jeudi 8 novembre 2018

La prière du cœur (6)

La pratique de la prière de Jésus (suite)

Je voudrais d'abord rappeler que si quelqu'un se trouve bien dans les méthodes classiques de méditation ou d'oraison discursive, comme celles enseignées par saint Ignace de Loyola, sainte Thérèse d'Avila ou saint François de Sales, il ne doit pas changer sa manière de faire. Il faut demeurer fidèle à la grâce que Dieu nous fait. De même, dans la vie monastique, il importe de rester fidèle à la lectio divina, à la rumination de la Parole, pour nourrir notre âme de la connaissance de ce Dieu que nous trouverons ensuite dans la prière. Dans ces méthodes classiques, il arrive parfois que l'on connaisse la sécheresse, l'aridité ou la désolation intérieure. A ce moment-là la prière de Jésus pourra être une roue de secours qui permettra de pratiquer une oraison fructueuse. En outre après une longue période de vie de prière, il arrive souvent qu'à un moment donné, on se trouve dans l'impuissance à méditer comme on le faisait auparavant, que même on ne puisse plus faire d'actes explicites de prière. Cette étape est bien connue des auteurs qui ont disserté sur l'oraison mentale. C'est alors le signe que Dieu nous appelle à une oraison beaucoup plus simple, ce qu'au XVIIe siècle, on appelait l'oraison de simple regard, une oraison où le silence prend la première place et où on se contente d'une attention aimante à la divine présence, sans plus faire d'acte explicite de prière. Dans cette situation, la prière de Jésus sera une voie excellente pour aller vers la prière silencieuse, car la brève répétition d'une formule, voire du seul nom de Jésus, sera la parole qui ne fera plus que nourrir un silence intérieur. On connaît la fameuse histoire du Père Chaffangeon, à Ars au temps du saint curé, qui restait en silence devant le tabernacle de longs moments et qui, à la question posée par le saint curé; "Mais que faites-vous donc lorsque vous êtes à l'église?", répondit: "Oh rien, monsieur le curé, je l'avise et il m'avise". 

De même qu'on apprend à nager en se jetant à l'eau, on apprend la prière monologique en se jetant dedans. C'est par la pratique qu'on sera éclairé et instruit sur la manière de faire ce qui nous convient. Ainsi, tout ce que je puis dire ici doit laisser le lecteur dans une entière liberté. Chacun doit trouver avec le temps et en faisant des essais, ce qui marche le mieux pour lui: longueur de la formule utilisée, nature de cette formule, rythme personnel, synchronisation ou non avec la respiration, prière seulement mentale ou murmurée. Bref chacun est invité à écouter sa propre expérience.

La première chose à faire pour commencer un temps de prière monologique sera de se tourner vers notre cœur, là où Dieu est présent, puisque la prière de Jésus est un repos en Dieu, présent au fond de notre être. On pourra dès lors faire un acte explicite de prière comme celui-ci:

Seigneur, mon Dieu, je crois fermement que vous êtes présent au centre de mon âme et je vous adore très humblement. Je crois aussi que vous êtes la Bonté infinie et je vous aime par-dessus toute chose. Je crois que votre grâce agit en moi, même si je ne sens rien et je m'abandonne entièrement à toutes les opérations de cette grâce en moi, et vous remercie de tout ce que vous faites pour moi. Vous savez mieux que moi quels sont mes besoins, c'est pourquoi je ne vous demande rien explicitement et je m'en remets à vous. De même pour tous ceux que je porte dans mon cœur et pour qui je dois prier, je me contente de vous les recommander tous.

Si on veut prier la Sainte Vierge, comme saint Séraphim nous recommande de le faire après midi et le soir, en récitant l'invocation "Très Sainte Mère de Dieu, sauvez-moi", on pourra commencer la prière par un acte explicite de confiance en la puissance d'intercession de Marie.

Ensuite, en priant, il faut éviter les distractions. Ces dernières ne vont pas manquer de nous harceler tout au long de la prière. Elles sont inévitables et nous ne devons pas nous étonner de cela. Elles sont même plus fortes dans la prière monologique que dans d'autres formes de prière, à cause de la monotonie de cette prière. C'est ici que l'on comprend que la prière est un combat, une lutte à reprendre sans cesse, et que la prière monologique n'a rien à voir avec la paresse spirituelle ou la rêverie inconsistante. L'effort requis sera toujours et sans cesse, chaque fois que nous serons pris par notre mental ou notre imagination, de revenir à Dieu et de se concentrer sur la prière. Je pense que lorsque les distractions nous harcèlent il est préférable de prononcer la prière à voix basse, plutôt que de la dire mentalement, car cela favorise la concentration spirituelle. Ceci dit il ne faut pas se mettre martel en tête à cause des distractions, qui sont une conséquence inévitable de notre fragilité et de la versatilité de notre esprit. Continuons à réciter la prière, obstinons-nous et nous prierons ainsi vraiment. Saint François de Sales ne manquerait pas de nous dire à ce sujet, que le meilleur moyen de combattre, c'est le mépris et de n'accorder aucune importance à toutes ces choses qui tournent dans notre tête, comme mouches en été, de ne pas s'inquiéter et de persévérer dans la prière. 

                                                              A suivre


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