Sobriété liturgique latine
La liturgie latine se caractérise par sa
sobriété. On ne s’étonnera donc pas qu’un premier coup d’œil
nous pousse à admettre que la place de la Mère de Dieu n’est pas
très grande dans la liturgie latine, à la différence de la
liturgie byzantine où nous avons un foisonnement de tropaires
mariaux qui s’intercalent dans l’ensemble des pièces de
l’office, et qui célèbrent à l’envi le mystère et la gloire
de la Theotokos, la Mère de Dieu. Cependant nous allons regarder les
choses de plus près et en retirer tous les enseignements possibles.
Marie dans l’eucharistie
Dans
la cadre de la messe, la mention de la Vierge apparaît dans la
préparation pénitentielle. Elle est celle qui intercède pour le
pardon de nos péchés : C’est
pourquoi je supplie la Vierge Marie, les anges et tous les saints et
vous aussi, mes frères, de prier pour moi le Seigneur, notre Dieu.
La
seconde et dernière mention de la Mère de Dieu dans le commun de la
messe se trouve dans la prière eucharistique, l’anaphore. Il
s’agit du passage au cours duquel on commémore l’Eglise du ciel.
Le canon romain l’exprime ainsi : Dans
la communion de toute l’Eglise, nous voulons nommer en premier lieu
la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et
Seigneur Jésus-Christ. Citons aussi la
troisième prière eucharistique : Que
l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire,
pour que nous obtenions un jour les biens du monde à venir auprès
de la le Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu.
Il y a trois choses à relever dans la manière dont s’exprime
l’Eglise dans sa liturgie, qui est un organe privilégié de son
magistère ordinaire universel. D’abord il existe une communion
totale et profonde entre le ciel et la terre, notamment dans
l’eucharistie. La Sainte Vierge est donc présente dans notre vie.
Elle est la Mère de l’Eglise, elle contribue par son intercession
à la formation du corps mystique de Jésus-Christ. Ensuite, nous
vivons dans l’espérance magnifique de la rejoindre un jour au ciel
et de partager la gloire des saints. Enfin, comme le dit le canon
romain à la fin de la commémoraison de l’Eglise céleste, nous
recourons à sa prière et à ses mérites pour être, toujours et
partout, forts du secours et de la protection de Dieu. Si ces
références liturgiques sont peu nombreuses et particulièrement
sobres, néanmoins elles expriment des vérités de la foi de la
manière la plus claire. Marie est la Mère de Dieu, elle est
toujours vierge, elle vit dans la gloire céleste, elle nous y
précède et nous y attend. Enfin elle travaille à notre salut, en
intercédant pour nous, en nous protégeant, en nous entourant de sa
maternelle sollicitude. Elle obtient par sa prière le pardon de nos
fautes et toutes les grâces dont nous avons besoin dans notre
pèlerinage d’ici-bas.
Marie dans l’office divin
L’office
divin de la liturgie des heures est encore plus dépouillé de
référence mariale. Mais il se conclut toujours par l’antienne
mariale de la fin des complies, dont la plus célèbre est le Salve
Regina. Celle-ci est cependant d’une
richesse exceptionnelle. C’est en s’inspirant de cette antienne
que saint Alphonse-Marie de Ligori a composé son livre célèbre,
intitulé les Gloires de Marie. Cette antienne est probablement
l’œuvre du plus grand savant du XIème siècle, Hermann le
paralysé, moine à la Reichenau. Le Salve Regina est un chant à la
toute-puissance d’intercession de Notre-Dame. Elle est à la fois
Reine et Mère, plus Mère que Reine du reste, comme le dit si bien
sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Nous avons une confiance
totale en l’intercession de Marie. D'une part elle nous aime
comme la meilleure des mères. Comme le dit le curé d’Ars, tous
les cœurs des mères de la terre réunis sont un morceau de glace
face au cœur de Marie. D'autre part, elle obtient tout ce qu’elle
veut du cœur de Jésus, son intercession est infaillible. Un enfant
de Marie ne peut périr. Le chant du Salve Regina à la fin de
l’office est donc une invitation que l’Eglise nous fait en
conclusion de l’office à invoquer dans notre prière personnelle
la Vierge Marie, à nous confier à son secours perpétuel. La
liturgie si sobre comme nous l’avons dit plus haut se fait ainsi
source de la piété mariale dans toute notre existence.
Le rosaire
Le pape Jean XXIII disait le rosaire en entier
chaque jour et il a élevé la rosaire à la dignité d’une prière
liturgique. Il est en effet constitué de deux prières liturgiques,
la prière même du Seigneur, et l’ave maria, qui est à l’origine
une antienne d’offertoire d’une messe de l’avent. En outre les
mystères que nous méditons dans le rosaire sont comme un condensé
de l’année liturgique et cette méditation nous fait revivre
intérieurement la grâce d’une série de fêtes, qui vont de
l’annonciation à l’assomption, en passant par la semaine sainte
et Pâques. Le rosaire est ainsi une excellente préparation à nos
eucharisties, car la messe rend présent parmi nous la plénitude des
mystères salvifiques du Christ.
Le mystère du Samedi-Saint
Chaque samedi de l’année est particulièrement
dédié à la mémoire de la Vierge. Pourquoi le samedi ?
