dimanche 17 septembre 2017

Conférence de l'abbé de Fontgombault fin

Les gestes

Alors que l’on vient de souligner l’aspect contemplatif de la forme extraordinaire, il peut sembler paradoxal de s’arrêter maintenant à la place du corps, sollicité par tant de gestes : génuflexions, inclinations, signes de Croix. La liturgie est une action !

Remarquons que la journée monastique associe elle aussi largement le corps à la prière, dans une liturgie qui s’étend du matin au soir.

Le monde, pourtant si actif, s’est accommodé d’une dépréciation du geste accentuée par les moyens modernes de communication. De façon paradoxale, l’homme moderne bouge, s’active davantage, mais pose moins de gestes. La réforme liturgique avait comme anticipé ce phénomène de société. À l’inverse, comment ne pas remarquer l’importance que le Seigneur accorde aux gestes tant dans ses miracles que dans ses rapports aux autres (« Qui m’a touché ? » dit-il à l’adresse de la femme atteinte d’un flux de sang (Lc 8,45)) La foi du prêtre, celle des fidèles, gagnent à la présence des signes sensibles, accomplis en vérité, pour être stimulée, attentive, présente. (cf St Thomas d’Aquin, Summa Theologica, IIIa Q.85, a.3).


À partir de la consécration, les gestes, accomplis autour des espèces du pain et du vin, impriment jusque dans le corps le rappel constant de la réalité du Calvaire représenté et rendu réellement présent. À condition de donner à chacun d’eux, sans affectation, le poids de sens spirituel qui convient, le corps s’associe de manière intense à l’esprit et à l’âme en incarnant la parole, en manifestant l’humilité de celui qui est face au mystère du Dieu présent. La crainte révérencielle s’installe alors dans le cœur, offrant à l’homme sa juste place. La Messe n’est pas qu’un repas, elle est aussi un sacrifice.

Accomplis négligemment, ces mêmes gestes accuseront sans pitié le ministre.

À travers la célébration de la forme extraordinaire, les prêtres redécouvrent l’importance de l’ars celebrandi et sauront en tirer parti pour une meilleure célébration dans l’une ou l’autre forme. Ce cheminement va de pair avec une plus grande fidélité au missel. « L’apparente minutie requise par le rite… n’enfonce pas le célébrant dans un carcan étroit, bien au contraire le prêtre se trouve dans un cadre fixe qui ne laisse guère de place aux initiatives personnelles et qui lui donne donc une grande liberté d’esprit pour être attentif au grand mystère qui s’accomplit sur l’autel et dont il est le ministre et le serviteur. »(4) De fait, la forme extraordinaire est plus longue, plus exigeante à apprendre. Ensuite, elle libère le célébrant. Paradoxalement, la forme ordinaire laissant place à plus de liberté, pourra conduire à une certaine surenchère liturgique nuisible à la rencontre du Mystère dans son dépouillement.

Saint Jean-Paul II écrivait : « La sainte Liturgie exprime et célèbre la foi unique professée par tous et, étant l’héritage de toute l’Église, elle ne peut pas être déterminée par les Églises locales isolément, sans référence à l’Église universelle. » (Ecclesia de Eucharistia, n°51) A fortiori, elle n’est pas la propriété du prêtre ou d’une équipe liturgique. Le rite liturgique est toujours à recevoir humblement. Le comprendre nécessite la conversion évoquée au début, qui de prime abord peut rebuter. Il y a là comme un pas à faire dans la foi, dans la confiance aussi en la pédagogie de l’Église qui sait comment conduire l’homme vers le mystère.

Pour le moine prêtre, la richesse des rites du missel tridentin est inépuisable. Il est déjà difficile d’exprimer brièvement ce qui s’expérimente jour après jour à longueur de vie dans l’intimité que procure au moine prêtre la messe, quel qu’en soit le rite ; mais non moins difficile d’essayer de mettre en lumière ce qu’apporte en ce domaine un rite sagement codifié à partir d’une tradition de plus de dix siècles et qui a façonné tant de saints.

