieu.
La seconde et dernière mention de la Mère de Dieu dans le commun de la messe se trouve dans la prière eucharistique, l’anaphore. Il s’agit du passage au cours duquel on commémore l’Eglise du ciel. Le canon romain l’exprime ainsi : Dans la communion de toute l’Eglise, nous voulons nommer en premier lieu la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ. Citons aussi la troisième prière eucharistique : Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour les biens du monde à venir auprès de la le Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu. Il y a trois choses à relever dans la manière dont s’exprime l’Eglise dans sa liturgie, qui est un organe privilégié de son magistère ordinaire universel. D’abord il existe une communion totale et profonde entre le ciel et la terre, notamment dans l’eucharistie. La Sainte Vierge est donc présente dans notre vie. Elle est la Mère de l’Eglise, elle contribue par son intercession à la formation du corps mystique de Jésus-Christ. Ensuite, nous vivons dans l’espérance magnifique de la rejoindre un jour au ciel et de partager la gloire des saints. Enfin, comme le dit le canon romain à la fin de la commémoraison de l’Eglise céleste, nous recourons à sa prière et à ses mérites pour être, toujours et partout, forts du secours et de la protection de Dieu. Si ces références liturgiques sont peu nombreuses et particulièrement sobres, néanmoins elles expriment des vérités de la foi de la manière la plus claire. Marie est la Mère de Dieu, elle est toujours vierge, elle vit dans la gloire céleste, elle nous y précède et nous y attend. Enfin elle travaille à notre salut, en intercédant pour nous, en nous protégeant, en nous entourant de sa maternelle sollicitude. Elle obtient par sa prière le pardon de nos fautes et toutes les grâces dont nous avons besoin dans notre pèlerinage d’ici-bas.

Marie dans l’office divin


L’office divin de la liturgie des heures est encore plus dépouillé de référence mariale. Mais il se conclut toujours par l’antienne mariale de la fin des complies, dont la plus célèbre est le Salve Regina. Celle-ci est cependant d’une richesse exceptionnelle. C’est en s’inspirant de cette antienne que saint Alphonse-Marie de Ligori a composé son livre célèbre, intitulé les Gloires de Marie. Cette antienne est probablement l’œuvre du plus grand savant du XIème siècle, Hermann le paralysé, moine à la Reichenau. Le Salve Regina est un chant à la toute-puissance d’intercession de Notre-Dame. Elle est à la fois Reine et Mère, plus Mère que Reine du reste, comme le dit si bien sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Nous avons une confiance totale en l’intercession de Marie. D'une part elle nous aime comme la meilleure des mères. Comme le dit le curé d’Ars, tous les cœurs des mères de la terre réunis sont un morceau de glace face au cœur de Marie. D'autre part, elle obtient tout ce qu’elle veut du cœur de Jésus, son intercession est infaillible. Un enfant de Marie ne peut périr. Le chant du Salve Regina à la fin de l’office est donc une invitation que l’Eglise nous fait en conclusion de l’office à invoquer dans notre prière personnelle la Vierge Marie, à nous confier à son secours perpétuel. La liturgie si sobre comme nous l’avons dit plus haut se fait ainsi source de la piété mariale dans toute notre existence.

Le rosaire


Le pape Jean XXIII disait le rosaire en entier chaque jour et il a élevé la rosaire à la dignité d’une prière liturgique. Il est en effet constitué de deux prières liturgiques, la prière même du Seigneur, et l’ave maria, qui est à l’origine une antienne d’offertoire d’une messe de l’avent. En outre les mystères que nous méditons dans le rosaire sont comme un condensé de l’année liturgique et cette méditation nous fait revivre intérieurement la grâce d’une série de fêtes, qui vont de l’annonciation à l’assomption, en passant par la semaine sainte et Pâques. Le rosaire est ainsi une excellente préparation à nos eucharisties, car la messe rend présent parmi nous la plénitude des mystères salvifiques du Christ.

Le mystère du Samedi-Saint

Chaque samedi de l’année est particulièrement dédié à la mémoire de la Vierge. Pourquoi le samedi ? Probablement, parce que le Samedi-Saint, Marie fut à elle seule l’Eglise entière. Elle fut la seule à garder la foi de l’Eglise, alors que les ténèbres recouvraient la surface de la terre. Dans les périodes de grande crise de l’Eglise, seuls ceux qui s’abritent sous le manteau de Marie, peuvent persévérer dans la foi jusqu’au jour de la résurrection. La mémoire de la Vierge le samedi nous prépare ainsi à célébrer le Christ ressuscité le dimanche.

