La
problématique de la participation des laïcs dans la liturgie est
apparue au vingtième siècle. Le problème ne semble pas s’être
vraiment posé auparavant, peut-être parce que les choses allaient
de soi. Notons toutefois l’ouvrage célèbre de dom
Guéranger: L’Année
liturgique,
au dix-neuvième siècle. Ce livre formait déjà les fidèles à une
véritable spiritualité liturgique. Donc il y avait déjà des
catholiques vivant au rythme de l’année liturgique, avant que
n’apparaisse le mouvement liturgique. Notre époque a vu la
naissance dans l’Eglise de divers mouvements, tous signes de la
présence de l’Esprit saint en elle : mouvement biblique,
mouvement liturgique, mouvement patristique, mouvement marial etc. Le
mouvement liturgique est né dans divers pays plus ou moins au même
moment. Ainsi en Belgique, avec le congrès de Malines, en 1909, fut
créé par un bénédictin, dom Lambert Beauduin, le mouvement
liturgique belge. Beaucoup de curés, soucieux de faire participer
leurs paroissiens de manière active à la messe du dimanche, ont
adhéré à ce mouvement.
Un
des fruits de ce mouvement et de toutes les études qu’il a
suscitées fut la réforme liturgique. Elle commença sous le pape
Pie XII (1939-1958). Il y eut la réforme du triduum pascal,
l’adoucissement du jeûne eucharistique, pour permettre à
davantage de fidèles de communier, l’instauration des messes du
soir, pour que les gens qui travaillaient puissent plus facilement
participer à la messe. Dans certains pays, on concéda d’utiliser
la langue vernaculaire dans la célébration des sacrements. La messe
restait en latin, mais on commença à lire aussi l’épître et
l’évangile, dans la langue du pays et des lectionnaires officiels
furent approuvés. On se mit aussi à chanter dans la langue
vernaculaire durant la messe.
Le
concile Vatican II (1962-1965) décida que le latin resterait la
langue liturgique pour la messe, mais permit en même temps un plus
large emploi de la langue du peuple, dans la célébration. On fit
ainsi la traduction des oraisons et de certaines parties du commun de
la messe. On commença à chanter dans la langue du peuple le gloria,
le credo, le sanctus, l’agnus Dei. La messe dialoguée entre le
célébrant et l’assemblée devint la règle. Enfin, en 1969, avec
le nouvel ordo missae de Paul VI (1963-1978), on connut une messe
intégralement dans la langue du pays. L’Eglise demanda cependant
que l’on continue à savoir chanter en latin le kyriale, par
exemple pour que la foule puisse chanter lors de messes
internationales, à Rome ou lors de pèlerinages. Mais cette option
prouve justement que le but recherché était de permettre la
participation active des fidèles lors de ces rassemblements.
Aujourd’hui
De
nos jours, la situation la plus générale est la suivante. Les
fidèles participent à la messe, dans le cadre d’une liturgie
intégralement dans une langue qu’ils comprennent. Ils dialoguent
avec le célébrant, écoutent les lectures, qu’on leur explique
ensuite dans l’homélie. Ils chantent le plus souvent avec la
chorale des chants qui ne sont pas trop difficiles à mémoriser. De
plus en plus le répertoire de chants en langue vernaculaire
s’agrandit et de plus en plus est d’inspiration biblique.