Dès le premier instant, les prières au bas de l’autel invitent à quitter le devant du temple : le pro-fane pour gagner le lieu saint, l’autel de Dieu : Introibo ad altare Dei. Le prêtre est appelé à faire sienne l’angoisse du jardin des Oliviers : Judica me, Deus, et discerne causam meam de gente non sancta…tristis est anima me… Il est à la fois dans l’âme du Sauveur et dans celles de tous les pécheurs, compatissant à leur misère et la présentant au Sang rédempteur. Il faudrait suivre les rites pas à pas, nombre de commentateurs l’ont fait, en particulier au Bas Moyen Âge ; ils ont été déconsidérés depuis par de savants liturgistes qui, tout en disséquant les causes historiques des rites, oubliaient que le Saint-Esprit travaille à travers les causes secondes et peut faire adopter certains gestes ou certaines formules pour des raisons humainement explicables certes, mais en leur donnant une signification et des conséquences spirituelles beaucoup plus profondes que la raison immédiate ne peut le laisser deviner.

Mon commentaire: il y a aussi les prières de la vêture. Dans le rite byzantin, elles sont très expressives. Le prêtre récite devant l'iconostase des prières préparatoires, à caractère pénitentiel, avant d'entrer dans le sanctuaire pour y revêtir les ornements sacrés et se laver les mains. Le prêtre quitte le monde profane pour entrer dans le monde de la liturgie.

À ce point de vue la redécouverte du missel de 1962 a été vécue par les moines de Fontgombault comme un enrichissement. Que d’invitations, pour le moine qui n’a rien d’autre à faire que de se laisser prendre par le mystère et d’y passer du temps…

Permettez-moi une réflexion en vue d’un examen de conscience.  L’argument qui permet d’établir que le missel de 1962 ne pouvait être abrogé est la nature de la réforme remaniant profondément ce missel et en retour lui donnant droit de subsister en tant que tel. Pourquoi tant de richesses laissées de côté, dit-on aujourd’hui ? La vraie question ne serait-elle pas plutôt : Pourquoi tant de prêtres qui à l’époque célébraient selon le missel de 1962 n’ont-ils pas eu conscience de brader l’héritage liturgique de l’Église ? Célébrer un rite ne suffit donc pas ? Rencontraient-ils suffisamment le mystère ?

Par le motu proprio Summorum Pontificum, Benoît XVI invite à corriger deux erreurs liturgiques : le rationalisme desséchant et le formalisme rubriciste.

Rappelons aussi l’article 1er du motu proprio qui affirme que « les deux expressions de la lex orandi de l’Église n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église. » De fait, l’Église croit comme elle prie. L’unité du rite qui s’exprime sous deux formes participe de l’unité de la foi. Chaque forme en retour a le devoir d’exprimer au mieux l’unité du rite, et ainsi de participer de l’unique foi. Si le concile Vatican II a promu une ouverture de l’Église au monde, les derniers papes ont aussi rappelé que cette ouverture ne pouvait faire l’économie de la confession intégrale du mystère de Dieu et de Jésus-Christ, au risque pour l’Église de devenir une simple ONG. (Cf 1ère homélie du pape François, 14 mars 2013)

La Messe lue

Un dernier point mérite d’être abordé, qui concerne l’usage de la concélébration. La Constitution Sacrosanctum Concilium (n° 57 et 58), après avoir rappelé que la concélébration manifeste heureusement l’unité du sacerdoce, en a étendu l’usage, bien que dans des limites précises et relativement étroites (n° 57). Le texte a été compris en milieu monastique comme une invitation à la concélébration quotidienne.

Cet usage quasi-généralisé désormais a simplifié et concentré le travail des sacristains. Il a aussi décongestionné l’emploi du temps matinal des moines.

Peut-être faudrait-il se demander si ceux-ci ne subiraient pas en retour un détriment dans leur piété liturgique ?

Tenir chaque matin en ses mains l’Hostie sainte et immaculée, le calice précieux du Sang du Seigneur, soutenir l’action de la messe, le dialogue avec le Père éternel, ou participer à une concélébration au milieu de ses frères ne sont pas tout à fait du même ordre. Dans le cas d’une communauté nombreuse, le moine-prêtre peut espérer présider tout au plus une dizaine de fois la Messe conventuelle sur une année.

