samedi 3 septembre 2016

La participation des laïcs dans la liturgie, article paru dans la revue russe Radouga

 La problématique de la participation des laïcs dans la liturgie est apparue au vingtième siècle. Le problème ne semble pas s’être vraiment posé auparavant, peut-être parce que les choses allaient de soi. Notons toutefois l’ouvrage célèbre de dom Guéranger: L’Année liturgique, au dix-neuvième siècle. Ce livre formait déjà les fidèles à une véritable spiritualité liturgique. Donc il y avait déjà des catholiques vivant au rythme de l’année liturgique, avant que n’apparaisse le mouvement liturgique. Notre époque a vu la naissance dans l’Eglise de divers mouvements, tous signes de la présence de l’Esprit saint en elle : mouvement biblique, mouvement liturgique, mouvement patristique, mouvement marial etc. Le mouvement liturgique est né dans divers pays plus ou moins au même moment. Ainsi en Belgique, avec le congrès de Malines, en 1909, fut créé par un bénédictin, dom Lambert Beauduin, le mouvement liturgique belge. Beaucoup de curés, soucieux de faire participer leurs paroissiens de manière active à la messe du dimanche, ont adhéré à ce mouvement.
   Un des fruits de ce mouvement et de toutes les études qu’il a suscitées fut la réforme liturgique. Elle commença sous le pape Pie XII (1939-1958). Il y eut la réforme du triduum pascal, l’adoucissement du jeûne eucharistique, pour permettre à davantage de fidèles de communier, l’instauration des messes du soir, pour que les gens qui travaillaient puissent plus facilement participer à la messe. Dans certains pays, on concéda d’utiliser la langue vernaculaire dans la célébration des sacrements. La messe restait en latin, mais on commença à lire aussi l’épître et l’évangile, dans la langue du pays et des lectionnaires officiels furent approuvés. On se mit aussi à chanter dans la langue vernaculaire durant la messe.
  Le concile Vatican II (1962-1965) décida que le latin resterait la langue liturgique pour la messe, mais permit en même temps un plus large emploi de la langue du peuple, dans la célébration. On fit ainsi la traduction des oraisons et de certaines parties du commun de la messe. On commença à chanter dans la langue du peuple le gloria, le credo, le sanctus, l’agnus Dei. La messe dialoguée entre le célébrant et l’assemblée devint la règle. Enfin, en 1969, avec le nouvel ordo missae de Paul VI (1963-1978), on connut une messe intégralement dans la langue du pays. L’Eglise demanda cependant que l’on continue à savoir chanter en latin le kyriale, par exemple pour que la foule puisse chanter lors de messes internationales, à Rome ou lors de pèlerinages. Mais cette option prouve justement que le but recherché était de permettre la participation active des fidèles lors de ces rassemblements.

Aujourd’hui

  De nos jours, la situation la plus générale est la suivante. Les fidèles participent à la messe, dans le cadre d’une liturgie intégralement dans une langue qu’ils comprennent. Ils dialoguent avec le célébrant, écoutent les lectures, qu’on leur explique ensuite dans l’homélie. Ils chantent le plus souvent avec la chorale des chants qui ne sont pas trop difficiles à mémoriser. De plus en plus le répertoire de chants en langue vernaculaire s’agrandit et de plus en plus est d’inspiration biblique.
  La situation est donc propre à faciliter une participation active et intelligente à la liturgie, comme le concile Vatican II l’avait souhaité. Dans l’Eglise post-conciliaire, certaines choses n’ont pas changé car elles ne peuvent pas changer par nature. Ainsi la doctrine de l’Eglise est toujours la même. La conception de l’eucharistie est inchangée dans sa nature profonde, comme l’avait rappelé l’encyclique Mysterium Fidei, du pape Paul VI (1967). Ce qui par contre a évolué ce sont les options pastorales. L’Eglise par sa réforme liturgique a tenté de rejoindre l’homme d’aujourd’hui pour qu’il puisse profiter au mieux des richesses de la vie liturgique. Nous allons dès lors examiner maintenant comment vivre dans le concret cette participation active et intelligente des laïcs dans la liturgie. La réforme liturgique a fait l’objet de débats passionnés. Certains la trouvant trop timides ont pris des initiatives sauvages, qui ont scandalisé les fidèles. D’autres ont refusé d’évoluer et ont maintenu la liturgie tridentine et l’Eglise leur a concédé de le faire. Nous allons nous contenter ici de voir dans le cas normal d’une messe selon le nouveau missel, célébrée correctement, comment on peut participer à la liturgie de manière à en obtenir tous les fruits spirituels.

Principes essentiels

  Il faut d’abord rappeler deux principes de théologie liturgique. Le premier est que l’eucharistie n’est pas la célébration du prêtre, à laquelle les fidèles assisteraient en spectateurs et en bénéficiaires passifs. C’est toute la communauté qui célèbre, ou pour dire les choses autrement, l’assemblée des fidèles concélèbre avec le prêtre. Mais chacun y participe à sa place. Le prêtre est investi du sacerdoce ministériel. Il agit in persona Christi(à la place du Christ), il représente le Christ qui préside l’eucharistie. Le vrai célébrant est en effet le Christ, grand-prêtre et médiateur entre Dieu et les hommes. Par leur baptême, les fidèles sont eux porteurs du sacerdoce commun des baptisés. Ils sont donc prêtres, mais pas au sens du sacerdoce ministériel.
  Le second principe est que la messe rend présent le mystère pascal, mort et résurrection de Jésus-Christ. Le Christ, et toute l’Eglise avec lui, offre au Père les mérites infinis de sa mort sur la Croix. L’eucharistie est donc un sacrifice que nous offrons à Dieu, tous ensemble, et auquel nous participons par la communion.
  Je fais à cette occasion une remarque sur la place du prêtre par rapport aux fidèles. Dans la liturgie byzantine ou dans la liturgie tridentine, il est dos à l’assemblée, tourné vers l’autel et vers la Croix. Dans la messe de Paul VI, il est tourné vers les fidèles qui le voient face à face. Les deux positions ont leur sens toutes les deux. Dans le premier cas, le prêtre est à la tête de l’Eglise, tout le monde est tourné vers Dieu. Le prêtre représente ainsi le Christ, médiateur, qui porte vers le Père toute la prière de l’Eglise. Dans l’autre situation, c’est un autre aspect qui est mis en valeur. La liturgie nous apparaît comme un dialogue entre le Christ et son épouse, l’Eglise. La dimension sacrificielle n’est pas oubliée, mais le sacrifice est célébré sous sa dimension de repas fraternel.