La
situation est donc propre à faciliter une participation active et
intelligente à la liturgie, comme le concile Vatican II l’avait
souhaité. Dans l’Eglise post-conciliaire, certaines choses n’ont
pas changé car elles ne peuvent pas changer par nature. Ainsi la
doctrine de l’Eglise est toujours la même. La conception de
l’eucharistie est inchangée dans sa nature profonde, comme l’avait
rappelé l’encyclique Mysterium
Fidei,
du pape Paul VI (1967). Ce qui par contre a évolué ce sont les
options pastorales. L’Eglise par sa réforme liturgique a tenté de
rejoindre l’homme d’aujourd’hui pour qu’il puisse profiter au
mieux des richesses de la vie liturgique. Nous allons dès lors
examiner maintenant comment vivre dans le concret cette participation
active et intelligente des laïcs dans la liturgie. La réforme
liturgique a fait l’objet de débats passionnés. Certains la
trouvant trop timides ont pris des initiatives sauvages, qui ont
scandalisé les fidèles. D’autres ont refusé d’évoluer et ont
maintenu la liturgie tridentine et l’Eglise leur a concédé de le
faire. Nous allons nous contenter ici de voir dans le cas normal
d’une messe selon le nouveau missel, célébrée correctement,
comment on peut participer à la liturgie de manière à en obtenir
tous les fruits spirituels.
Principes
essentiels
Il
faut d’abord rappeler deux principes de théologie liturgique. Le
premier est que l’eucharistie n’est pas la célébration du
prêtre, à laquelle les fidèles assisteraient en spectateurs et en
bénéficiaires passifs. C’est toute la communauté qui célèbre,
ou pour dire les choses autrement, l’assemblée des fidèles
concélèbre avec le prêtre. Mais chacun y participe à sa place. Le
prêtre est investi du sacerdoce ministériel. Il agit in
persona Christi(à
la place du Christ), il représente le Christ qui préside
l’eucharistie. Le vrai célébrant est en effet le Christ,
grand-prêtre et médiateur entre Dieu et les hommes. Par leur
baptême, les fidèles sont eux porteurs du sacerdoce commun des
baptisés. Ils sont donc prêtres, mais pas au sens du sacerdoce
ministériel.
Le
second principe est que la messe rend présent le mystère pascal,
mort et résurrection de Jésus-Christ. Le Christ, et toute l’Eglise
avec lui, offre au Père les mérites infinis de sa mort sur la
Croix. L’eucharistie est donc un sacrifice que nous offrons à
Dieu, tous ensemble, et auquel nous participons par la communion.
Je
fais à cette occasion une remarque sur la place du prêtre par
rapport aux fidèles. Dans la liturgie byzantine ou dans la liturgie
tridentine, il est dos à l’assemblée, tourné vers l’autel et
vers la Croix. Dans la messe de Paul VI, il est tourné vers les
fidèles qui le voient face à face. Les deux positions ont leur sens
toutes les deux. Dans le premier cas, le prêtre est à la tête de
l’Eglise, tout le monde est tourné vers Dieu. Le prêtre
représente ainsi le Christ, médiateur, qui porte vers le Père
toute la prière de l’Eglise. Dans l’autre situation, c’est un
autre aspect qui est mis en valeur. La liturgie nous apparaît comme
un dialogue entre le Christ et son épouse, l’Eglise. La dimension
sacrificielle n’est pas oubliée, mais le sacrifice est célébré
sous sa dimension de repas fraternel.
Les
lectures
Une
des choses les plus remarquables de la réforme liturgique est la
création d’un nouveau lectionnaire, réparti sur trois ans, en ce
qui concerne les lectures du dimanche, et sur deux ans, pour les
lectures de la semaine. Ainsi les richesses de la parole de Dieu sont
offertes à tous et les croyants peuvent ainsi avoir une connaissance
globale de la Sainte Ecriture. La première lecture est suivie d’un
psaume, qui donne une interprétation priante de ce qui a été
proclamé. Le contact direct avec la parole de Dieu est devenu un
fruit précieux et savoureux de la nouvelle liturgie. Comme l’a dit
saint Jérôme, ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. Notre foi doit être nourrie par la Parole de Dieu, sinon elle
s’étiole et devient insipide. Notre vie spirituelle, comme la
maison bâtie sur le roc dont parle l’Évangile, doit reposer sur
une doctrine solide, une théologie qui tienne la route. Pour
profiter de cette grâce, les fidèles ont intérêt à méditer un
peu ces textes avant de participer à l’eucharistie. Le Seigneur
aura toujours quelque chose à leur dire pour leur vie concrète de
tous les jours. Si ce n’est pas possible, alors qu’ils écoutent
très attentivement les lectures, en ayant un cœur ouvert et en
savourant ce que le Seigneur leur dit dans la liturgie.