Au contraire, au terme des longs offices de Matines et de Laudes, la célébration quotidienne des Messes lues par chacun des prêtres achève comme sa conclusion naturelle la prière matinale et ouvre à la communion sacramentelle et aux saints mystères qui nourrissent l’Église. C’est à cette communion, spirituelle cette fois, que l’assistance à la Messe conventuelle dans la matinée convoque les moines.

En ce sens le motu proprio favorise la piété liturgique par un retour des Messes lues. Il semble cependant qu’il a été peu reçu en milieu monastique.

En conclusion de cette première enquête, la forme extraordinaire apparaît comme tournée vers Dieu, mais sollicitant l’homme tout à la fois dans la grandeur et la faiblesse de son humanité.
Fruit ecclésial : la Paix

Le moment est venu maintenant d’aborder le fruit ecclésial du motu proprio Summorum Pontificum. Il a été et demeure pour l’Église un facteur de paix.

N’est-il pas inquiétant que prêtres et fidèles s’accommodent des discordes dans la célébration de l’Eucharistie, le sacrement de l’amour ! Le cardinal Robert Sarah affirmait dans un entretien en 2016:

«Sans un esprit contemplatif la liturgie demeurera une occasion de déchirement haineux et d’affrontements idéologiques… alors qu’elle devrait être le lieu de notre unité et de notre communion dans le Seigneur… » 

Le motu proprio du Pape Benoît invite pasteurs, prêtres et fidèles à se comprendre, à s’écouter, à se respecter. Tel est le rôle du pasteur suprême qui aime toutes ses brebis, qui les guide, qui les enseigne, qui les secourt.

Le Pape Jean-Paul II, par la lettre circulaire Quattuor abhinc annos faisait état du « souci du Père commun pour tous ses enfants ». Le pape polonais devait manifester à nouveau ses sentiments par le motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988. Seuls les deux premiers mots du document ont été retenus en guise de titre, c’est dommage ! Le troisième mot est adflicta. La Commission du même nom n’est pas née dans les fastes d’une Église triomphante, mais plutôt sur la croix d’une division entre frères. Faut-il souligner que les deux premiers numéros de ce texte mentionnent la tristesse : tristesse de l’Église qui voit s’éloigner de la pleine communion quelques-uns de ses enfants, tristesse « particulièrement ressentie par le successeur de Pierre à qui revient en premier de veiller à l’unité de l’Église ».

Au numéro 5, Jean-Paul II adresse aux pasteurs et aux fidèles un appel afin qu’ils aient conscience « de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l’Église la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat ». À tous les fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine, le pape manifeste en outre sa volonté, à laquelle doivent s’associer les évêques et tous ceux qui ont un ministère pastoral dans l’Église, de faciliter la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires pour garantir le respect de leurs aspirations.

Benoît XVI dans la lettre aux évêques jointe au motu proprio Summorum Pontificum exprime des sentiments similaires : « confiance » et « espérance » tout en reconnaissant que les échos à l’annonce de la parution du document allaient de « l’acceptation joyeuse à une dure opposition ». Dans des lignes paternelles à l’égard des pasteurs des diocèses, il cherche à éradiquer leurs craintes : crainte d’amenuiser l’autorité du Concile Vatican II et de mettre en doute sa réforme liturgique, crainte de fractures dans les communautés paroissiales. Ce qu’il veut, c’est aussi panser des blessures : blessures légitimes des fidèles devant les « déformations à la limite du supportable » de la Liturgie, blessures des persécutions injustes contre des prêtres fidèles, blessures aussi dans des propos regrettables, qu’ils viennent des uns ou des autres. Il y aurait bien des repentances, des pardons justifiés à échanger en ce domaine sans parler d’examens de conscience toujours actuels.

Benoît XVI a voulu faire œuvre de pacificateur. L’idéologie en matière liturgique a conduit à la division, à la tristesse et au pessimisme. Benoît XVI par le motu proprio accélère un processus vers un temps de paix liturgique. Dans les endroits où celui-ci a été accueilli généreusement par les pasteurs et les fidèles, la communion renaît.