Probablement, parce que le Samedi-Saint, Marie fut à elle seule
l’Eglise entière. Elle fut la seule à garder la foi de l’Eglise,
alors que les ténèbres recouvraient la surface de la terre. Dans
les périodes de grande crise de l’Eglise, seuls ceux qui
s’abritent sous le manteau de Marie, peuvent persévérer dans la
foi jusqu’au jour de la résurrection. La mémoire de la Vierge le
samedi nous prépare ainsi à célébrer le Christ ressuscité le
dimanche.
L’année liturgique
Il y a chaque année un grand nombre de fêtes
mariales dans le calendrier liturgique. En outre certaines fêtes du
Seigneur ont une connotation mariale évidente, comme Noël,
l’annonciation ou la présentation du Seigneur au Temple. Le temps
de l’avent est marial dans beaucoup de ses aspects : nous
contemplons la vierge qui deviendra Mère de Dieu, mère de
l’Emmanuel. Nous nous unissons à sa foi et à son attente de la
naissance du Sauveur. Le mois de mai est le mois de Marie. Il se
célèbre dans le contexte pascal et c’est à la joie de Marie de
contempler le Christ ressuscité que nous nous unissons, dans
l’attente de la venue du Saint-Esprit.
Il
y a trois solennités majeures de la Vierge Marie dans l’année
liturgique. La première est la solennité de Marie, Mère de Dieu,
le 1er
janvier. Mère de Dieu est le titre fondamental de la Vierge marie.
Tous ses autres privilèges (immaculée conception, virginité
perpétuelle, assomption, médiation universelle) découlent de cette
vérité première : elle est la Mère de Dieu. Cette doctrine
de la maternité divine de Marie a été définie au concile d’Ephèse
en 431. Marie est dans le temps la mère de Jésus, vrai Dieu et vrai
homme, de même que le Père engendre le Fils dans l’éternité.
Marie n’est pas à l’origine de la divinité du Christ. C’est
Dieu dans son éternité qui donne à son Fils sa nature divine. Mais
dans le temps, Marie a donné la vie à l’homme-Dieu. Elle est
réellement la mère d’une personne qui est divine.
La seconde fête est celle de l’assomption.
C’est un dogme de foi définie que la Bienheureuse Vierge Marie est
dans la gloire céleste, avec son corps et son âme. Dans cette
solennité du 15 août, nous contemplons la gloire de celle qui est
le modèle de l’Eglise et nous méditons sur notre propre destinée
glorieuse. Si l’immaculée est morte, ce que la liturgie incline à
croire, sa mort n’est pas chez elle le châtiment du péché et son
corps n’a pas connu la corruption du tombeau. Dans sa gloire, la
Vierge intercède auprès de son Fils jusqu’à ce que le dernier de
ses enfants soit sauvé par le sacrifice de son premier-né.
Enfin, il y a l’immaculée
conception le 8 décembre. Marie est la pleine de grâce. Le péché
originel ne l’a pas effleuré. Cette solennité nous invite à
chercher nous aussi la sainteté. La mère de Dieu a été rachetée
par la passion de son Fils de la façon la plus parfaite, car elle ne
fut pas seulement purifiée, mais préservée du péché, même
originel.
Citons quelques autres fêtes
mariales qui rythment l’année liturgique. Le 8 septembre, la
nativité de la sainte Vierge célèbre cette naissance comme
l’aurore du salut, l’aurore qui annonce la pleine lumière du
jour, qui est le Christ. Marie est, comme le chante une antienne,
cause de joie pour l’univers entier. Le 21 novembre, la
présentation de Marie au temple commémore la consécration totale
que Marie fit d’elle-même à Dieu, à l’aube de sa vie
consciente. Cette fête nous invite surtout à imiter Marie, en qui
Dieu était présent par sa grâce, et qui, attentive à cette
présence, n’avait d’autre souci que de s’en rendre digne.
C’est un jour privilégié pour célébrer des professions
religieuses, car Marie est le modèle des âmes consacrées. Le 15
septembre, Notre-Dame des douleurs : Marie aux pieds de la Croix
est la corédemptrice. Elle a uni ses larmes aux souffrances de Jésus
pour le salut du monde. Elle est notre modèle dans la souffrance.
Il y a aussi des mémoires de la
mère de Dieu liées à des apparitions mariales, comme Notre-dame de
Lourdes, le 11 février, ou Notre-Dame de Fatima, le 13 mai. Des
fêtes, comme Marie Reine, le 22 août, la Visitation, le 31 mai, le
Cœur immaculé de marie, le lendemain de la solennité du
Sacré-Cœur, Notre-Dame du rosaire, le 7 octobre, célèbrent des
mystères de la vie de Marie, des aspects de sa gloire actuelle ou la
puissance de son intercession. Enfin dans les diocèses ou dans les
ordres religieux, un grand nombre de fêtes célèbrent divers
titres de la Vierge et entretiennent la dévotion des fidèles.
Conclusion
Sobre
au départ la liturgie latine s’est ainsi développée au cours des
siècles, au fur et à mesure que grandissait la dévotion à la Mère
de Dieu. Tout s’est fait harmonieusement, en restant centré sur
tout le mystère de cette femme, qui est bénie entre toutes les
femmes, et qui elle-même a chanté dans son magnificat : Tous
les âges me diront bienheureuse. Que
son saint nom soit béni à jamais !
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