Les
temps sacrés de silence
Il
est prévu divers moments de silence, pour favoriser
l’intériorisation de la liturgie. C’est un moment de
participation des laïcs à la prière du prêtre. Chacun participe
intérieurement dans son cœur à la grande prière de l’Eglise. La
prière personnelle est ainsi intégrée à la liturgie
communautaire. Ainsi il y a un temps de silence avant le confiteor,
avant l’oraison du jour, et après la communion. En beaucoup
d’endroits on fait aussi un temps de silence après les lectures ou
après l’homélie. Ces moments sont précieux. La qualité de notre
participation se révèle dans la manière de profiter de ces temps
de silence.
La
messe dialoguée
La
participation active de l’assemblée eucharistique est facilitée
par le fait qu’il y un incessant dialogue entre le prêtre et les
fidèles. Dans les réponses que l’assemblée donne au prêtre
célébrant, c’est toute l’adhésion de l’Eglise, épouse du
Christ, à son Seigneur qui est mise en lumière. La réponse la plus
significative est celle de l’amen, qui conclut les oraisons du
prêtre, et surtout l’amen solennel qui est chanté à la fin de la
prière eucharistique. Cet amen de l’Eglise est un écho de celui
du Christ, qui ne fut qu’un « amen » au Père. Ainsi
participer à la liturgie, c’est surtout un mouvement d’adhésion
totale au mystère du salut, à la volonté du Père.
La
communion
La
plus forte participation au sacrifice eucharistique ne consiste pas
dans des mots mais dans un acte, celui de participer au Corps et au
sang du Seigneur, par la communion. Tout le mystère de l’eucharistie
entre alors en nous, nous devenons un avec le Christ qui s’offre au
Père pour le salut du monde. L’eucharistie devient ainsi la source
d’une vie nouvelle, qui va imprégner notre existence concrète de
tous les jours. Pour les laïcs participer activement à
l’eucharistie consiste, dans leur vie réelle dans le monde, à
imprégner ce dernier des valeurs évangéliques. L’eucharistie est
au centre de leur vie, et leur vie est la véritable préparation et
le couronnement de leur active participation.
Une
parole de saint Paul (Rom 12, 1) résume finalement tout ce que nous
avons tenté de dire dans cet article : Je
vous invite donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à faire de
vos corps une victime vivante, sainte, agréable à Dieu, votre culte
spirituel.
"On ne peut donc pas considérer le Sacrifice eucharistique dans le sens univoque de «concélébration» du prêtre avec le peuple qui est présent. Au contraire, l’Eucharistie célébrée par les prêtres est un don «qui dépasse radicalement le pouvoir de l’assemblée [ ... ]. "
RépondreSupprimer"Il est nécessaire et urgent de tout mettre en œuvre pour écarter toute ambiguïté dans ce domaine, et apporter un remède aux difficultés qui ont surgi ces dernières années. Ainsi, il ne faut employer qu’avec prudence des expressions telles que «communauté célébrante» ou «assemblée célébrante», qui sont traduites dans d’autres langues modernes par «celebrating assembly», «asamblea celebrante», «assemblea celebrante», et d’autres de ce genre."
Instruction "Redemptionis Sacramentum", 2004
Ce commentaire est pertinent. J'ajoute le cas d'un prêtre qui célèbre seul en l'absence d'une assemblée. Toute l'Eglise du ciel et de la terre est présente. le prêtre offre le Saint Sacrifice pour les vivants et pour les morts. Une assemblée sans prêtre ne célèbre pas l'eucharistie. En ce sens il est plus juste de dire que le prêtre célèbre les saints mystères et que les fidèles y assistent.
RépondreSupprimer