Conclusion

Au terme de ces lignes, deux expressions reviennent à l’esprit : action de grâces et espérance. Action de grâces parce que l’initiative de Benoît XVI pacifie la question liturgique dans le cœur des pasteurs, des prêtres et des fidèles, ouvrant la voie à une nouvelle évangélisation à partir de la liturgie dans toute sa richesse.

Espérance parce qu’il ne semble pas possible de se résoudre définitivement à un écartèlement, à une tension de l’unique rite romain entre deux formes, entre l’adoration du Corps et Sang du Christ réellement présent sur l’autel et le service de l’assemblée.(cf. La lettre déjà mentionnée au Professeur Barth)

Cette tension n’est pas nouvelle dans l’histoire de l’Église et appelle à un dépassement.

L’Évangile rapporte la question (Mt 22,36-40 ; Mc 12,28-34) d’un docteur voulant mettre à l’épreuve le Seigneur : « “Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ?” Jésus lui dit : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même” ». (Mt 22,36-39)

Le mouvement liturgique a poursuivi la participation active de tous au sacrifice eucharistique. Ce but louable n’est-il pas devenu, parce qu’on l’avait mal compris, la fin même de la célébration ? L’exhortation apostolique post-synodale Sacramentum Caritatis rappelait : « Il convient… de dire clairement que, par ce mot [actuosa participatio], on n’entend pas faire référence à une simple attitude extérieure durant la célébration. En réalité, la participation active souhaitée par le Concile doit être comprise en termes plus substantiels, à partir d’une plus grande conscience du mystère qui est célébré et de sa relation avec l’existence quotidienne. » (n°55)
Aujourd’hui, le motu proprio répond au désir du cœur inquiet de nombreux prêtres. S’ils se reconnaissent comme serviteurs de la part du troupeau qui leur est confiée, ils sont aussi et d’abord les amis de Dieu, et ils ont besoin de le rencontrer, de se nourrir de lui à travers la célébration de la liturgie.

Travailler à recentrer cette célébration sur le mystère, tout en conservant les acquis de la réforme, apparaît donc comme un soutien à la vie spirituelle des prêtres, comme l’accueil aussi d’un sensus fidelium auquel le Pape François invite si souvent à être attentif, et enfin, comme un défi pour l’Église.

Ré-introduire ad libitum des gestes tels que les signes de croix, les génuflexions, les inclinations, permettre la prière de l’offertoire de la forme extraordinaire, ainsi que la possibilité de réciter le canon en silence, seraient des pas, simples à mettre en œuvre dans la forme ordinaire.

Benoît XVI ouvrait une voie en ce sens en écrivant aux évêques : « Dans la célébration de la Messe selon le Missel de Paul VI, pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien. »

Récemment un missionnaire en pays asiatique écrivait à propos des chrétiens qui l’avaient sollicité pour célébrer la Messe en forme extraordinaire : « Ils aiment à la fois célébrer Dieu par un rite soigné, et être reliés via cette forme liturgique qui a nourri tant de saints à une Église universelle dont l’histoire est longue et riche, bien antérieure à son arrivée récente dans le pays. » Ne parlons pas du missionnaire pour qui la célébration, même en latin, est plus confortable que dans la langue du pays.

N’est-il pas réconfortant de retrouver en Asie les mêmes sentiments que chez les prêtres venus apprendre la forme extraordinaire à Fontgombault ? Ce trésor, cette histoire longue et riche qu’ils rencontrent, c’est l’universalité de l’Église qui, présente dans une civilisation, dans un temps et dans un lieu, domine les civilisations, les temps et les lieux.