L’année liturgique

Il y a chaque année un grand nombre de fêtes mariales dans le calendrier liturgique. En outre certaines fêtes du Seigneur ont une connotation mariale évidente, comme Noël, l’annonciation ou la présentation du Seigneur au Temple. Le temps de l’avent est marial dans beaucoup de ses aspects : nous contemplons la vierge qui deviendra Mère de Dieu, mère de l’Emmanuel. Nous nous unissons à sa foi et à son attente de la naissance du Sauveur. Le mois de mai est le mois de Marie. Il se célèbre dans le contexte pascal et c’est à la joie de Marie de contempler le Christ ressuscité que nous nous unissons, dans l’attente de la venue du Saint-Esprit.
Il y a trois solennités majeures de la Vierge Marie dans l’année liturgique. La première est la solennité de Marie, Mère de Dieu, le 1er janvier. Mère de Dieu est le titre fondamental de la Vierge marie. Tous ses autres privilèges (immaculée conception, virginité perpétuelle, assomption, médiation universelle) découlent de cette vérité première : elle est la Mère de Dieu. Cette doctrine de la maternité divine de Marie a été définie au concile d’Ephèse en 431. Marie est dans le temps la mère de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, de même que le Père engendre le Fils dans l’éternité. Marie n’est pas à l’origine de la divinité du Christ. C’est Dieu dans son éternité qui donne à son Fils sa nature divine. Mais dans le temps, Marie a donné la vie à l’homme-Dieu. Elle est réellement la mère d’une personne qui est divine.
La seconde fête est celle de l’assomption. C’est un dogme de foi définie que la Bienheureuse Vierge Marie est dans la gloire céleste, avec son corps et son âme. Dans cette solennité du 15 août, nous contemplons la gloire de celle qui est le modèle de l’Eglise et nous méditons sur notre propre destinée glorieuse. Si l’immaculée est morte, ce que la liturgie incline à croire, sa mort n’est pas chez elle le châtiment du péché et son corps n’a pas connu la corruption du tombeau. Dans sa gloire, la Vierge intercède auprès de son Fils jusqu’à ce que le dernier de ses enfants soit sauvé par le sacrifice de son premier-né.
Enfin, il y a l’immaculée conception le 8 décembre. Marie est la pleine de grâce. Le péché originel ne l’a pas effleuré. Cette solennité nous invite à chercher nous aussi la sainteté. La mère de Dieu a été rachetée par la passion de son Fils de la façon la plus parfaite, car elle ne fut pas seulement purifiée, mais préservée du péché, même originel.
Citons quelques autres fêtes mariales qui rythment l’année liturgique. Le 8 septembre, la nativité de la sainte Vierge célèbre cette naissance comme l’aurore du salut, l’aurore qui annonce la pleine lumière du jour, qui est le Christ. Marie est, comme le chante une antienne, cause de joie pour l’univers entier. Le 21 novembre, la présentation de Marie au temple commémore la consécration totale que Marie fit d’elle-même à Dieu, à l’aube de sa vie consciente. Cette fête nous invite surtout à imiter Marie, en qui Dieu était présent par sa grâce, et qui, attentive à cette présence, n’avait d’autre souci que de s’en rendre digne. C’est un jour privilégié pour célébrer des professions religieuses, car Marie est le modèle des âmes consacrées. Le 15 septembre, Notre-Dame des douleurs : Marie aux pieds de la Croix est la corédemptrice. Elle a uni ses larmes aux souffrances de Jésus pour le salut du monde. Elle est notre modèle dans la souffrance.
Il y a aussi des mémoires de la mère de Dieu liées à des apparitions mariales, comme Notre-dame de Lourdes, le 11 février, ou Notre-Dame de Fatima, le 13 mai. Des fêtes, comme Marie Reine, le 22 août, la Visitation, le 31 mai, le Cœur immaculé de marie, le lendemain de la solennité du Sacré-Cœur, Notre-Dame du rosaire, le 7 octobre, célèbrent des mystères de la vie de Marie, des aspects de sa gloire actuelle ou la puissance de son intercession. Enfin dans les diocèses ou dans les ordres religieux, un grand nombre de fêtes célèbrent divers titres de la Vierge et entretiennent la dévotion des fidèles.

Conclusion


Sobre au départ la liturgie latine s’est ainsi développée au cours des siècles, au fur et à mesure que grandissait la dévotion à la Mère de Dieu. Tout s’est fait harmonieusement, en restant centré sur tout le mystère de cette femme, qui est bénie entre toutes les femmes, et qui elle-même a chanté dans son magnificat : Tous les âges me diront bienheureuse. Que son saint nom soit béni à jamais !




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