mercredi 22 novembre 2017

Entrée au temple de la Mère de Dieu, homélie

La fête du 21 novembre s'appelle dans le rite byzantin l'Entrée au temple de la Mère de Dieu. L'homélie qui suit a été prononcée dans l'église orientale du monastère de Chevetogne, toute ornée de fresques, et selon l'usage local juste avant la communion des fidèles, ce qui explique certains détails de cette prédication.

Dans l'année liturgique byzantine, il y a au centre Pâques, qui est la fête des fêtes. Et autour de cette solennité centrale, il y a une constellation de 12 fêtes, un peu comme la couronne de 12 étoiles sur la tête de la femme de l'apocalypse : 9 fêtes du Seigneur et 3 de la Mère de Dieu. Elles sont toutes présentes dans les fresques de la nef centrale de notre église, les trois fêtes mariales se trouvant sur le mur occidental de cette nef : la nativité de Marie, la Dormition et l'entrée au temple de la Mère de Dieu. Si les fêtes du Seigneur sont basées sur le Nouveau Testament, ce n'est pas le cas des 3 fêtes mariales, qui sont inspirées par les écrits apocryphes. Récit apocryphe ne signifie pas récit faux, mais un texte qui n'a pas été incorporé dans le canon des Écritures saintes. Ce sont des textes qui proviennent des premières générations chrétiennes, en particulier des communautés issues du judaïsme, et qui expriment les croyances et la piété de ces communautés.

Avec la fête de ce jour, nous sommes invités en effet à nous rappeler l'enracinement dans l'ancien testament de notre foi chrétienne. La petite Marie, fille d'Anne et de Joachim, n'a que trois ans. Nous sommes donc encore avant Jésus-Christ. Au centre de la vie du peuple de Dieu de la première alliance, il y a le temple de Jérusalem, avec son sanctuaire, son saint des saints, lieu de la présence au milieu de son peuple du Dieu infiniment saint. Dans une église orientale, le sanctuaire, avec l'autel et le tabernacle, qui a chez nous la forme d'une petite colombe, symbole du Saint-Esprit, est aussi un lieu saint, le lieu où Dieu demeure parmi nous. Comme dans le temple de Jérusalem, il est séparé du reste de l'église par la cloison de l'iconostase, avec au centre la porte royale et le rideau, qui symbolise la porte du paradis, fermée par le premier péché mais ouverte à nouveau par le Christ, le jour de l'ascension, quand le premier il est entré par le voile de sa chair dans le sanctuaire céleste pour y devenir notre grand-prêtre miséricordieux et compatissant. Le sanctuaire représente en effet l'au-delà, le ciel de Dieu, tandis que la nef représente notre monde. C'est pourquoi les scènes de l’Évangile sont représentées dans la nef parce qu'elles nous rapportent la vie du Fils de Dieu en notre monde. Toutefois deux fêtes sont dans le sanctuaire, l'ascension et le pentecôte. Jésus-Christ en effet avec l'ascension est remonté vers son Père et de là il a envoyé son Saint-Esprit sur les apôtres. C'est pourquoi ces deux fêtes se trouvent au-delà de l'iconostase, car elles sont déjà du ciel. Quand un fidèle entre à l'église, la première chose qu'il fait c'est de se tourner vers le sanctuaire, lieu de la divine présence, ciel présent sur la terre, et il fait trois métanies en se signant, pour se tourner ainsi vers Dieu, vers le trône de la grâce.
Aujourd'hui, l'immaculée fait son entrée dans le temple. Anne et Joachim, pour remercier le Seigneur de leur avoir donné une fille viennent au temple pour qu'elle y soit éduquée. Marie aurait alors gravi les marches du sanctuaire et serait entrée dans le saint des saints. Qu'est-ce que cela signifie pour nous ? Sinon que la Vierge, parce qu'elle était immaculée, vivait totalement dans la présence de Dieu, d'une manière incompréhensible pour nous et qui dépasse tout ce que nous pouvons concevoir. Une vie toute offerte à Dieu, dans la virginité, une vie de prière incessante, qui fait qu'elle sera choisie pour être la Mère du Sauveur promis dès l'origine. Les moines byzantins aiment à appeler la Mère de Dieu, la mère de la prière incessante. C'est pourquoi cette fête est pour nous une fête typiquement monastique, une fête qui nous invite à la prière incessante de louange et d'intercession pour le monde.
Ce n'est pas sans raison qu'en occident la date d'aujourd'hui était traditionnellement dans beaucoup de congrégations religieuses une date pour faire les vœux. Marie aujourd'hui, à l'aube de sa vie consciente, s'est consacrée totalement à Dieu et c'est là le sens le plus profond de la fête de ce jour.
Les récits apocryphes nous disent que l'une des occupations de la jeune Marie dans le temple fut de tisser le voile du sanctuaire, ce voile qui se déchirera au moment de la mort de Jésus sur la Croix, ouvrant ainsi la route vers le sanctuaire éternel, vers la communion avec Dieu, vers la vie éternelle.
Dans quelques instants le sanctuaire va s'ouvrir et nous allons nous approcher pour recevoir le corps et le sang du Christ, cette nourriture céleste qui nous donne déjà la vie éternelle, qui nous met en communion avec la sainteté de Dieu, qui nous réconcilie parfaitement avec la Sainte Trinité. Oui c'est du trône de la grâce que nous pourrons nous approcher avec confiance. Que ces paroles de l’épître aux Hébreux nous accompagne en cette démarche vivifiante et divinisante : Ayant un grand-prêtre qui a pénétré les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, ayons confiance, car nous n'avons pas un pontife qui ne puisse pas compatir à nos faiblesses, lui qui a été semblable à nous en tout, hormis le péché. Allons donc avec confiance au trône de la grâce, afin d'obtenir miséricorde, et d'y trouver la grâce avec tout son secours. 

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