Cette Église qui est, selon l’enseignement de Lumen Gentium, Mystère et Sacrement, voit cette richesse et en même temps cette tension de son être se refléter dans sa liturgie en deux ethos célébratoires, le mystérique et le social, la forme extraordinaire, et la forme ordinaire. Elle ne peut se résoudre à les laisser s’opposer. Aussi le plus beau fruit du motu proprio est-il probablement encore à venir. Il naîtra du refus d’un « missel d’avant » et d’un « missel d’après ». Nullement envisagée par les Pères conciliaires, l’existence de deux formes du rite romain appelle une convergence, un enrichissement mutuel souhaité par le Pape Benoît pour le bien de l’Église et de sa Liturgie et qui répond aux paroles même du Fils : « Que tous soient un ! » (Jn 17,1). Alors tous pourront faire leurs les paroles prononcées par le pape Benoît à l’Abbaye de Heiligenkreuz : « Je vous demande : célébrez la sainte liturgie en ayant le regard tourné vers Dieu dans la communion des Saints, de l’Église vivante de tous les lieux et de tous les temps afin qu’elle devienne l’expression de la beauté et de la sublimité de ce Dieu ami des hommes ! » (Benoît XVI, discours du 9 septembre 2007 à l’Abbaye de Heiligenkreuz.)

Mon commentaire: Qu'advienne cette paix liturgique où tous, prêtres et fidèles, retrouveront le sens véritable du mystère du saint sacrifice de la messe. 




7 commentaires:

  1. Bonjour,

    L'argumentaire sur la messe lue et la concélébration n'est pas convaincant, à mon sens.

    En effet, ce n'est pas la messe lue qui fait la piété du moine prêtre.
    D'ailleurs, saint Benoit n'a jamais envisagé qu'il y ait autant de prêtres dans les communautés monastiques. L'exercice du sacerdoce n'est pas le fondement de la vie monastique.
    La piété du moine concerne prière monastique dans toutes ses dimensions.

    La concélébration est particulièrement adapatée aux communautés monastiques, qui manifeste l'unité du sacerdoce en leur sein (même si la célébration privée peut être laissée au choix du prêtre).

    Maintenant, je laisse le soin à un vrai moine de me contredire :)

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    1. Je ne suis pas un vrai moine (en fait je ne suis pas moine du tout), mais je me permet tout de même de répondre.

      A titre personnel, bien que je ne sois pas traditionaliste, je trouve que la pratique de la concélébration systématique (telle qu'on la trouve aujourd'hui, de facto, dans le nouveau missel) ne favorise pas vraiment l'intériorité. Comme le dit l'Abbé de Fontgombault, célébrer soi-même, quotidiennement, silencieusement et sans personne d'autre qu'un servant d'autel rend particulièrement proche de Dieu.

      Il y a en outre un motif pratique. Si dans une communauté tous célèbrent ou concélèbrent, alors quid des autres fonctions ? Des diacres, sous-diacres, servants, chantres ?
      C'est l'un des très rares défauts de la liturgie romaine telle qu'on la trouve à Solesmes par exemple: la liturgie y est incomparablement belle, mais la concélébration quotidienne fait que des moines-prêtres (hiéromoines) qui pourraient, en célébrant une messe privée plus tôt, remplir d'autres fonctions, ne peuvent pas le faire. D'où une solennité un peu plus réduite.

      D'autre part, il faut se souvenir que la concélébration telle que le Concile l'envisageait n'était guère qu'occasionnelle, exceptionnelle, extraordinaire (comme la forme...). Et par conséquent, la concélébration systématique va à l'encontre des intentions conciliaires.

      A noter de surcroît que Fontgombault pratique la concélébration pour certaines occasions: Noel, Jeudi Saint et Vigile pascale.

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    2. Bonjour,

      A mon avis, il y a une mauvaise conception de ce qu'est la liturgie.
      Que la messe privée ait une valeur, personne n'en doute et c'est l'Eglise qui le dit.

      Mais la liturgie est d'abord un acte public. Autrement dit, faire l'éloge de la messe privée au détriment de la messe publique me semble totalement antiliturgique.

      De même, préférer un messe privée sous prétexte de piété personnelle me semble instrumentaliser la liturgie pour un bénéfice personnel au détriment de ce que doit être un acte liturgique.
      Pour un moine dont la vie est centrée sur la prière, il existe bien d'autres moyens d'entretenir la piété. Je le répète, l'exercice du sacerdoce n'est pas le fondement de la vie monastique.

      Je ne suis pourtant pas un inconditionnel de la concélébration. Dans les paroisses, la pratique est devenue un abus, car le nombre de clochers à désservir augmentant dans les campagnes, et le nombre de messes à célébrer augmentant dans les villes, la concélébration est une anomalie.
      De même, dans les grands rassemblements, un nombre conséquent de prêtres concélébrants souvent éloignés de l'autel fait perdre tout son sens à la célébration. Donc, il faut une justesse.