Les lectures

  Une des choses les plus remarquables de la réforme liturgique est la création d’un nouveau lectionnaire, réparti sur trois ans, en ce qui concerne les lectures du dimanche, et sur deux ans, pour les lectures de la semaine. Ainsi les richesses de la parole de Dieu sont offertes à tous et les croyants peuvent ainsi avoir une connaissance globale de la Sainte Ecriture. La première lecture est suivie d’un psaume, qui donne une interprétation priante de ce qui a été proclamé. Le contact direct avec la parole de Dieu est devenu un fruit précieux et savoureux de la nouvelle liturgie. Comme l’a dit saint Jérôme, ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. Notre foi doit être nourrie par la Parole de Dieu, sinon elle s’étiole et devient insipide. Notre vie spirituelle, comme la maison bâtie sur le roc dont parle l’Évangile, doit reposer sur une doctrine solide, une théologie qui tienne la route. Pour profiter de cette grâce, les fidèles ont intérêt à méditer un peu ces textes avant de participer à l’eucharistie. Le Seigneur aura toujours quelque chose à leur dire pour leur vie concrète de tous les jours. Si ce n’est pas possible, alors qu’ils écoutent très attentivement les lectures, en ayant un cœur ouvert et en savourant ce que le Seigneur leur dit dans la liturgie.

Les temps sacrés de silence

  Il est prévu divers moments de silence, pour favoriser l’intériorisation de la liturgie. C’est un moment de participation des laïcs à la prière du prêtre. Chacun participe intérieurement dans son cœur à la grande prière de l’Eglise. La prière personnelle est ainsi intégrée à la liturgie communautaire. Ainsi il y a un temps de silence avant le confiteor, avant l’oraison du jour, et après la communion. En beaucoup d’endroits on fait aussi un temps de silence après les lectures ou après l’homélie. Ces moments sont précieux. La qualité de notre participation se révèle dans la manière de profiter de ces temps de silence.

La messe dialoguée

  La participation active de l’assemblée eucharistique est facilitée par le fait qu’il y un incessant dialogue entre le prêtre et les fidèles. Dans les réponses que l’assemblée donne au prêtre célébrant, c’est toute l’adhésion de l’Eglise, épouse du Christ, à son Seigneur qui est mise en lumière. La réponse la plus significative est celle de l’amen, qui conclut les oraisons du prêtre, et surtout l’amen solennel qui est chanté à la fin de la prière eucharistique. Cet amen de l’Eglise est un écho de celui du Christ, qui ne fut qu’un « amen » au Père. Ainsi participer à la liturgie, c’est surtout un mouvement d’adhésion totale au mystère du salut, à la volonté du Père.

La communion

  La plus forte participation au sacrifice eucharistique ne consiste pas dans des mots mais dans un acte, celui de participer au Corps et au sang du Seigneur, par la communion. Tout le mystère de l’eucharistie entre alors en nous, nous devenons un avec le Christ qui s’offre au Père pour le salut du monde. L’eucharistie devient ainsi la source d’une vie nouvelle, qui va imprégner notre existence concrète de tous les jours. Pour les laïcs participer activement à l’eucharistie consiste, dans leur vie réelle dans le monde, à imprégner ce dernier des valeurs évangéliques. L’eucharistie est au centre de leur vie, et leur vie est la véritable préparation et le couronnement de leur active participation.
  Une parole de saint Paul (Rom 12, 1) résume finalement tout ce que nous avons tenté de dire dans cet article : Je vous invite donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à faire de vos corps une victime vivante, sainte, agréable à Dieu, votre culte spirituel.

2 commentaires:

  1. "On ne peut donc pas considérer le Sacrifice eucharistique dans le sens univoque de «concélébration» du prêtre avec le peuple qui est présent. Au contraire, l’Eucharistie célébrée par les prêtres est un don «qui dépasse radicalement le pouvoir de l’assemblée [ ... ]. "

    "Il est nécessaire et urgent de tout mettre en œuvre pour écarter toute ambiguïté dans ce domaine, et apporter un remède aux difficultés qui ont surgi ces dernières années. Ainsi, il ne faut employer qu’avec prudence des expressions telles que «communauté célébrante» ou «assemblée célébrante», qui sont traduites dans d’autres langues modernes par «celebrating assembly», «asamblea celebrante», «assemblea celebrante», et d’autres de ce genre."

    Instruction "Redemptionis Sacramentum", 2004

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  2. Ce commentaire est pertinent. J'ajoute le cas d'un prêtre qui célèbre seul en l'absence d'une assemblée. Toute l'Eglise du ciel et de la terre est présente. le prêtre offre le Saint Sacrifice pour les vivants et pour les morts. Une assemblée sans prêtre ne célèbre pas l'eucharistie. En ce sens il est plus juste de dire que le prêtre célèbre les saints mystères et que les fidèles y assistent.

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