      La question des autres fonctions n'a pas l'air de se poser à Solesmes : il y a des diacres permanents et il peut y avoir des prêtres assistants. Je n'ai jamais vu de solemnité réduite. Ca n'est pas vrai.

      Quand à Vatican II, il étend bien la concélébration aux messes conventuelles des communautés religieuses :

      57.
      2. En outre, avec la permission de l’Ordinaire, à qui il appartient d’apprécier l’opportunité de la concélébration :
      a) à la messe conventuelle et à la messe principale dans les églises, lorsque le bien spirituel des fidèles ne requiert pas que tous les prêtres présents célèbrent individuellement ;

      Etant entendu que le prêtre doit pouvoir choisir de célébrer individuellement.

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    3. Personnellement, étant un moine prêtre bénédictin, je concélèbre à la messe conventuelle, comme du reste les autres prêtres de la communauté. Je célèbre rarement la messe "privée", tout au plus 3, 4 fois par an, lorsqu'il m'est impossible de participer à la messe conventuelle, par exemple si je dois partir en voyage. Le terme de privée me semble faux. Car on célèbre la messe dans une église et n'importe qui peut se joindre à cette messe s'il est là par hasard à ce moment-là

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    4. Bonjour révérend père,

      Les messes privées sont des messes célébrées avec un servant seul, à voix basse dans une chapelle latérale.
      De fait, on ne peut pas dire qu'elle soit faite pour y "participer" même si on peut y être présent.

      Le terme "privé" n'est pas une dénomination mais un état de fait. C'est sur la privatisation de la messe en tant qu'acte de piété seul du prêtre que je portais ma critique.

      Néanmoins, comme l'Eglise encourage à ce que les prêtres disent la messe chaque jour, il est des cas où la messe privée prend son sens.

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    5. Bonjour Jérôme,

      Pardonnez-moi de vous répondre si tard.

      Tout d'abord, sachez que je suis globalement d'accord avec vous sur la question de la supériorité de la messe "communautaire" (entendez, la messe célébrée pour une communauté, qu'elle soit paroissiale, conventuelle ou monastique) à la messe privée.
      Toutefois, comme vous le soulignez, la concélébration établie sans aucune limite, sans aucune précaution (contre les vœux du Concile) est irresponsable: les prêtres ont beaucoup de clochers à desservir. Et ne parlons pas de ces concélébrations bâclées, ou les prêtres ne portent pas tous les vêtements liturgiques qu'ils devraient porter (j'ai même vu un religieux concélébrer une messe en portant seulement une étole par-dessus sa bure!).

      Le texte du concile que vous citez ne fait par ailleurs état que d'une permission, certainement pas d'une obligation: une communauté peut choisir de conserver une messe conventuelle non-concélébrée. C'est ce que fait par exemple l'abbaye de Flavigny en Bourgogne (la Messe, célébrée en latin avec l'Ordo Missae de Paul VI, n'est jamais concélébrée, sauf pour les grandes occasions).

      Et puis si un prêtre désire célébrée privément (ou plus précisément, comme le dit le P. Cassingéna-Trévedy, de l'abbaye de Ligugé, "intimement"), au nom de quoi le lui interdirait-on ? Ce droit est préservé par l'Eglise, c'est indûment que beaucoup de prêtres en sont privés de facto.
      Et je n'ai jamais vu de prêtres-assistants à Solesmes. La Messe pontificale, où deux (voire trois) diacres sont normalement requis, doit souvent se contenter d'un unique diacre. Il n'y a pas non plus de sous-diacre (mais c'est un autre sujet...).

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    6. Ajoutons de surcroît que toute messe est nécessairement publique: le prêtre célébrant en privé présente à Dieu la divine victime avec toute l'Eglise derrière lui, celle du Ciel et celle de la Terre.
      Même si cette dimension "ecclésiale" de la liturgie (que les traditionalistes ont souvent tendance à mépriser, à tort) est mieux mise en valeur s'il y a une assemblée, c'est évident.

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